AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Blog de Jean-Marc B.
Le plan de sortie de crise Plus jamais ça signé par 20 organisations propose quantité des mesures que tout le camp populaire défend.
Ces mesures sont parfois loin des exigences exprimées dans les luttes sociales et écologiques. J’ai inséré très rapidement en gras dans le texte qui suit une première salve de remarques et suggestions corrigeant ou complétant certaines des mesures. N’hésitez pas à en rajouter dans les commentaires. Je tenterai des les intégrerai sous la mesure correspondante afin de faciliter les échanges.
Mais l’essentiel n’est pas là: par sous-estimation de l’adversaire pour certains responsables des organisations signataires, mais surtout par soumission à la dictature du capital, le Plan ne se donne aucune stratégie et aucun moyen de sa réalisation.
Même les mesures de caractère limité du Plan ne seront jamais acceptées. Elles demandent au minimum un rapport de force du niveau d’une grève générale activemenaçant la bourgeoisie et son Etat d’une révolution sociale. Le Plan n’en dit pas un mot. Encore du ’’y’a qu’à, faut qu’on’’ mort né.
Une conclusion s’impose: il ne s’agit encore une fois que de préparer le terrain pour des politiciens qui une fois élus enterreront les principales mesures de ce Plan, comme ils l’ont tous fait dans le passé, qu’ils exploitent le segment dit de droite ou de « gauche » du marché électoral.
L’objectif n’est pas l’unité pour mobiliser et abattre ou même faire reculer au plus vite la dictature du capital, c’est comme l’a déclaré le 29 mai Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, « L’objectif, c’est que les politiques se saisissent de nos propositions. »
Avant de commenter ci-dessous certaines mesures, comblons trois trous béants qui situent ce Plan comme instrument de jeu politicien, pas de mobilisation pour la gagne.
Le Plan écarte l’appropriation sociale des secteurs clés de l’économie sous le contrôle des travailleurEs et de la population. Dans ces conditions, il ne propose qu’un aménagement du capitalisme, plus chimérique que jamais, étant donné l’ampleur de la crise en cours.
Le plan ne dit pas un mot sur les institutions politiques ! Les exigences démocratiques élémentaires sont l’annulation de la constitution de la Vème république, fruit du coup d’Etat militaire de 1958. Il faut un soulèvement pour imposer une constituante, comme si souvent dans notre histoire (1789, 1830, 1848, 1871 ou 1944).
La nouvelle constitution devra contenir à minima:
- suppression de la présidence de la République, monarque pour 5 ans
- suppression du Sénat, assemblée de notables élus par les notables, inutile et couteuse
- proportionnelle intégrale à l’Assemblée
- droit de vote à toutes les élections pour les résidentEs étrangerEs
- interdiction du cumul des mandats et de plus de deux mandats, consécutifs dans la même fonction,
- indemnité correspondant au salaire moyen d’un ouvrier ou d’un employé ( environ 2 300 euros brut par mois)
Le Plan ne dit pas un mot sur la bande d’hommes armés qui est coeur de l’Etat et de sa marche en cours à la dictature. L’application des mesures actuelles du Plan, même avec ses limjtes, exigerait de paralyser la bande d’hommes armés sans laquelle le régime s’effondre immédiatement.
ll n’y aura aucune réelle alternative sans les mesures suivantes:
– levée immédiate de l’Etat d’urgence
- dissolution des Brigades anti criminalité (BAC) motorisées ou pas
- interdiction de tous les armements offensifs (LBD, Taser, grenades de désencerclement), comme dans plusieurs pays scandinaves ou les Pays-Bas
- suspension des policiers comme des gendarmes pour dissimulation du leur matricule
- amnistie pour tous les manifestantEs inculpés et pour les verbalisés pour le désastre sanitaire suite à la préférence de Macron pour l’économie sur la vie.
Commentaires (en gras ) sur parties choisies du texte du Plan (en italique)
L’introduction nous dit:
« notre but est de faire la démonstration qu’il y a des alternatives au capitalisme néolibéral, productiviste et autoritaire »
Le texte ne propose donc pas une alternative au capitalisme, mais seulement la chimère d’un retour en arrière à un vieux capitalisme, qui ne serait pas « néolibéral, productiviste et autoritaire ». Les signataires disent ainsi qu’ils n’entendent nullement mettre en cause les rapports d’exploitation de d’oppression indispensables à tout capitalisme. Le monde à reconstruire, selon l’expression du texte, reste le monde capitaliste, destructeur des êtres humains et de la nature.
Dans introduction Partie 1 (Conditions pour un déconfinement assurant sécurité sanitaire, démocratie et droits fondamentaux)
« nous voulons sortir de l’état d’exception dans lequel se trouve notre pays »
Pas un mot, alors qu’il s’agit du dernier rempart du régime, sur le déchainement des violences policières et de la répression d’une justice aux mains du pouvoir.
Dans Mesure 1 (La gratuité des masques et l’accès aux tests pour toutes et tous )
« arrêt de tous les PSE et fermetures de sites »
Le texte reprend la langue de bois du capital, osant parler de « plans de sauvetage de l’emploi » (PSE) qu’il ne faut appeler un chat un chat: licenciements massifs.
Dans Mesure 2 (plan d’urgence pour l’hôpital public):
« augmenter les salaires en assurant l’égalité avec les personnels étrangers »
Le texte ignore délibérément la revendication des hospitaliers depuis plus d’un an : 300 € pour tous !
« annuler la dette des hôpitaux et augmenter leurs budgets d’au moins 5 %. »
Ridicule face à la casse orchestrée par la droit et la gauche pendant 20 ans et en comparaison avec les centaines de milliards offerts aux capitalistes.
La mesure 2 devrait sortir des généralités, avec
– abrogation des contre-réformes qui ont détruit l’hôpital depuis des décennies pour le transformer sur le modèle d’une entreprise
- rétablissement des établissements de proximité, avec au moins service d’urgence, maternité et service de chirurgie
- création de centres de santé publics ouverts 24/24h pour la médecine de proximité
- expropriation des grands actionnaires des cliniques privées pour intégrer tous les établissements au service public de santé
- gratuité intégrale des soins, en ville ou à l’hôpital
- remboursement à 100 % par la Sécu avec tiers payant intégral
- suppression des «complémentaires santé»
- suppression des « franchises et forfaits » et du « forfait hospitalier »
- sanction de tout dépassement d’honoraires comme un délit.
Dans Mesure 4 : Garantir la sécurité au travail:
« rétablissement et l’élargissement des prérogatives des CHSCT qui sont un outil d’alerte et de contrôle important. »
La première mesure à prendre, scandaleusement absente, va au delà: abrogation de la Loi Travail et des ordonnances Macron cassant encore plus le code du travail.
Par ailleurs, le Plan passe à la trappe la question clé des retraites. La mesure à imposer est l’annulation de toute la casse organisée par les politiciens de droite et de gauche depuis des décennies:
- retour à la gestion des régimes de retraite, comme toute la Sécu, par les organisations de salariés
- prise en compte des meilleurs salaires
- droit dès 37,5 annuités
- 60 ans maximum et 55 ans pour les travaux pénibles.
Dans Mesure 7 (Pour les droits des femmes et contre le sexisme)
« délais rallongés pour l’accès à l’IVG »
Les femmes sont lasses de fausses promesses: il faut spécifier le rallongement
« prendre des mesures ambitieuses en faveur de l’égalité et de la parité pour assurer une juste représentation des femmes. »
Idem. Propos sans contenu précis, manipulant et méprisant l’électorat féminin
Dans Conclusion de la partie 1 :
« Nous n’avons pas besoin d’une gestion de crise paternaliste et répressive »
Rien sur la suppression de l’IGPN et la responsabilité pénale des policiers devant des juges indépendants
« faire reculer l’emprise du pouvoir politique sur le secteur public de l’information et la domination du secteur privé de l’information par une poignée de milliardaires. »
Encore une fois, aucune proposition, ignorance même des propositions des travailleurs des médias d’expropriation des médias privés et de leur socialisation.
Dans Mesure 9 (Une hausse des salaires)
« augmentation uniforme et égale pour toutes et tous avec un minimum de 200 euros »
Coup de poignard dans le dos des hospitaliers et bien d’autres secteurs surexploités qui se battent depuis longtemps pour 300 euros. En plus il faut imposer un CDI, ou emploi statutaire pour toutes et tous,
la fin des temps partiels imposés, des contrats précaires, du pseudo statut d’« auto-entrepreneur »
« instaurer un plafonnement des salaires et des revenus et fixer un écart maximum entre le plus haut salaire et le salaire minimum »
Encore une fois, aucun engagement, alors que les propositions de plafond et d’écart ne manquent pas.
Dans Mesure 12 (L’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit)
Voilà qui n’empêchera nullement les licenciements. Les entreprises disposent à leur guise de double comptabilité, et pour la plupart de filiales où elles déplacent pertes ou profits comme bon leur semble avec la technique des prix de transfert. La crise économique commencée fin 2019 et accélérée par la pandémie est lourde de licenciements massifs. Plus que jamais les mesures à imposer sont l’interdiction des licenciements et des suppressions de poste, l’ouverture des livres de comptes, parfois de tout le groupe (France et étranger), la réquisition et l’appropriation sociale des entreprises qui entendent licencier.
Dans Mesure 15 (Pour un droit garanti au revenu et à la protection sociale)
« L’ensemble des minimas sociaux et des aides sociales doit être massivement revalorisé pour lutter contre la pauvreté »
Indigent :
- chacun doit recevoir au minimum le nouveau SMIC (1700 euros nets)
- les étudiantEs qui sont des salariéEs en formation (au-delà de l’enseignement secondaire) doivent toucher un pré-salaire égal à ce SMIC leur permettant de suivre leurs études ou de chercher un premier emploi
- une nouvelle branche de la Sécu doit couvrir la perte d’autonomie liée au handicap ou à l’âge, en assurant le financement d’un service public de la perte d’autonomie (en institution ou au domicile).
Dans Mesure 17 (Pour l’accès et le droit au logement de qualité pour toutes et tous)
La mesure 17 fait une liste d’urgences nécessaires pour le logement mais non suffisantes. Il faut les compléter avec de mesures telles que:
- la réquisition des logements et immeubles de bureaux inoccupés depuis deux ans, grâce par la stricte application de la loi,
- la construction de 200 000 logements sociaux par an,
- l’arrêt des ventes de HLM,
- la renationalisation des sociétés HLM,
- le blocage des loyers à un plafond de 20 % du revenu.
Dans Mesure 18 : (Engager des annulations de dettes des pays les plus pauvres)
« Pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, il est possible de dégager environ 400 milliards de dollars en annulant les remboursements pour l’année 2020 »
Non, il faut annuler la dette de tous les Etats. Pourquoi faudrait-il verser une rente aux financiers qui accumulent déjà un capital par tous les moyens dont il faudrait les priver, avec l’exploitation des êtres humains et de la nature associé à toutes les techniques d’évasion et fraude fiscales.
Dans Mesure 22 (Pour une politique monétaire et prudentielle au service des besoins sociaux et environnementaux)
« Le rachat de dette publique en lui donnant le statut de dette perpétuelle avec un taux d’intérêt nul. »
Monétiser la dette sans limite, autrement dit la planche а billet, c’est à terme une inflation importante que le capitalisme fera payer au travail, par la baisse des revenus réels. La mesure cohérente économiquement et juste socialement c’est l’annulation de la totalité de la dette publique qui engraisse les oligarques, tout en indemnisant les petits épargnants.
Dans Mesure 23 (Réguler les activités bancaires)
Les activités bancaires ont toujours été régulées, ce qui ne l’a jamais empêché de se mettre au service des pires destructeurs des êtres humains et de la nature. Le secteur financier (banques et assurance) doit être socialisé après expropriation, avec compensation seulement pour les petits actionnaires, comme pour les détenteurs d’actions dans les autres secteurs (moins de 50 000 euros). Il faut enfin rappeler à chaque occasion, que l’appropriation sociale doit s’appliquer à tous .es secteurs clés de l’économie, ce qui est le cas du secteur financier.
Dans Mesure 29 (L’arrêt des soutiens publics aux acteurs polluants)
« Aucun investissement public ou garanti par l’État ne doit soutenir le secteur des énergies fossiles ni le développement de nouveaux projets nucléaires »
C’est la seule allusion au nucléaire, qui fait encore une fois de ce Plan le plus petit dénominateur commun des politiciens du segment de marché dit de « gauche ». Un plan pour aboutir à 100 % d’énergies renouvelables en 2050, doit inclure au moins
- l’arrêt de la construction de l’EPR à Flamanville
- la fermeture immédiate de tous les réacteurs de plus de trente ans, et de tous les autres d’ici 10 ans
- l’abandon des projets d’enfouissement des déchets radioactifs de haute activité comme à Bure, où les défenseurs de la vie sont soumis à une répression sauvage, ce que le Plan ignore totalement.
Pas un hasard dans ces conditions si le Plan passe rapidement sur l’énergie… Il faut le plus vite possible :
- expropriation les groupes privés du secteur, pour créer un service public unifié
- reconvertir des travailleurEs des secteurs du gaz, du pétrole, du nucléaire, au service de productions d’énergie décentralisées, accessibles à touTEs
- gratuité des premiers kWh indispensables.
C’est l’occasion de rappeler ici concernant le service important de l’eau, ignoré dans le Plan, que les premiers m3 indispensables doivent aussi être rendus gratuits.
La gestion écologique de l’énergie implique aussi la diminution de sa composition dans beaucoup d’activités, depuis les transports jusqu’à l’arrêt de nombreuses productions somptuaires, inutiles, d’obsolescence programmés ou directement nuisibles, dont par exemple la publicité et l’armement.
Dans Mesure 30 (Accompagner la reconversion via des systèmes de formation et d’enseignement-recherche rénovés)
« Un investissement massif dans la jeunesse passe en premier lieu par leur garantir droits, statut et un accompagnement financier protecteur et permettant leur autonomie en particulier durant leurs études. Il s’agit également de soutenir fortement la formation des jeunes issus des quartiers populaires. »
C’est tout ce que les jeunes trouveront dans ce Plan…C’est le blabla d’un programme électoral. Comment les militants de l’UNEF et de l’UNL, organisations signataires, peuvent-ils supporter des dirigeants à ce point soumis au capital et ramollis par le réformisme pour étouffer les aspirations et les droits légitimes de la jeunesse:
- un pré-salaire d’autonomie financé par les cotisations patronales du niveau du SMIC qu’il faut imposer (1700 euros net)
- l’interdiction des contrats précaires et des stages obligatoires non rémunérés
- en apprentissage, pas de salaire en dessous de ce SMIC, des vacances comme les jeunes scolarisés
- véritables services publics de la santé dans les universités avec accès gratuit à la contraception et l’IVG
- légalisation du cannabis
- annulation des semaines ou mois d’embrigadement du Service National Universel (SNU)
Par ailleurs, les dirigeants de la FSU, pourtant signataires du Plan, devaient avoir piscine lors de son adoption car la question essentielle de l’enseignement n’est traitée dans ce Plan qu’à la marge et de façon très générale dans l’objectif 8 qui vise à « accompagner durablement la reconversion ». Il faut commencer par
– augmenter de 300 euros les salaires,
- annuler toutes les réformes introduites par Blanquer et les macronards,
- construire une école indépendante du patronat, avec pédagogies émancipatrices, participation progressive des élèves au choix des apprentissages,
- un enseignement gratuit,
- la fin du financement du privé,
- des effectifs limités à 20 par classe,
- la création massive de postes.
Dans Mesure 32 (Repenser les mobilités)
Curieusement, la mesure écarte une exigence clé: exproprier les compagnies privées d’autoroutes, devenues dès lors gratuites.
Ma conclusion: L’unité doit servir à agir. Avec ce Plan d’inaction, elle n’est que la manipulation de grandes organisations sociales et écologiques par quelques politiciens, petits marquis derrière un paravent ou vieux crocodiles tapis comme toujours dans la vase.
Leurs grenouillages et tripatouillages électoraux n’empêcheront pas le rassemblement et l’unité dans l’action des classes populaires, jusqu’au soulèvement indispensable pour une révolution de civilisation.
Tous derrière les hospitaliers et la santé, pour la vie, contre les profits. Et construisons la grève générale de septembre.