⚡ Article de François Chesnais + discussion sur la monnaie et l’annulation dette

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : anti-k

LR:  Un débat sur la dette autour de l’article de fond de François Chesnais et des interventions diverses présentées par ordre chronologique… Henri Vilmo, Patrick Artus, François Chesnais, Gaston Lefranc, jm burgaud

NPA, 29 avril 2020

https://www.anti-k.org/2020/04/30/la-dette-publique-est-un-instrument-pour-maintenir-lordre-economique-et-social/

Les dirigeants les plus intelligents de la bourgeoisie préparent toujours le coup d’après.

Dans une interview au Journal du dimanche, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France (et à ce titre également membre de la direction de la Banque centrale européenne), dit deux choses. Premièrement, aujourd’hui, il faut dépenser pour soutenir l’économie face à la crise, même si cela entraîne une dette publique qui devrait atteindre 115 % du PIB (pour financer les quelque 110 milliards de dépenses programmées en France, l’État va s’endetter d’environ 90 milliards d’euros). Deuxièmement : « Dans la durée, il faudra rembourser cet argent ».

Sauver le capitalisme

Aujourd’hui l’économie capitaliste est largement paralysée. Les entreprises sont en grande partie à l’arrêt par manque d’éléments nécessaires (pièces, etc.) à leur activité, car les processus productifs sont mondialisés, et aussi parce que la main-d’œuvre est pour une part confinée. À ce problème d’offre s’ajoute un problème de demande : les échanges internationaux sont en berne et, au niveau intérieur, c’est la même chose pour les achats des particuliers, de l’État, des autres entreprises. Ces difficultés des entreprises risquent de se répercuter sur les banques, si un nombre important d’entre elles ne peuvent rembourser leurs crédits ; or, la dette des entreprises avait beaucoup augmenté dans l’avant-crise.

Donc Villeroy de Galhau, le ministre des Finances et tous leurs homologues étrangers sont en alerte : il faut sauver les banques et les grandes entreprises et, pour cela, ne pas lésiner sur les milliards de dépenses et de garanties de crédit. Pour politiquement faire passer ces mesures et aussi pour éviter un effondrement encore plus rapide des achats des ménages (et donc mettre les entreprises encore plus en difficulté), tous les États ajoutent à leurs plans d’urgence une pincée de mesures sociales. Du coup, c’en est fini pour un temps des rengaines sur l’équilibre budgétaire et les critères européens.

Se préparer à faire payer « ceux d’en bas »

Mais le projet n’est en aucun cas de construire un « monde d’après » avec une autre logique économique. Il s’agit de rétablir le plus vite possible le « monde d’avant » et de faire payer la crise à celles et ceux d’en bas. L’austérité est programmée. D’ailleurs, on évoque une future réduction des dépenses, y compris de la santé.

Pour cela, rien de plus commode que d’agiter le spectre de la dette. Or, si pour un particulier, être endetté, c’est une insécurité, car il faudra rembourser, un État ne rembourse quasiment jamais sa dette (les exceptions sont rares) : la plupart du temps, il s’endette à nouveau du montant à rembourser, la question centrale étant celle du taux d’intérêt pour les nouveaux emprunts. De plus, dans le passé, à diverses reprises, les États ont usé de mécanismes divers pour reporter les échéances. Aujourd’hui encore, certains économistes, loin d’être anticapitalistes, craignent que l’austérité soit trop forte et contre-productive, y compris pour les capitalistes, et proposent des solutions alternatives : par exemple, une dette de très longue durée – à 50 ou 100 ans, voire une dette perpétuelle – que la Banque centrale européenne rachèterait (proposition de l’économiste Daniel Cohen et du banquier Nicolas Théry).

Il n’y a donc pas péril en la demeure. Cette affaire de la dette souligne une fois de plus l’hypocrisie d’un gouvernement qui a supprimé une bonne partie de l’impôt sur la fortune, abaissé la fiscalité sur les revenus du capital, réduit l’impôt sur les sociétés (et s’apprête à le faire encore) et refuse tout impôt exceptionnel, par exemple, sur les comptes importants d’assurance-vie (le PS l’avait proposé et cela a été enterré en deux temps trois mouvements).

En finir avec la dette

Ce qui ne signifie pas que la dette ne soit pas un problème : chaque année des sommes importantes (de l’ordre de 40 milliards d’euros, soit les 4/5 du budget de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports) sont consacrées au paiement de la dette. Et la dette est un instrument de chantage de la finance si un État se lance dans des politiques qui pourraient attenter aux profits. Il faut donc en finir avec la dette publique comme mode de financement des économies : c’est-à-dire renouer avec un financement par avances de la Banque centrale (qui a existé jusqu’aux années 1980), arrêter de payer les intérêts annuels (sauf aux petits épargnants) et en annuler la plus grande partie, car elle s’est développée à cause notamment de toutes les baisses d’impôts et de cotisations patronales en faveur des plus riches et des grandes fortunes.

Par Henri Wilno

 



https://alencontre.org/europe/france/france-rapports-politiques-entre-capital-et-travail-et-reglement-de-la-dette-publique..html

France. Rapports politiques entre capital et travail et règlement de la dette publique

Publié par Alencontre le 19 – mai – 2020

Par François Chesnais

La hausse importante de la dette publique sous l’impact du Covid-19 a lancé un débat sur «Qui va payer?» (titre du Monde Diplomatique de ce mois) [1] dans lequel se sont exprimés le gouvernement, la Banque centrale européenne et des économistes de différente formation et tendance politique, dont des chercheurs-militants anticapitalistes.

Le débat porte sur la légitimité de la dette, la nécessité ou non de la payer, à quelle hauteur et à quel rythme et avec quels allégements possibles. Il a un défaut important. Dans les estimations qui sont faites du montant de la dette, on compte seulement les dépenses budgétaires de 2020-2021 liées au soutien d’entreprises en grande difficulté et au redémarrage de la production et de la consommation. Au-delà des déclarations de bonne intention sur la nécessité de faire du choc de la pandémie une rupture historique, on ne trouve aucun chiffrage du financement des très importants investissements qui sont requis urgemment pour freiner le réchauffement climatique, ni du montant des dépenses sociales et des investissements qui permettrait de commencer à améliorer un peu les conditions d’existence quotidienne des habitants dans des départements entiers comme la Seine-Saint-Denis et dans les banlieues des autres grandes villes. La nécessité de placer ces investissements au centre du débat sous-tend cet article. La forme la plus radicale d’annulation, à savoir la répudiation, est défendue si les rapports politiques devaient à un moment dans le futur se déplacer en faveur des salarié·e·s, des travailleurs très précaires, des chômeurs et chômeuses.

L’article part d’une hypothèse optimiste. Il est construit sur un espoir, à savoir que la réflexion permise par les échanges sur les médias sociaux au cours du confinement, le legs du mouvement des gilets jaunes ainsi que la lutte contre la loi sur les retraites pourraient avoir créé en France les conditions subjectives d’un combat, non seulement pour l’allégement mais pour l’effacement de la dette publique. Au moment où j’ai commencé ma recherche, l’appel «Bas les masques! lancé par des soignant·e·s en vue de construire un mouvement populaire» venait d’être publié le 30 avril [2]. Il est centré sur la situation des hôpitaux publics, mais il a une portée tout à fait générale et peut inspirer d’autres mouvements. Il ne fait qu’une allusion passante à la dette. C’est aux auteurs de cet appel et aux intervenants dans la vidéo, habités par la rage et la détermination, que l’article s’adresse et aux centaines de milliers de femmes et d’hommes qui le partagent que je m’adresse. Ici la question est traitée pour la France, mais l’annulation de la dette publique est un combat qui s’impose dans de nombreux pays en Europe. Le combat pour l’annulation de la dette des pays dits en développement, coloniaux ou semi-coloniaux, a commencé depuis les années 1990. Celle-ci n’est pas traitée ici, sauf pour souligner en début d’article que c’est la première fois que le combat pour l’annulation de la dette doit être mené simultanément pour celle des pays en développement et des pays capitalistes avancés, par ailleurs impérialistes, ce qui est le cas de la France.

Le niveau très élevé de la dette publique aujourd’hui résulte de politiques remontant aux années 1980

En février 2020, le gouvernement français espérait un déficit budgétaire limité à 3,9 % du PIB. Le second projet de loi de finance rectificative comporte une prévision bien supérieure, avec un déficit estimé à 9,0% du PIB [3]. Avant ce second projet, le gouvernement prévoyait que la dette atteindrait 112% du PIB à la fin de l’année 2020, aujourd’hui c’est plutôt 115% et possiblement plus. Actuellement 11,4% du budget va au service (intérêts et remboursement) de la dette soit presque autant que les dépenses groupées sous le titre dépenses sociales.

 

Figure 1: Répartition par grands chapitres des dépenses budgétaire

 

Ainsi qu’Anouk Renaud le soutient dans Politis, «cantonner le débat à la sphère technique, à la question du coût ou de la soutenabilité de la dette, c’est-à-dire de savoir si la dette française est payable, empêche d’interroger sa légitimité, c’est-à-dire de savoir si elle doit être vraiment payée. Les interrogations, telles que “pourquoi l’État s’est endetté? Quelles ont été les conditions et modalités d’emprunts? Qui détient la dette?”, restent trop peu souvent posées sur les plateaux télévisés et dans les colonnes des journaux, évinçant avec elles celle des responsabilités.» Je vais commencer par répondre aux deux premières questions que j’ai traitées dans mon livre de 2011 [4].

La montée de la dette a épousé le mouvement de la libéralisation financière. Le graphique partant de 1978 montre qu’elle naît et prend son essor seulement à partir de 1982-1983. Les gouvernements de l’Union de la gauche, avec Jacques Delors puis Pierre Bérégovoy aux Finances, ont libéralisé les mouvements de capitaux et ont procédé au placement sur le marché obligataire spécialisé, créé à la Bourse de Paris, des bons du Trésor et autres titres émis par l’État. Avec la titrisation, la voie est ouverte à l’accroissement de la dette et à une transformation complète du financement des dépenses. La dette est passée de 20% du PIB en 1980 à 35% en 1990. Sa croissance s’est ensuite accélérée jusqu’à atteindre 60% sous le gouvernement Juppé et presque 64% au début de la crise économique et financière mondiale de 2007-2008. L’indemnisation des actionnaires lors des nationalisations de 1980-81 a lancé le mouvement initial. Elle a été un cadeau fait aux propriétaires du capital des groupes. L’État a socialisé les pertes antérieures. Puis il en a organisé et financé la restructuration et en a rétabli la rentabilité avant de les rendre au secteur privé, lors des privatisations. Il y a eu aussi les dépenses de la loi de Programmation militaire 1987-1991 (les Rafales et autres porte-avions et sous-marins nucléaires) qui ont encore accru sensiblement la dette et renforcé le poids économique et politique des grands groupes industriels et politiques de l’armement [5].

 

 

À partir de 1991, l’effet conjugué de taux d’intérêt réels élevés et de la croissance lente due à la négociation avec l’Allemagne du Traité de Maastricht puis à la préparation de l’entrée en vigueur de l’euro, a provoqué, à partir de 1989, ce que les rapports de la Commission des finances du Sénat ont nommé dès 1994 (rapport Auberger) l’effet «boule de neige». Le rapport de 1998 a souligné que «s’ils avaient été financés par des emprunts dont la rémunération est égale au taux de croissance courant, les déficits primaires structurels enregistrés depuis 1980 n’auraient contribué qu’à hauteur de 17,1 points de PIB à l’augmentation du ratio d’endettement, contre 29,3 actuellement. L’écart atteint alors 12,2 points de PIB, les déficits primaires structurels ayant été quasi continuellement financés à des taux d’intérêt supérieurs au taux de croissance» [6]. Le service des intérêts devient alors la seconde dépense de l’État, après l’Éducation nationale (hors universités) et avant tous les autres ministères, y compris la Défense. La dette est détenue par les banques, les sociétés d’assurance et les Hedge Funds étrangers. Fin 1995, les investisseurs financiers français détenaient 80% de la dette et les étrangers 20%. En 2003, les premiers détenaient encore 56% de la dette et les seconds 40%. En 2006, les chiffres se sont inversés. Début 2010, la part détenue par les investisseurs étrangers – fonds de pension et Hedge Funds – était de 69,8%. Depuis, elle est retombée à 53%.

C’est au moment où le service de la dette s’alourdit fortement que commence sous le gouvernement Jospin un processus de baisse de l’impôt sur le revenu, dont le coût cumulé entre 2000 et 2010 a été, selon les calculs faits par le SNUI (Syndicat National Unifié des Impôts) et le syndicat Sud-Trésor, de 108 milliards d’euros. Les années 2000 sont marquées par la croissance, plus fortement qu’entre 1983 et 1998 (date du rapport du Sénat cité plus haut), du recours accru à l’emprunt alors que le poids de l’impôt sur le capital et le patrimoine diminue. Le gouvernement de cohabitation diminue la fiscalité et emprunte à ceux qu’il décide de ne pas «taxer». Le service des intérêts opère un transfert de richesse au bénéfice des détenteurs des titres de la dette. Il renforce leur pouvoir économique et leur poids politique. Ils bénéficient de baisses d’impôts sur le capital et le patrimoine comme ils l’ont fait sous Nicolas Sarkozy après 2007. Les «marchés» peuvent alors dicter leur politique aux gouvernements tandis que ceux-ci sermonnent les citoyens sur «l’obligation morale d’honorer les dettes». Ce n’est plus de «dictature des marchés» dont il faut parler, mais de profonde complicité des gouvernements avec la finance, tant est flagrante ce que certains nomment leur «soumission volontaire» aux banques et aux Hedge Funds.

Il a alors fallu brouiller les pistes, rendre les citoyens responsables de l’endettement, alors que c’est sur eux que pèse, du fait notamment de la TVA, la part la plus élevée de la fiscalité. On invente donc ce qui deviendra l’antienne «La France vit au-dessus de ses moyens». L’expression figure dans la lettre de mission envoyée par le gouvernement Raffarin à Michel Pébereau, Président de BNP Paribas. Elle commande l’orientation du rapport sur la dette publique qui porte son nom. Des données bien choisies permettent au rapport de proclamer que «ce sont fondamentalement nos pratiques politiques et collectives, notamment notre préférence pour la dépense publique, qui sont à l’origine de notre situation financière actuelle» [7]. Les réactions des syndicats et des organisations politiques au rapport Pébereau n’ont pas été très vives pour dire le moins [8]. Ce n’est que bien plus tard à la faveur de la crise des dettes des pays européens du Sud de 2012, qu’un clivage fort s’est dessiné. D’un côté des économistes, comme Jacques Attali, pour qui «la dette souveraine est condamnée à augmenter si le souverain ne compense pas la tendance naturelle de ses dépenses à augmenter plus vite que ses recettes» [9]. De l’autre, une réfutation du discours dominant de la part du large front des Économistes atterrés dont le Manifeste dénonce une «contre-révolution fiscale» [10].

La France est, avec le Royaume Uni, le pays où l’imposition des plus riches a baissé le plus. L’un des principaux facteurs qui a accéléré la consécration d’une fiscalité favorable au capital a été l’évasion fiscale des contribuables qui en ont les moyens et la délocalisation systématique des sièges sociaux des entreprises. Le fait qu’en France, l’endettement public a sa source principale dans le bas niveau et la faible progressivité de la fiscalité directe, ainsi que dans l’évasion fiscale, a été confirmé par deux rapports préparés par la haute fonction publique datant en 2010. Laurent Mauduit a montré que les données très précises incluses dans ces rapports sont passées presque inaperçues parce qu’elles ne figurent ni en introduction ni en conclusion des rapports en question [11]. Il faut les lire de très près pour les trouver. Le premier rapport a été préparé sous la responsabilité du directeur général de l’Insee et son prédécesseur [12]. Il y est écrit brièvement mais clairement ceci: «Depuis 1999, l’ensemble des mesures nouvelles prises en matière de prélèvements obligatoires ont ainsi réduit les recettes publiques de près de 3 points de PIB: une première fois entre 1999 et 2000; une deuxième fois entre 2006 et 2008 (….). À titre d’illustration, en l’absence de baisses de prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui (2010) qu’elle ne l’est, générant ainsi une économie annuelle de charges d’intérêt de 0,5 point de PIB.» Peu de temps après, un autre rapport a été publié sous la signature du député Gille Carrez, rapporteur général UMP de la commission des finances de l’Assemblée nationale, en préparation du débat d’orientation budgétaire [13]. Selon ce rapport, sans les baisses d’impôts, les déficits publics de 2010 auraient été seulement de 1,8%. Le rapport identifie également les principaux bénéficiaires des 77,7 milliards d’euros de baisses d’impôts votés depuis 2000: «La moitié des allégements fiscaux décidés entre 2000 et 2009 ont concerné l’impôt sur le revenu. Le manque à gagner en 2009 sur le produit de cet impôt s’établit en effet à environ 2% de PIB, contre 0,6% de PIB pour la TVA et 0,5% de PIB pour l’impôt sur les sociétés». La solution proposée est celle de l’austérité budgétaire préconisée par Pébereau et mise en œuvre à partir du gouvernement Fillon. Les recettes fiscales diminuant et l’endettement étant une «atteinte contre les générations futures», il faut faire des coupes sombres dans les dépenses budgétaires, geler les salaires des agents de l’Etat, «réformer les retraites», entamer la «réforme de l’État» – réduction du nombre des fonctionnaires et démantèlement du statut de la Fonction publique – et accélérer la privatisation des hôpitaux, de l’enseignement et de ce qui reste des services publics. Cette politique aurait été menée avec encore plus d’acharnement si les gouvernements n’avaient pas bénéficié du long mouvement de baisse des taux d’intérêt dont le début remonte à 1995 et l’accélération se fait à partir de 2007.

 

Figure 3: Le service des intérêts de la dette publique française de 1978 à 2018 en % du PIB

Source: Alternatives Économiques, Ameco

 

Avec l’accroissement de la dette, il y a eu hausse du montant des intérêts payés qui se situent maintenant à 2% du PIB. Anouk Renaud souligne que 2% du PIB d’intérêts payés, «c’est tout de même la modique somme d’environ 40 milliards d’euros (un peu plus de 40% en 2019) qui vont chaque année dans les poches des créanciers. Une somme d’argent qui pourrait être investie ailleurs en améliorant par exemple l’état des services publics déliquescents, comme l’éducation, la santé, la culture» [14].

Un bref rappel historique sur l’annulation des dettes

Le niveau de dette publique de 98% du PIB de la fin de 2019 est donc le résultat de quatre décennies d’accumulation de cette dette. Avant d’en arriver aux détails de celle-ci, puis des trois scénarios envisageables, une parenthèse historique est nécessaire. L’annulation radicale de la dette, mieux nommée répudiation, est celle de la révolution d’Octobre, décret du 20 décembre 1917 [15]. Dans une perspective où il s’agit de défendre les conditions de reproduction élargie du capital et donc de mieux les assurer, le théoricien majeur des effets négatifs des dettes contractées par les Etats à l’égard du capital-argent rentier, celui qu’on nomme aujourd’hui le capital financier, est Keynes. Dans son livre à charge contre le Traité de Versailles de 1919, il écrit que «l’existence de lourdes dettes de guerre menace partout la stabilité financière. (…) Dans le cas d’une dette intérieure, les parties intéressées sont à la fois débitrices et créancières, et le débat ne porte que sur la répartition de la richesse à l’intérieur du pays. Il n’en va pas ainsi des dettes extérieures, et les nations créditrices peuvent assez rapidement estimer que leurs intérêts sont malencontreusement liés au maintien d’une forme particulière de gouvernement ou d’organisation économique dans les pays débiteurs». Le problème se pose différemment dans le cas d’une dette interne, c’est-à-dire contractée auprès d’agents économiques résidents. «Touchant à la dette intérieure, je suis de ceux qui croient qu’un impôt sur le capital afin de l’éponger intégralement est la condition indispensable à la mise sur pied de finances saines» [16]. Mais l’annulation des dettes, pendant longtemps des dettes privées seulement, remonte à la Mésopotamie babylonienne. Plus tard, comme l’a rappelé David Greaber, la loi biblique du jubilé a disposé que les dettes seraient automatiquement annulées tous les sept ans [17]. On en trouve l’écho dans la doctrine sociale du Vatican [18]. Un long article du CADTM nous renseigne sur les conditions de l’annulation des dettes privées à Rome et ensuite dans l’empire romain [19]. Plus près de nous et s’agissant d’un pays capitaliste industriel, les créanciers en 1953 de la République fédérale d’Allemagne (les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni) ont réduit la dette qu’elle avait contractée depuis 1945 (intérêts et capital) de 62,5 % et créer aussi les conditions financières pour que l’Allemagne de l’Ouest se reconstruise le plus vite possible [20]. C’est moins le souvenir des positions de Keynes qui les y a poussés que les exigences de la guerre froide, (1953 est l’année de l’insurrection à Berlin-Est) et la nécessité de refaire de l’Allemagne la place forte du capitalisme en Europe.

Plusieurs réponses à l’endettement de l’Etat

Il existe trois réponses à l’endettement de l’Etat: payer la dette même si cela prend des années; en réduire le poids en partie par différentes méthodes; l’annuler complètement par la répudiation. Elles recoupent les trois scénarios de sortie de pandémie permis par les rapports de force entre le capital et le travail proposés par Alain Bihr dans son exercice de prospective [21]. Pour mesurer ce que chaque réponse implique, il faut commencer par examiner qui détient la dette. Quatre des cinq acteurs de la figure ci-jointe sont aisément indentifiables, sachant que les OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières) sont des portefeuilles dont les fonds investis sont placés en valeurs mobilières ou autres instruments financiers. C’est l’instrument financier de l’épargne des ménages. La part des banques correspond à leurs opérations sur fonds propres. Enfin il y a le cinquième acteur non spécifié, «autres (français)». Il s’agit en fait de la fraction détenue par la Banque de France du fait de son achat d’obligations émises par l’Etat pour financer le déficit budgétaire. Elle résulte d’une création monétaire en amont par la BCE, dont l’efficacité et la nécessité sont défendues par les économistes avec un degré de conviction plus ou moins grand, le plus fort étant celui des économistes d’Attac-France, Jean-Marie Harribey, Esther Jeffers et Dominique Plihon [22] et les auteurs de la note de Terra Nova, Batiste Bridonnaux et Laurence Scialom [23]. Les titres de la dette achetés au Trésor par la Banque de France donnent lieu au paiement par l’Etat d’intérêts dont Christine Lagarde et le gouverneur de la Banque de France ont exclu l’annulation.

 

Figure 4: Détention des titres de la dette négociable de l’État par groupe de porteurs dernier trimestre 2019

Source: https://www.aft.gouv.fr/fr/principaux-chiffres-dette

 

Voyons ce qui advient du paiement de la dette dans le cadre analytique des trois scénarios, entre lesquels dit Bihr, «des combinaisons partielles ne sont évidemment pas exclues.»

• Le premier scénario est celui «de la reprise et la poursuite du business as usual néolibéral. Il présuppose que le rapport de force entre capital et travail restera ce qu’il a été globalement ces dernières décennies, c’est-à-dire fondamentalement favorable au capital. Et c’est clairement dans cette optique que se sont placés les gouvernements actuels, en mettant déjà en place les moyens nécessaires à cette fin.» Dans ce scénario, ce qui est demandé est le paiement de la dette même si cela doit prendre longtemps et le retour à l’austérité budgétaire dès que cela sera politiquement possible. Christine Lagarde a donné son soutien à l’idée en répondant aux journalistes de France Inter que l’idée de l’annulation des dettes contractées par les gouvernements de la zone euro lui «paraissait totalement impensable», tout en admettant qu’il faudrait «beaucoup de temps», deux, trois, cinq ou dix ans pour que les États de la zone euro sortent de l’endettement.Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lui a emboîté le pas en déclarant qu’il faudrait, «dans la durée, rembourser la dette publique contractée pour faire face à la pandémie» [24]. On entend de nouveau dans les médias, même libéraux comme Radio France, l’antienne du poids écrasant de dettes que nous léguons à nos enfants et petits-enfants. L’austérité budgétaire comme objectif auquel il faut pouvoir revenir exclut les investissements importants d’infrastructure, ceux par exemple qui seraient nécessaires à la SNCF, ainsi que l’a relevé une audition récente au Sénat [25]. En ce qui concerne les investissements destinés à freiner le changement climatique, on notera qu’aucun chiffrage n’a été autorisé par le gouvernement à la fameuse Convention citoyenne sur le climat. Un calcul accablant de ces investissements a même été fait. Ils ont été négatifs: «l’Etat s’est privé de certains outils pour mener cette transition, quand il ne continue pas de subventionner la consommation d’énergies fossiles dans des secteurs fortement émetteurs de GES (transports, travaux publics, agriculture…). De sorte que le déficit d’investissement pour décarboner notre économie est communément chiffré à 185 milliards d’euros par an» [26].

• Le second scénario à caractère social-démocrate viendrait d’une «inflexion du rapport de force entre capital et travail, dont l’ampleur et la durée dépendraient du degré de leur radicalité et, partant, de leur orientation dominante» ainsi que de la priorité donnée par les partis réformistes à la question de la dette. L’inflexion viendrait «de mouvements sociaux demandant aux gouvernants des comptes quant à leur responsabilité dans cette affaire et leur imposant des inflexions par rapport aux orientations antérieures. Ces mouvements trouveraient facilement à s’alimenter du discrédit de ces gouvernants, né du spectacle de leur impéritie, de la colère et des frustrations engendrées par le confinement, de la volonté de trouver des responsables et des coupables à ce fiasco de grande ampleur. Ce discrédit pourrait rejaillir sur l’ensemble des politiques néolibérales antérieures dont le caractère néfaste et proprement criminel a été démontré à grande échelle par la crise sanitaire engendrée par le délabrement du service public de santé, dont ces politiques sont directement responsables» [27]. Si une telle inflexion avait lieu, une série de propositions techniques sont prêtes, les plus détaillées étant celles de Harribey, Jeffers et Plihon. Leur horizon est celui d’une «transformation systémique» adressant les questions du changement climatique et des inégalités sociales profondes. Elles comprennent une réforme globale du système fiscal pour éliminer les sources principales des déficits et de la dette publics: les cadeaux fiscaux aux riches et aux multinationales, et l’évasion fiscale. L’étude qu’ils ont faite pour Attac estime que les ressources fiscales dégagées pourraient être de l’ordre de 200 milliards d’euros, donc largement supérieures au déficit public. Pour ce qui est de la dette publique, sa restructuration «peut prendre plusieurs formes: un rééchelonnement (recul des échéances), une dispense de paiement des intérêts, et une annulation partielle ou totale. Mais pour les économistes d’Attac, le financement monétaire par la BCE est la principale mesure qui devra être prise, car «elle a le double mérite d’assurer une mutualisation des dettes publiques à l’échelle de la zone euro et de permettre une annulation des dettes. (Elle) se décompose en trois étapes: 1° l’achat des dettes publiques à l’émission par la BCE; 2° leur transformation en dette perpétuelle, non remboursable, et 3°le reversement des intérêts perçus par la BCE aux États membres» [28]. Elle permet donc de supprimer 20 % de la charge de la dette publique (intérêts et remboursements).

Une proposition alternative ciblée sur les investissements écologiques entrant dans ce scénario a été faite par Bridonnaux et Scialom pour qui, «une fois le combat contre le coronavirus gagné, il restera à engager vraiment et sans tarder la bataille contre le réchauffement climatique. Ce qui implique des investissements massifs dans la reconversion écologique de nos économies et donc de dégager des marges de manœuvre budgétaires.» Ils proposent une annulation partielle des dettes publiques détenues par la BCE, conditionnelle au réinvestissement des mêmes montants dans des investissements publics “verts”, par une nouvelle émission de dette. «Les Etats pourraient financer les investissements de la transition écologique en s’endettant, sans que le ratio dette/PIB n’augmente. Tout nouvel endettement en vue d’investissements bas carbone coïnciderait avec l’annulation d’un volume de dette de même ampleur par la BCE. Ce mécanisme de conditionnalité orienterait de facto le plan de sortie de crise vers la transition écologique.» S’agissant des deux propositions, le tabou du financement monétaire des dépenses publiques a été sérieusement écorné par la Banque d’Angleterre et le Trésor britannique en annonçant que les dépenses publiques liées à la crise sanitaire pourraient être financées directement par la banque centrale. Harribey, Jeffers et Plihon l’ont bien relevé, notant par ailleurs que même Alain Minc prône la conversion des titres publics achetés par la BCE en une «dette publique à perpétuité».

• Le troisième scénario envisagé par Bihr relève «d’une rupture révolutionnaire qui exploiterait les brèches dans le système capitaliste et le dispositif politique bourgeois.» Elle ne pourrait résulter que d’une modification importante des rapports politiques entre le capital et le travail. Dans ce scénario, il s’agirait d’annuler non seulement les 20% détenus par la Banque de France, mais aussi les 6,3% des banques françaises détenus en fonds propres et aussi les 53,60% de part détenue par les non-résidents dont les titres seraient répudiés. Une ouverture des comptes des sociétés d’assurance permettrait de faire le partage entre l’épargne des particuliers et les bénéfices des sociétés.

La survenue du troisième scénario repose sur l’hypothèse, que je partage avec Bihr, que celles et ceux qui ont connu et qui connaissent plus que jamais, du fait de la pandémie et des politiques de remise en marche de la production de plus-value une dégradation accrue de leur situation sur le marché du travail et sur les lieux de production, comme de leurs conditions d’existence quotidienne. De cette situation pourrait naître «sous la pression de la nécessité mais aussi sous l’effet de la solidarité entre “ceux-celles d’en bas” conscients de l’incurie et de l’indifférence de “ceux-celles d’en haut” des mouvements sociaux radicaux. Je suis prêt à accepter son constat qu’on «a vu se mettre en place et se développer, un peu partout, au niveau local, des pratiques et des réseaux d’entraide pour faire face aux difficultés et problèmes résultant du développement de la pandémie et des mesures de confinement, notamment en faveur des plus démunis d’entre ces expropriés que sont par définition les prolétaires». Je suis d’accord avec Bihr que «de multiples manières, la crise actuelle ouvre des brèches dans le système des rapports, des pratiques et des représentations par lesquels s’exerce ordinairement la domination du capital, avec son inévitable lot de nuisances, qui laissent clairement apercevoir qu’un autre monde est possible et qu’il est même nécessaire et souhaitable, dès lors que cette domination fait faillite, comme c’est en bonne partie le cas actuellement.» Les témoignages de luttes menées qu’on trouve sur le site de Paris-luttes.info [29] en sont l’expression en région parisienne. Elles vont nécessairement s’exacerber à mesure que le gouvernement et le patronat cherchent à revenir au statu quo ante. Pour Bihr, deux éléments distinguent ce scénario de rupture du précédent: d’une part, l’importance primordiale accordée aux initiatives prises par «ceux d’en bas » et d’autre part, «les mesures de ‘contrôle populaire’ sur la production (sa finalité et ses modalités: que doit-on continuer à produire? que faut-il maintenir? que faut-il abandonner? que faut-il réquisitionner? à quelles conditions?) pour imposer sa réorganisation dans le cadre d’une planification démocratique orientée en fonction de la définition des besoins sociaux.»

En ce qui concerne la planification démocratique, une tentative partielle au langage très policé portant sur le changement climatique a été publiée ce mois-ci par Cédric Durand et Razmig Keucheyan dans Le Monde Diplomatique [30]. Ils n’abordent pas la question de la dette publique, indiquant simplement que la planification repose sur cinq piliers, le premier étant le contrôle public du crédit et de l’investissement. «Celui-ci devra s’affranchir des règles d’austérité par lesquelles les États se sont rendus impuissants en matière environnementale. Au sein du capitalisme néolibéral, ce sont les marchés, épaulés par les banques et le secteur financier non régulé qui tiennent lieu de quartier général où se décide l’allocation des ressources.» Ils n’évoquent pas l’annulation ou l’aménagement de la dette. Dans le même numéro du Monde Diplomatique, Cordonnier centre son article «Qui va payer?» sur un interview de Jean Tirole qui passe en revue quatre solutions dont la répudiation avant de se prononcer pour la monétisation de toutes les dettes (pas seulement de l’Etat). Mais il évite de se prononcer lui-même. En somme, un numéro du Monde Diplomatique d’une grande prudence…

Intervenir pour contribuer à la modification des rapports politiques

Si les différentes solutions au paiement de la dette publique sont conditionnées par l’état des rapports politiques entre le capital et le travail, cela ne signifie pas qu’il faille attendre passivement leur modification. Il faut tenter de contribuer à la consolidation de la prise de conscience chez les travailleurs/travailleuses, y compris les chômeurs et les chômeuses, de la faisabilité des solutions défendues. Le moment où le mot d’ordre de la répudiation des dettes puisse être audible n’est pas venu. Il est même sans doute encore très loin, mais il n’en va pas de même pour les formes d’annulation partielles associées au scénario social-démocrate. Or elles ont une grande importance car dans la situation politique actuelle, elles ont valeur de revendication transitoire au sens du Programme de transition que Trotski a aidé à rédiger en 1938. D’où à son tour, l’importance que revêtent la force et l’efficacité avec lesquelles elles sont défendues par ceux qui portent les propositions en question. Elles vont en s’améliorant. Dans le cas de l’étude de Harribey, Jeffers et Plihon, l’angle qu’ils ont pris dans leur tribune pour Libération était trop théorique (nature de la monnaie) pour obtenir un large soutien populaire sur la question du paiement de la dette [31]. Heureusement, la page d’accueil d’Attac-France affiche maintenant leur étude intitulée «La monnaie au service de la société», mais aussi en accès libre le livre d’Attac de 2012, Le piège de la dette, dont le titre est dénué de toute ambiguïté.

Du côté de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a posté en avril, donc il y a déjà un mois, un long article sur son blog [32]. Il y renvoie à la sous-section sur la dette de son programme de 2016 [33]. Dans une étude de la France insoumise menée par l’un de ses militants, on y lit que «en tant que mouvement, elle (la France insoumise) est en charpie». L’auteur souhaite que dans une hypothétique future équipe collective, Mélenchon accepte le rôle de «vieux sage» [34]. A lire ses propos récents dans Mediapart, rien n’est moins certain [35]. Le quotidien L’Humanité vient de publier une double page avec des articles d’Esther Jeffers, présentée comme membre des Economistes atterrés, Jean-Marc Durand et Geneviève Azam [36]. Du côté des Economistes atterrés, on trouve en fait des positions très différentes. Ainsi dans une brochure publiée en avril sous le titre Les dettes au temps du coronavirus, Henri Sterdyniak dit qu’il «ne comprend pas ce que monétiser les dettes veut dire». [37] Dans l’hebdomadaire du NPA L’Anticapitaliste il y a eu en tout et pour tout un article d’Henri Wilno sur le caractère de revendication transitoire du mot d’ordre d’annulation de la dette ne faisant pas encore semble-t-il, l’unanimité au sein de sa direction. Du côté du journal Lundi Matin, rien. Tout cela ne dépasse pas le cercle des militants. Pour atteindre des couches massives de travailleuses et de travailleurs, il est grand temps de s’y mettre. (17 mai 2020)

_________

[1] https://www.monde-diplomatique.fr/2020/05/CORDONNIER/61746

[2] Appel publié sur Basta: bastamag.net/Bas-les-masques-appel-de-soignants-construire-mouvement-populaire-juste-solidarite-egalite-services-publics. Voir vidéo https://www.youtube.com/watch?v=KH4lhDYYMR8&feature=emb_logo

[3] https://www.vie-publique.fr/loi/274104-2e-loi-de-finances-rectificative-2020-budget-de-crise-covid-19

[4] François Chesnais, Les dettes illégitimes. Quand les banques font main basse sur les politiques publiques. Editions Raison d’Agir, 2011.

[5] François Chesnais, «Pourquoi faudrait-il payer la dette?», Carré rouge, n°4, mars 1997.

[6] Le Sénat en a republié récemment sur son site l’un des passages les plus significatifs. Voir http://www.senat.fr/rap/r98-413/r98-4134.html

[7] Michel Pébereau, Rompre avec la facilité de la dette publique, Paris, La Documentation française, 2006.

[8] Voir par exemple les positions exprimées dans le dossier spécial de L’Huma Dimanche, 2006.

[9] Jacques Attali, «Tous ruinés dans dix ans? Dette publique: la dernière chance», Paris, Le Livre de Poche, Février 2011, page 110.

[10] Voir le Manifeste des économistes atterrés (http://atterres.org/), texte qui sert de plateforme commune à différentes sensibilités hétérodoxes et anticapitalistes. Les « fausses évidences » n°4,5 et 6 portent sur la dette.

[11] Laurent Mauduit, Ces dix années de cadeaux qui ont ruiné la France, Mediapart, 25 juillet 2010.

[12] Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis, Rapport sur la situation des finances publiques, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000234/0000.pdf

[13] ssemblée nationale, Rapport de M. Gilles Carrez sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année, 2009 (n°2651).

[14] https://www.politis.fr/articles/2019/04/le-cout-de-la-dette-francaise-diminue-est-ce-vraiment-une-bonne-nouvelle-40311/

[15] fr.wikipedia.org › wiki › Emprunt_russe

[16] John Maynard Keynes, Les conséquences économiques de la paix, p. 268-269.

[17] David Graeber : « Il est plus que temps, je pense, de procéder à un jubilé de style biblique – un jubilé qui concernerait à la fois la dette internationale et la dette des consommateurs. […] Rien ne serait plus bénéfique que d’effacer entièrement l’ardoise pour tout le monde, de rompre avec notre morale coutumière et de prendre un nouveau départ. » Entretien sur https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-economie/20131011.RUE9345/j-ai-lu-graeber-sur-la-dette-et-depuis-je-balade-mon-banquier.html

[18] https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2020-04/pourquoi-l-eglise-plaide-pour-l-annulation-de-la-dette.html

[19] https://www.cadtm.org/Endettement-prive-et-abolition-des

[20] https://www.cadtm.org/Le-27-fevrier-1953-les-allies-desendettent-l-Allemagne

[21] https://alencontre.org/societe/covid-19-trois-scenarios-pour-explorer-le-champ-des-possibles-a-lhorizon-de-la-sortie-de-crise-i.html

[22] https://www.liberation.fr/debats/2020/05/06/la-nature-sociale-et-politique-de-la-monnaie-devoilee-par-la-crise_1787540

[23] https://economix.fr/fr/covid-19/la-bce-devrait-annuler-la-dette-des-etats-1. L’article a aussi été publié par Alternatives économiques le 21 avril.

[24] https://www.lejdd.fr/Economie/le-gouverneur-de-la-banque-de-france-francois-villeroy-de-galhau-il-faudra-rembourser-cet-argent-3962763

[25] https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/le-patron-de-la-sncf-veut-un-plan-marshall-pour-le-fret-ferroviaire-181951

[26] Jean-Marc Moulin, Financer massivement la transition climatique, Les Echos, 5 mai 2020

[27] https://alencontre.org/societe/covid-19-trois-scenarios-pour-explorer-le-champ-des-possibles-a-lhorizon-de-la-sortie-de-crise-i.html

[28] https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/la-monnaie-au-service-de-la-societe

[29] https://paris-luttes.info/vivre-et-mourir-au-foyer-romain-13899

[30] L’heure de la planification écologique: https://www.monde-diplomatique.fr/2020/05/DURAND/61748

[31] https://www.liberation.fr/debats/2020/05/06/la-nature-sociale-et-politique-de-la-monnaie-devoilee-par-la-crise_1787540

[32] https://melenchon.fr/2020/04/19/pourquoi-et-comment-annuler-la-dette-des-etats-europeens/

[33] https://avenirencommun.fr/audit-citoyen-de-la-dette-publique/

[34] Jean-Pierre Boudine, …Ni tribun. L’avenir de nos idées, Editions Aplus d’un titre, 73360, La Bauche, mai 2020, p. 110.

[35] https://www.mediapart.fr/journal/france/130520/omnipresent-melenchon-veut-fournir-une-boussole

[36] https://www.humanite.fr/debat-dette-publique-finalement-qui-va-payer-la-note-du-quoi-quil-en-coute-688934

[37] https://atterres.org/sites/default/files/Note%20EA%20Dettes%20publiques%20Coronavirus.pdf, p.10.

 


A François Chesnais de Gaston Lefranc
Merci pour ton article, vraiment très stimulant. J’en profite pour lancer quelques sujets de discussion, en lien avec ton article.
Il me semble important de bien expliquer les limites des politiques monétaires « magiques » prônées par les antilibéraux et d’autres aujourd’hui (et qui reviennent à une forme – indirecte – d’annulation de fait d’une partie au moins de la dette publique) et certains économistes standards. Et d’y opposer une orientation anticapitaliste qui intègre une autre forme – directe – d’annulation de la dette publique.
Pour résumer, les antilibéraux défendent le fait que la banque centrale achète les titres de dette publique, à taux zéro (pas d’intérêt versé) et que ces titres soient des obligations perpétuelles (pas de remboursement). Cela revient à combler directement les déficits publics par la création monétaire (sans dette). Mélenchon préconise que la dette existante soit progressivement achetée par la banque centrale, ce qui permet une annulation progressive de la dette si celle-ci est progressivement transformée en dette perpétuelle au moment de son rachat par la banque centrale.
Il faut aussi préciser à mon avis un certain nombre de choses :
– le fait que la dette publique soit achetée par la banque centrale sur le marché secondaire ou sur le marché primaire (Royaume-Uni) ne change pas grand chose
– quand la dette est entre les mains de la banque centrale, le fait que les taux d’intérêt soit à zéro ou non ne change pas grand chose non plus. En effet, si la banque centrale reçoit des intérêts liés à la possession de bons du trésor, elle reverse ensuite ces intérêts à l’Etat.
Pour résumer : le fait que la banque centrale achète les titres de dette publique (que ce soit sur le marché primaire ou secondaire, que les taux d’intérêt soient à zéro ou non) revient à monétiser la dette. Cela ne coûte plus rien à l’Etat.. Et le fait que les bons du trésor ne soient pas des obligations perpétuelles (comme le préconise Mélenchon ou Harribey) ne change pas grand chose. En effet, quand elles arrivent à échéance, elles sont remplacées par d’autres (roulement de la dette). Et comme les intérêts payés par l’Etat à la banque centrale sont ensuite reversés à l’Etat, le coût est nul. Donc quand la dette est détenue par la banque centrale (ce qui a commencé en 2015 dans la zone euro : cf. la petite note très pédagogique qui vient de sortir sur le blog de la BDF : https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/la-monnaie-de-banque-centrale-na-rien-de-magique), cela revient à une annulation de facto de la dette. Aujourd’hui, on a environ 20% de la dette publique française qui est détenue par la banque centrale, et cela devrait logiquement augmenter assez vite.
Les antilibéraux nous expliquent que si on monétise la dette publique, alors on évitera les conséquences fâcheuses pour la population ! Les miracles de « l’argent magique » : grâce à la banque centrale qui rachète les dettes, oh miracle, personne ne sera perdant ! Les dizaines de milliards donnés au patronat ne seront payés par personne !
A mon avis, la faille dans le raisonnement des antilibéraux est résumée dans cette phrase de la tribune d’Harribey dans Libération : « Si le système productif dispose de capacités disponibles en main-d’œuvre et en équipements, ce qui est le cas aujourd’hui, il n’y a pas de risque d’inflation ». On retrouve la même chose dans la note longue d’Attac que François cite dans son article : « Si le système productif est en mesure de répondre au besoin de biens d’investissement et au besoin de biens et services de consommation, parce qu’il y a des forces de travail et des équipements productifs disponibles, il n’y aura pas de risque d’inflation » (https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/la-monnaie-au-service-de-la-societe)
Leur raisonnement a juste l’inconvénient… de mettre de côté qu’on vit dans une économie capitaliste. Et donc il ne suffit pas qu’il existe des ressources disponibles pour que la production augmente en flèche grâce à la création monétaire massive. En effet, ce qui détermine une reprise de l’accumulation du capital, c’est une forte remontée du taux de profit. Et il ne suffit pas de créer abondamment de la monnaie pour restaurer le taux de profit…
A mon avis, il est plus utile de lire Artus pour comprendre certaines conséquences d’une création monétaire massive dans le cadre du capitalisme :
Une monétisation massive de la dette publique aura pour conséquence une inflation importante (inflation sur les biens et services et/ou inflation financière), mais pas de reprise magique de l’accumulation. Et les travailleurs paieront d’une façon ou d’une autre les plans d’aide massifs au patronat : via des plans d’austérité et/ou l’inflation.
Une fois qu’on a montré les limites de ces solutions monétaires, il faut évidemment proposer autre chose. Je suis globalement d’accord avec ce que propose François dans le cadre d’une rupture révolutionnaire : annuler la dette détenue par la banque centrale (qui de fait est déjà annulée de facto) – environ 20% de de la dette -, annuler aussi la dette  détenue par les non résidents (un peu plus de 50%).
Le gros quart restant est détenu par les banques, et surtout les sociétés d’assurance. Il faut bien décrire les conséquences de l’annulation pour savoir ce qu’on revendique exactement sur cette partie de la dette. Car bien sur, annuler la dette n’est pas un acte indolore. Il y a des perdants et des gagnants, et annuler la dette revient à redistribuer le patrimoine. Comme Judith Bernard l’explique dans sa pièce (inspirée de Friot), Amargi (https://www.manufacturedesabbesses.com/theatre-paris/amargi-anti-­tragedie-de-la-dette-et-de-la-monnaie/), annuler la dette revient à mettre les compteurs à zéro. Annuler la dette publique détenue par les banques et sociétés d’assurance (à leur actif) revient à dire quelle partie du passif on veut « purger ».
A mon sens, il est juste de revendiquer l’annulation totale de toute la dette publique détenue par les banques et sociétés d’assurance, avec les contreparties suivantes : pour les banques, on coupera dans les comptes des plus riches (il faudra fixer un seuil). Pour les sociétés d’assurance, on fera disparaître une partie de l’épargne de la population (en assurance vie), et il faudra indemniser les petits épargnants (là aussi il faudra fixer un seuil).
Donc pour résumer : je suis pour qu’on revendique l’annulation de la totalité de la dette publique, tout en indiquant que les petits épargnants (pour la partie détenue par les sociétés financières) seront épargnés ou indemnisés. Et bien expliquer que la contrepartie de l’annulation de la dette publique sera de faire disparaître une partie du patrimoine financier des plus riches, et que c’est très bien !
G.

Le jeudi 21 mai 2020 jm burgaud

La démonstration de Gaston est limpide. Les réformistes, qu’ils se disent anti-libéraux ou autre chose, ne proposent que de faire fonctionner la planche à billet. I

Gaston, tu devrais mettre cette démonstration indispensable sous forme d’article, ce qui est fait en 10 mn. Cela permettrait de préciser et renforcer la conclusion de l’article de Norbert (Henri Wilno) posté le 29 avril sur le site national et qui conclue déjà:

« arrêter de payer les intérêts annuels (sauf aux petits épargnants) et en annuler la plus grande partie, car elle s’est développée à cause notamment de toutes les baisses d’impôts et de cotisations patronales en faveur des plus riches et des grandes fortunes. »

  1. Chesnais écrit avec raison dans son article que l’annulation présente un autre avantage: « l’annulation de la dette doit être mené simultanément pour celle des pays en développement et des pays capitalistes avancés, par ailleurs impérialistes, ce qui est le cas de la France. »Dans les deux cas, c’est un prélèvmeent de valeur par l’oligarchie capitaliste. Il faut donc en demander la répudiation.

Cependant, son article n’est pas assez clair. Il écrit « Le moment où le mot d’ordre de la répudiation des dettes puisse être audible n’est pas venu. Il est même sans doute encore très loin, mais il n’en va pas de même pour les formes d’annulation partielles associées au scénario social-démocrate. Or elles ont une grande importance car dans la situation politique actuelle, elles ont valeur de revendication transitoire au sens du Programme de transition que Trotski a aidé à rédiger en 1938. »

Les propositions Mélenchon et économistes réformistes associés, d’ ATTAC ou pas, continuent, malgré la crise formidable qui commence, à tenter d’aménager le capitalisme. La seule revendication transitoire, cad qui porte à mobiliser et aussi mettre en cause le capitalisme, c’est l’annulation, pas la monétisation et l’inflation qui l’accompagne.

JM


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