⚡ Notes sur la reproduction sociale

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SOURCE : ACTA

Notes sur la reproduction sociale

Avec le déclenchement de la pandémie de Covid-19, la contradiction entre une « logique capitaliste du profit » et une « logique de reproduction de la vie » semble avoir été poussée à sa limite. Si, dans ce contexte, la catégorie de la « reproduction sociale » a été mobilisée dans des nombreuses analyses, elle apparaît souvent floue, peu compréhensible, ou bien réduite à un secteur professionnel en particulier (celui du care). Au contraire, dans le féminisme critique contemporain, cette catégorie vise à produire une « théorie unitaire » du capitalisme : c’est-à-dire une théorie capable d’analyser conjointement les processus d’exploitation et d’oppression dans différents contextes mondiaux. 

Dans ce texte – issu d’une intervention en dialogue avec Cinzia Arruzza (co-autrice de l’ouvrage Féminisme pour les 99%. Un manifeste), Simona de Simoni revient sur la généalogie de cette catégorie, sur sa place dans la pensée marxienne, ainsi que sur sa réappropriation par les féministes marxistes depuis les années 1970 pour analyser « l’ensemble des activités qui reproduisent quotidiennement la société et ses membres ». L’autrice esquisse enfin l’hypothèse d’un renversement subsomptif dans le capitalisme néolibéral contemporain : c’est-à-dire un renversement par lequel la réorganisation des besoins reproductifs devient la matrice principale des transformations de la sphère productive. Ce renversement appelle d’une part à élargir le concept de production, en intégrant la reproduction de la vie en tant que travail. De l’autre, à reconnaître dans l’organisation de la reproduction la matrice de l’organisation globale du capitalisme actuel.

Introduction

Avec le déclenchement de la pandémie mondiale et la mise en oeuvre de diverses politiques d’endiguement à l’échelle planétaire, la catégorie de la reproduction sociale a été remise au goût du jour dans de nombreuses analyses. En particulier, plusieurs théoriciennes et militantes féministes ont insisté sur cette question1. On pourrait dire, en fait, que celle-ci s’est imposée, que la propagation de l’épidémie a mis en lumière les caractéristiques et les contradictions inhérentes à la manière dont la reproduction sociale est organisée dans notre société.

Tout d’abord, l’ampleur et la valeur sociale des « travaux reproductifs » ont émergé : c’est-à-dire tous ces travaux ultra-prolétarisées (tant sur le plan matériel que symbolique), fortement connotées en termes de genre2 et de race, qui permettent quotidiennement la reproduction de personnes et l’entretien d’individus non autonomes (qu’il s’agisse d’enfants, de personnes âgées, de malades ou d’handicapés). Au cours de l’urgence pandémique, ces travaux ont été célébrés de diverses manières par les autorités institutionnelles des différents pays et par les médias mainstream : des articles de journaux et des discours officiels ont parlé de héros, d’anges et de guerriers tandis que l’appareil idéologique et discursif qui accompagne historiquement le travail de reproduction et s’appuie sur diverses images de vocation et de sacrifice a été largement mobilisé.

Cette reconnaissance superficielle n’a toutefois pas été accompagnée de mesures de protection et de soutien matériel adéquats : les travailleurs et les travailleuses impliqués sur le front de la reproduction sont et ont été exposés à de graves risques de contagion et à des rythmes de travail épuisants. Outre l’ensemble du secteur des soins externalisé dans les services publics ou privés, en raison de l’organisation privée et domestique de la quarantaine, le travail domestique (lui aussi fortement connoté en termes de genre) s’est intensifié avec des conséquences sociales désastreuses à court et moyen terme3.

Deuxièmement, des régimes de reproduction très différents dans les espaces urbains ont été mis en lumière, avec des taux de contagion répartis selon la race, la classe, la marginalité, le sexe, etc. Par exemple, la situation des prisonniers et des sans-abri a été emblématique. Plus généralement, la crise sanitaire a transformé les lieux de travail et d’habitation en véritables variables de survie, exposant certaines catégories à un risque de contagion beaucoup plus élevé que d’autres et, à moyen terme, à une détérioration des conditions de vie d’une grande partie de la population4.

Troisièmement, en raison du confinement de masse, on a assisté à une accélération assez impressionnante de la subsomption capitaliste de larges portions de la reproduction sociale au moyen de dispositifs numériques, ce qui exige une réflexion urgente sur la relation entre la reproduction, les processus d’extraction et la valorisation, ainsi que l’élaboration de pratiques de soustraction, de contre-utilisation et de « ré-endogénisation » de la reproduction. Un exemple clair de ce problème est fourni par le monde de l’éducation à tous les niveaux – de l’école primaire à l’université – et sa réorganisation à distance grâce à l’utilisation de plateformes numériques : dans le secondaire, par exemple, sans aucune discussion critique (ou très peu), les géants Google et Microsoft sont devenus les outils « naturels » pour faire face à l’urgence pandémique. Ainsi, la réponse du secteur de l’éducation à la crise pandémique tend à coïncider tout court avec sa subsomption approfondie à la logique du capitalisme et avec une forte endogénéisation du processus éducatif.

Enfin, sur un plan plus général, la crise pandémique a mis en évidence la contradiction inhérente au processus de reproduction sociale : une tension profonde entre « vie » et « profit », entre la protection de la vie et la sécurité des travailleurs et des travailleuses d’une part, et la logique contraire de la production à tout prix d’autre part. À ce niveau, l’Italie est un exemple emblématique : la tragédie qui a submergé certains territoires de la région de Lombardie – en particulier Bergame et ses vallées – ne serait pas compréhensible sans une analyse du tissu productif de la région et sans la reconnaissance d’intérêts et de pressions économiques spécifiques (et donc de responsabilités connexes).

Pour toutes ces raisons – d’autres pourraient être ajoutées ou explicitées – une réflexion sur la reproduction sociale est nécessaire et urgente. À cet égard, il est toutefois utile de prendre du recul et d’essayer de mieux définir ce que l’on entend par reproduction sociale. Il arrive souvent, en effet, que la formule apparaisse nébuleuse, peu compréhensible ou, au contraire, qu’elle se réduise à une sorte d’étiquette qui identifie un secteur professionnel.

Quelques éléments pour une définition

La catégorie de la reproduction sociale trouve son origine dans la pensée économique du XVIIIe siècle et subit un tournant critique à partir de l’usage qu’en fait Marx dans sa Critique de l’économie politique. La thèse de Marx, aussi simple que complexe, est que le système capitaliste, pour survivre, doit immédiatement et continuellement se reproduire comme tel, c’est-à-dire reproduire ses membres et reproduire les rapports sociaux qui le caractérisent5. De la reproduction sociale dans l’analyse marxienne du capitalisme, il a été dit qu’elle est une sorte de « chaînon manquant », un lien identifié mais non approfondi. En fait, Marx, tout en déclarant dans les Manuscrits de 1844 que « la vie productive est la vie qui génère la vie », reconnaissant donc une centralité productive au processus de reproduction, tend à faire confiance à ce que Leopoldina Fortunati a défini comme la « force naturelle du travail social »6. Marx tend à naturaliser (parfois même sous la forme d’un biologisme très grossier) le processus de reproduction au lieu de l’intégrer pleinement dans l’analyse du capitalisme et de reconnaître ainsi la valeur fortement sociale et socialisée de la reproduction7.

Comme on l’a observé, il y a des raisons historiques et théoriques pour comprendre le manque d’attention de Marx à la question de la reproduction : tout d’abord le type de capitalisme qu’il observe, c’est-à-dire un capitalisme avec peu de développement technologique, centré sur l’extension maximale de la journée de travail et avec des standards de reproduction très faibles. Le processus de subsomption capitaliste de la reproduction sociale ne peut être dissocié des transformations de la composition organique du capital et des transformations progressives et historiques des caractéristiques de la production et de la main-d’œuvre.

Après Marx, la catégorie a été largement discutée, surtout dans les années 1960 et 1970 lorsque, comme le suggère George Caffentzis, le champ complexe de la reproduction sociale a pris les caractéristiques d’un vaste « royaume sublunaire » qui excède la sphère formelle de l’économie, mais commence à devenir un terrain décisif pour la production et l’appropriation de la richesse sociale. Nous commençons alors à parler de l’économie informelle, de l’économie parallèle, de l’usine sociale, etc. L’idée que le périmètre de l’économie formelle n’épuise pas la complexité des interactions sociales prend forme. Et, précisément dans ces années-là, aussi bien en termes de lutte politique, nous voyons le passage dit « de l’usine à la métropole », l’émergence d’un sujet politique capable de déborder du lieu de travail et de submerger la société dans son ensemble d’une demande généralisée de répartition de la richesse sociale8.

Dans ce contexte s’insère l’analyse féministe de la reproduction sociale en termes de « travail reproductif » ou « travail de la reproduction ». Au lieu de se pencher sur une « reproduction sociétale »9 désincarnée et abstraite, les féministes marxistes des années 1970 – en particulier les théoriciennes et les militantes liées à l’expérience du Collectif féministe international et des comités pour le salaire au travail ménager10 – font décanter dans les corps, les relations et les institutions sociales l’ensemble des activités qui reproduisent quotidiennement la société et ses membres. Une histoire prolétarienne spécifique – différente de celle de l’homme blanc ouvrier d’usine – se révèle en redéfinissant complètement les paramètres d’analyse des processus sociaux11. Les féministes marxistes des années 1970 identifient en effet dans le travail non rémunéré des femmes le point d’équilibre du capitalisme fordiste et une source cachée de valeur pour le capital : un immense réservoir de « valeur d’usage pour la valeur », comme le définit Fortunati, est révélé par l’analyse des activités nécessaires à la reproduction de la main-d’œuvre et donc au processus de valorisation. Le processus de reproduction que Marx avait conçu comme immédiat est maintenant médiatisé par un type de travail spécifique, réalisé par les femmes à l’intérieur des maisons, complètement désocialisé et dévalorisé.

À la lumière des analyses féministes marxistes, le concept de travail reproductif ne se réfère donc pas seulement à « un ensemble d’activités et d’attitudes, de comportements et d’émotions, de responsabilités et de relations directement impliquées dans le maintien de la vie sur une base quotidienne et intergénérationnelle », selon une définition « classique » formulée par Laslett et Brenner12, mais, plus précisément, il identifie une série d’activités organisées – plus ou moins formalisées ou marchandisées – qui définissent ensemble le travail socialement nécessaire pour atteindre et maintenir des niveaux de soins standardisés et historiquement définis. En fait, il ne s’agit pas seulement de reproduire la vie, mais de reproduire la vie en tant que force de travail au sein de la société capitaliste. Selon ce qu’écrit Tithi Bhattacharya, l’un des principales représentantes de la Social Reproduction Theory13, l’analyse de la reproduction sociale est orientée vers l’examen du « réseau complexe de processus sociaux et de relations humaines qui produisent les conditions d’existence des travailleurs » et, de cette façon, non seulement elle identifie une série de domaines d’intérêt (travail domestique, soins, santé, formation, etc.), mais elle met surtout au centre de l’analyse la conviction que « le travail humain est au cœur de la création et de la reproduction de la société dans son ensemble »14.

Si l’on garde à l’esprit les éléments d’introduction exposés jusqu’ici, on peut observer que la catégorie de la reproduction sociale oriente l’analyse théorico-politique vers deux problématiques distinctes et liées : une problématique horizontale qui identifie un niveau spécifique de l’organisation du travail de reproduction (qui, de manière très générique, peut être rattaché à la dimension du « soin ») ; un problématique verticale et transversale qui identifie la reproduction sociale comme une matrice de l’organisation globale de la société capitaliste.

La première problématique énoncée concerne spécifiquement et explicitement la question de la reproduction de la vie au sein du capitalisme et s’articule sur trois niveaux :

1) l’analyse de la reproduction biologique des êtres humains (donc, par exemple, l’analyse sociale de la conception, de la naissance, de l’éducation des enfants, etc.) et l’organisation complexe des besoins reproductifs à travers un véritable « biotravail global » ;

2) l’analyse de la reproduction des sujets en tant que force de travail (donc les activités quotidiennes nécessaires pour restituer les énergies de chaque individu, mais aussi les activités capables de générer, nourrir, restituer et augmenter ces « capacités incorporées dans l’être humain »15 qui constituent le processus spécifique de subjectivation en tant que force de travail) ;

3) l’analyse de la reproduction comme ensemble d’activités qui permettent d’entretenir les personnes qui sont incapables de travailler (comme les enfants, les malades et les personnes âgées)16.

La deuxième problématique, en revanche, attire l’attention sur la nécessité théorique et politique de reconnaître l’instance de la reproduction à tous les niveaux de l’organisation globale du capitalisme. Selon les deux universitaires Bezanson et Luxton, par exemple, le concept de reproduction sociale « offre une base pour comprendre comment différentes institutions (telles que l’État, le marché, les institutions dites de la société civile comme la famille) interagissent et équilibrent le pouvoir de sorte que soit effectué le travail nécessaire à la production quotidienne et générationnelle et à l’entretien des personnes »17. Dans cette perspective, la reproduction sociale peut être conçue comme une matrice de l’organisation capitaliste d’ensemble : l’architecture globale de la société, en effet, ne répond pas seulement à l’impératif de l’accumulation, mais à celui de l’accumulation avec des niveaux de reproduction déterminés et différentiels. C’est pourquoi, dans le féminisme critique contemporain, la catégorie de la reproduction constitue le pivot autour duquel s’articulent les efforts visant à formuler une « théorie unitaire » du capitalisme, c’est-à-dire une théorie capable d’analyser conjointement les processus d’exploitation et d’oppression et de les situer dans différents contextes mondiaux. À cet égard, Bezanson et Luxton parlent d’un « système intégré de production et de reproduction » ou encore d’un « mode de production élargi » qui prend en compte la production de biens et de personnes.

Par conséquent, pour être plus explicite, on peut souligner que dans le domaine de la reproduction sociale il est possible de mener deux opérations analytiques : d’une part, élargir le concept de production en intégrant la reproduction de la vie en tant que travail, c’est-à-dire en tant que dimension exploitée et organisée par le capitalisme à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’économie formelle ; d’autre part, reconnaître dans l’organisation de la reproduction une matrice de l’organisation globale du capitalisme.

Ce deuxième aspect est particulièrement pertinent dans le contexte du néolibéralisme contemporain. En fait, si d’un point de vue historique et géographique, on peut observer comment les différentes configurations du capitalisme ont toujours compris l’organisation de la reproduction (même sous des formes nécropolitiques comme dans les contextes coloniaux), d’un point de vue contemporain (et de façon plus accentuée encore à la lumière de la pandémie mondiale) on peut peut-être avancer l’hypothèse d’un « renversement subsomptif », tel que défini par Romano Alquati esquissant une perspective d’investigation : c’est-à-dire un renversement progressif par lequel la réorganisation des besoins reproductifs devient la matrice principale des transformations également dans la sphère productive.

En d’autres termes, la restructuration néolibérale de la sphère de reproduction sur laquelle on a beaucoup insisté impliquerait non seulement l’abandon de l’architecture reproductive du fordisme (le système de l’État-providence), mais aussi un processus global de réorganisation des chaînes de valeur dans lequel l’extension des domaines de valorisation directe de la sphère de reproduction (par exemple sous forme extractive) affecte profondément la transformation du système productif dans son ensemble. On pense, par exemple, à « l’infrastructure logistique de la reproduction de la société confinée » (telle qu’analysée en France par le Groupe d’enquête sur la logistique) ou à l’expansion du secteur et au durcissement des conditions de travail qui en découle. Un autre exemple est le « marchandisation » inédite ou accentuée de nombreuses activités de reproduction par la numérisation, comme cela s’est produit de manière retentissante dans le domaine de l’éducation, de l’école et de l’université. À la lumière de la crise mondiale déclenchée par la pandémie, il semble donc nécessaire de prêter attention à la réorganisation des chaînes de valeur dans l’interaction entre production et reproduction.

Brèves conclusions

Au cours de la pandémie mondiale, les principales contradictions et injustices du capitalisme néolibéral se sont cristallisées dans le domaine de la reproduction. Ces deux derniers mois, en effet, les « contradictions socio-productives du capitalisme financiarisé », pour citer Nancy Fraser18, sont devenues potentiellement explosives. L’affrontement entre une logique de profit et une logique de reproduction de la vie a atteint un point de tension maximale : non seulement parce que le lien entre la crise écologique, l’agriculture intensive et le développement de nouvelles épidémies sous forme de guerre entre l’agro-industrie et la santé publique est désormais clair, mais aussi parce que – sur un plan micrologique et quotidien – la sortie de la crise actuelle semble se définir sur le terrain de la reproduction par la définition collective de ce qui est prioritaire, et pour qui, et de comment les priorités établies sont socialement organisées.

Les fondements désormais bien établis de la restructuration néolibérale de la reproduction sociale sont particulièrement mis en évidence en ce moment et chacun d’eux constitue un jeu ouvert dont la portée politique doit être approfondie. Quelles options sur le terrain du welfareaprès une longue phase de contraction des dépenses et après la mise en place de nouveaux dispositifs hybrides de reproduction qui envisagent à la fois le rétablissement des régimes traditionnels d’exploitation domestique des femmes (dans le rapport matrimonial ou dans le rapport de subordination de plus en plus déterminé par les processus de migration) et de nouveaux types de services publics/privés orientés vers l’emploi de travailleurs et de travailleuses à bas coût ? Quels scénarios de nouvel appauvrissement massif après des décennies d’endettement individuel et collectif systématique axé sur les besoins reproductifs (principalement le logement, l’éducation, la santé) ou sur la subsomption capitaliste de formes de reproduction dans la pauvreté comme dans le cas des politiques de micro-crédit dans certaines régions de la planète ? Quels processus de restructuration du travail en relation avec la consolidation des régimes de reproduction différentiels selon le sexe, la race, etc. ? Quels scénarios urbains à travers le durcissement des discontinuités reproductives de différentes composantes de la population ? Quels scénarios de conflit au sein des nouvelles formes d’extraction de valeur greffées sur le terrain de la reproduction ? Quelle tension entre la torsion nécropolitique du capitalisme contemporain et les besoins reproductifs dans le domaine de l’écologie ? Ce ne sont là que quelques-unes des questions que la situation de pandémie a rendues plus urgentes qu’auparavant.

  1. Voir par exemple le Cross-Border Feminist Manifesto, signé par différents réseaux d’activistes du monde entier. Les contributions publiées sur ce thème ces derniers mois sont véritablement nombreuses et il serait impossible d’en faire un catalogue exhaustif.
  2. En ce qui concerne l’Europe, la force de travail féminine représente un pourcentage qui oscille entre 70% et 90% de la force de travail d’ensemble impliquée dans les « travaux reproductifs ». Voir à ce sujet les données officielles fournies par la Commission Européenne dans le Corriere della Sera du 20 avril 2020. Ces données en revanche ne fournissent pas d’indications sur le processus de racialisation de la force de travail impliquée dans ce secteur.
  3. En ce qui concerne l’Italie voir les données sur l’augmentation des violences domestiques et sur le pourcentage de femmes en mesure de retourner au travail à temps plein dans la dite « phase deux ». On peut faire l’hypothèse que la crise sanitaire se décharge largement sur les femmes en amorçant une attaque contre leur revenu et leur autonomie.
  4. Voir par exemple cette vidéo, tournée dans un moment où en Italie étaient appliquées les mesures de confinement les plus restrictives, qui montre clairement comment une partie entière – jeune et racisée – de la population a été exposée au risque maximal de contagion parce qu’impliquée dans des fonctions reproductives au service d’autres parties de la population.
  5. Voir le chapitre VI inédit du livre I du Capital intitulé « Résultats du processus de production immédiat ».
  6. L. Fortunati, L’arcano della riproduzione. Casalinghe, prostitute, operai e capitale, Marsilio, Venezia, 1981, p. 41.
  7. S. Federici, Revolution at Point Zero: Housework, Reproduction, and Feminist Struggle, PM Press, New York, 2012.
  8. Voir G. C. Caffentzis, On the notion of a crises of social reproduction: a theoretical review, in Mariarosa Dalla Costa and Giovanna Dalla Costa (eds.), Women, Development, and Labor of Reproduction: Struggles and Movements, Africa World Press, Trenton 1999. Disponible ici : http://www.commoner.org.uk/caffentzis05.pdf
  9. Pour une distinction entre « reproduction sociale » et « reproduction sociétale », voir B. Laslett, J. Brenner, «Gender and Social Reproduction: Historical Perspectives», Annual Review of Sociology, 15, 1989, pp. 381-404.
  10. M. Dalla Costa, Potere femminile e sovversione sociale, Marsilio, Padova, 1972; L. Chisté, A. Del Re, E. Forti, Oltre il lavoro domestico. Il lavoro delle donne tra produzione e riproduzione, Feltrinelli, Milano, 1979; L. Fortunati, L’arcano della riproduzione. Casalinghe, prostitute, operai e capitale, cit.
  11. Il s’agit de l’une des conquêtes théoriques et politiques les plus significatives du féminisme : redéfinir l’analyse critique du capitalisme à partir de la multiplication des expériences subjectives d’exploitation et d’oppression. À ce sujet, se référant à une réduction injustifiée du concept de classe à l’expérience historique du prolétariat blanc industriel, I. M. Young dénonce « la tragédie non nécessaire du marxisme ».
  12. Cfr. B. Laslett, J. Brenner, «Gender and Social Reproduction: Historical Perspectives», cit.
  13. Il s’agit d’un véritable programme de recherche collective articulé à l’intérieur de l’analyse contemporaine et critique des processus d’organisation de la reproduction à l’échelle globale. Voir T. Bhattacharya, Social Reproduction Theory: Remapping Class, Recentering Oppression, Pluto Press, London, 2017; S. Ferguson, Women and Work: Feminism, Labour, and Social Reproduction, Pluto Press, London, 2020.
  14. T. Bhattacharya, Social Reproduction Theory, cit., p. 2.
  15. Voir L. Vogel, Marxism and the Oppression of Women: Toward a Unitary Theory, Historical Materialism, London, 2014. Une contribution utile à l’analyse dans cette direction est fournie par Romano Alquati et sa redéfinition de la force de travail en termes de « capacité humaine vivante ». Voir R. Alquati, Sulla Riproduzione, à paraître chez Derive Approdi.
  16. Voir I. Bakker, S. Gill, Power, Production and Social Reproduction, Pelgrave, London, 2003.
  17. Cfr. K. Bezanson, M. Luxton, Social Reproduction: Feminist Political Economy Challenges Neoliberalism, McGill-Queen’s University Press, 2006, pp. 3-10.
  18. N. Fraser, Crisis of Care? On the Social-Reproductive Contradictions of Contemporary Capitalism, in T. Bhattacharya, Social Reproduction Theory, cit., p. 21-36.

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