Licenciements, où en est-on ?

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Rapports de force

Grosse boîtes sous les feux médiatiques ou petites entreprises s’écroulant en silence, la crise sanitaire provoquera sans nul doute une explosion des faillites et des licenciements. Si celles-ci sont pour l’instant retardées par le dispositif de chômage partiel, la situation ne se prolongera pas indéfiniment. Pour comprendre vers quoi on se dirige,  commençons par regarder où nous en sommes.

 

Altice, Castorama, Renault, la semaine qui vient de s’écouler a vu s’accélérer les annonces de « réduction des coûts » et les licenciements qui vont avec. Ils s’ajoutent à ceux déjà esquissés dans l’aéronautique, l’énergie ou encore le commerce non alimentaire. S’ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg, ces licenciements nous indiquent les secteurs à avoir à l’œil.

 

Aéronautique et automobile dans la tourmente

 

Fleuron de l’industrie aéronautique française et européenne, Airbus ne parvient pas encore à mesurer l’ampleur du plan social qu’il devra mettre en œuvre. Aussi, les spéculations vont bon train. Le quotidien britannique The Telegraph a déjà annoncé que l’avionneur serait prêt à supprimer 10 000 emplois sur 135 000 dans le monde, ce que dément la direction. Face la réduction de l’activité, les sous-traitants qui ont l’avionneur pour principal client ne savent plus sur quel pied danser. Début avril l’entreprise française Daher, 10 000 salariés, annonçait 3000 suppressions de postes. Début mai, c’était au tour du patron de la branche aéronautique de Derichebourg, 1600 salariés, d’annoncer un plan de 700 licenciements. Pour l’éviter les syndicats étaient sommés de signer un accord de performance collective où ils renonçaient à leur 13e mois et à une prime de transport. Un chantage dénoncé par les syndicats UNSA et CFE-CGC de la boîte, encore en conflit avec leur employeur à l’heure actuelle. Que ce soit chez Daher ou chez Derichebourg, les syndicalistes respectivement de la CGT et de l’UNSA que nous avons joints partagent la même crainte. Pour eux, les patrons veulent réduire les effectifs, et supprimer les avantages sociaux pour apparaître compétitifs aux yeux d’Airbus quand viendra le temps de la reprise. Les annonces d’Airbus devraient arriver dans les mois qui viennent, sans doute après le dévoilement du plan de soutien à l’aéronautique annoncé par Bruno Le Maire début juin. En attendant le patron d’Airbus, Guillaume Faury, incite les gouvernements à rouvrir au plus vite les frontières pour relancer le trafic aérien.

De la casse s’annonce également dans l’industrie automobile. Si rien n’est chiffré pour l’instant, Renault envisagerait, selon le Canard Enchaîné du 20 mai, de fermer trois de ses sites et d’arrêter la production de véhicules sur son site historique de Flins fort de 4000 salariés. Fabien Gache, délégué central CGT Renault de Boulogne-Billancourt, estime le même jour au micro d’Europe 1 que « la stratégie du groupe consiste à faire pression pour obtenir des moins-disant sociaux ». Comme dans l’aéronautique en somme. Pour l’automobile, le plan de soutien de Bruno Le Maire devrait en revanche arriver plus vite que celui annoncé pour l’aéronautique : d’ici quinze jours.

 

Cessions massives chez Engie

 

Engie, qui emploie 171 000 personnes dans le monde, dont 77 150 en France, veut quant-à-elle se séparer de certaines de ses activités. « En dehors de l’impact Covid qui n’est pas encore mesuré, le groupe compte se séparer de 15 000 salariés dans le monde, dont 9 000 en France », a déploré la CGT Engie dans un communiqué diffusé mardi soir après l’annonce des résultats du groupe. Rapidement, une intersyndicale réunissant la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, la CGT et FO a dénoncé en chœur ce plan massif de cessions ou de fermetures d’activités.

« On s’attendait à un recentrage d’activités, on savait que des restructurations se profilaient, mais pas autant. » a confié à la NVO Sébastien Michel, coordinateur CFDT. De son côté, la direction dément les chiffres et parle de « cession de l’activité à des fins de recentrage, sans impact sur l’emploi. »

 

L’industrie de la presse amochée

 

On a vu BFM TV diffuser des spots remerciant ses annonceurs d’avoir maintenu leurs publicité pendant le confinement. Cela n’aura visiblement pas suffit. La branche audiovisuelle du groupe Altice (BFMTV, RMC, RMC Sport, RMC Découverte…) a annoncé le 19 mai un plan d’économie drastique. Si aucun chiffre n’est pour l’instant donné, la stratégie patronale prend déjà forme. Un plan de départs volontaires va être proposé aux 1 600 salariés de la branche. « Si le nombre de volontaires se révélait insuffisant, il y aura des licenciements », précise Altice à Télérama. « Le recours aux intermittents, aux pigistes et aux consultants sera en outre divisé par deux. »

La situation n’est guère plus enviable du côté du journal Paris Normandie, unique quotidien local de Haute-Normandie, détenu à plus de 90% par Jean-Louis Louvel, patron local arrivé troisième au 1er tour des municipales à Rouen sous la bannière LREM. Selon la direction, citée par Offre Média, la crise sanitaire du coronavirus a interrompu « le lent redressement » du journal. Fin avril, le tribunal de Rouen avait prononcé la liquidation du quotidien avec prolongation d’activité de trois mois. Ces 216 salariés attendent donc un repreneur sans savoir qui restera, ou non, sur le carreau.

Enfin c’est la question de la diffusion de la presse qui se pose. Presstalis, messagerie de presse chargée de distribuer des imprimés à travers la France a été mise en redressement judiciaire avec maintien d’activité lors de la première semaine du déconfinement. Elle attend de trouver un repreneur. Il n’en va pas de même pour ses deux filiales de province : les SAD et Soprocom, mise en liquidation sans poursuite d’activité. 512 salariés voient ainsi leurs emplois menacés selon la CGT-SGLCE. Elles desservent près de 10 000 points de vente sur les 22 000 du territoire. La CGT a appelé à la grève.

 

Le commerce non alimentaire fragilisé

 

Les grands magasins, parfois déjà engagés dans des procédures de réduction de leurs effectifs
ont reçu le coup de grâce. Conforama, sous le coup d’un plan de restructuration concernant 1900 salariés depuis 2019, touché de plein fouet par la fermeture ses magasins risque désormais un plan de redressement judiciaire. La Halle est en attente d’un investisseur ou d’un repreneur, selon la CGT de l’entreprise, plusieurs centaines d’emplois sont dores et déjà menacés. « Ses actionnaires se sont gavés pendant des années à coups d’intérêts et de dividendes et aujourd’hui ils ne veulent pas mettre un centime pour sauver une des enseignes du groupe », dénonce Claire Vigouroux, déléguée FO interrogée par l’Info militante. Les chaussures André et leurs 400 salariés sont en redressement judiciaire. Enfin l’industrie de l’ameublement craint aussi sa survie suite au placement en redressement judiciaire de l’enseigne Alinéa (ameublement et décoration intérieure) 2000 emplois sont sur la sellette.

 

La forêt des petites entreprises

 

Derrière ces grandes entreprises, leurs plans massifs et leurs batailles syndicales annoncées, de nombreux nouveaux chômeurs proviendront très probablement des rangs  des TPE et PME (moins de 250 salariés) et feront bien moins de bruit. C’est du moins ce que soutiennent dans leur grandes majorité les Chambre d’Industrie et de Commerce locales ainsi que les syndicats patronaux. Sans craindre l’alarmisme ni les jugements hâtifs, Dominique du Paty De Clam, vice-présidente de la CPME (syndicat patronal), explique ainsi que « Suite à la crise des gilets jaunes, aux grèves des retraites fin 2019 et au Covid-19, 30% des TPE françaises, malgré les aides de l’Etat, vont baisser le rideau avant fin 2020. »

De même, Après un sondage auquel ont répondu 2942 patrons de la région entre le 5 et le 12 mai la CCI des Hauts-de-France indique que 19% d’entre eux envisagent de licencier. Dans l’hôtellerie restauration ils sont 32%.

Si les tribunaux de commerce ont tourné au ralenti pendant le confinement et on eu à traiter environ trois fois moins de dossiers grâce au chômage partiel, dans neuf cas sur dix, les procédures qu’ils ont engagées pendant la période de confinement sont des petits licenciements collectifs. Ils concernent des entreprises de moins de 50 salariés ou des entreprises plus grandes qui licencient moins de 10 salariés. Les secteurs les plus touchés sont, sans surprise la construction, le commerce et la réparation automobile ainsi que l’industrie manufacturière.

 

Si on ne peut déduire de manière certaine la physionomie du chômage massif de demain. L’insistance des Chambres d’Industrie et de Commerce (CCI) et des syndicats patronaux à annoncer le désastre nous indique néanmoins leur volonté de faire durer le plus possible le chômage partiel. Faute de solution ?


Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut