Montpellier : la gauche “antisystème” s’allie avec le milliardaire Altrad pour les municipales

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SOURCE : Le Pöing

Clothilde Ollier, Mohed Altrad et Alenka Doulain, lors d’une conférence de presse, le 3 juin à Montpellier

Ni gauche, ni droite, bien au contraire, tous divergents ensemble, pour les pauvres et la planète, un milliardaire pour manager Montpellier ! C’est le merveilleux programme défendu par l’homme d’affaires Mohed Altrad pour gagner la mairie, rejoint par l’écolo Clothide Ollier, l’« antisystème » Alenka Doulain et le comique Rémi Gaillard. Si vous pensiez que plus rien n’a de sens, rassurez-vous, la farce électorale n’est pas encore au max.

Amour, glaires et beautés

Au Poing, on s’intéresse peu aux élections pour privilégier la couverture des luttes sociales, que l’on considère comme le véritable moteur de l’Histoire. Mais en remuant la chose électorale, on finirait presque par y prendre goût : coups bas, trahisons, luttes des places, candidats testostéronés… Le spectacle est franchement amusant. On vous rappelle les derniers épisodes, soyez attentifs.

L’écologiste Clothilde Ollier, ancienne maire de Murles, avait été investie par Europe-Écologie-les-Verts après avoir remporté une primaire. Mais le parti écolo l’a lâché au motif de la présence de militants de La France Insoumise dans son équipe. Pendant ce temps-là, le mouvement « Nous Sommes », créé par et pour les élections, promettait de faire élire Alenka Doulain pour chasser la caste au pouvoir, en rejetant les offres d’alliances de l’équipe de Clothilde Ollier. Rémi Gaillard, lui, n’a cessé de répéter son slogan pendant la campagne : « Pour ceux qui pensent que je suis con, je veux les rassurer, je suis pas encore au max ». Les résultats du premier tour sont tombés : 65% d’abstention, 2,4% des inscrits pour Clothilde Ollier, 3,1% pour Alenka Doulain, 3,2% pour Rémi Gaillard, les seuls candidats qualifiés pour le second tour étant le maire sortant macroniste Philippe Saurel (6,4%), le socialiste Michaël Delafosse (5,6%), et le milliardaire ni droite, ni gauche Mohed Altrad (4,5%), qui a souhaité, en vain, être investi par La République En Marche.

Pendant l’entre-deux tours, c’est le branle-bas de combat chez les perdants pour savoir à qui se rallier. Alenka Doulain, Clothilde Ollier et Rémi Gaillard forment alors le « triangle des Bermudes » et lancent la plateforme « Nous sommes n’importe qui, nous avons l’écologie en commun » pour négocier ensemble avec les trois candidats en lice. D’emblée, les insoumis s’insurgent et rappellent à Clothilde Ollier qu’elle a été mandatée pour discuter avec le candidat socialiste, mais pas avec le milliardaire et le macroniste. Rémi Gaillard est désigné pour discuter avec ceux qu’il nomme les « marionnettes aux frocs baissés » : il accepte de parler avec Philippe Saurel à condition qu’il retire sa candidature et évoque un « monde d’enculé » à propos des tractations avec Michaël Delafosse. Dans ces conditions, il ne restait plus que Mohed Altrad.

« Le troll de l’année »

C’est ainsi que Rémi Gaillard, qui promettait de « de leur foutre aux urnes », Alenka Doulain, soutien affiché des gilets jaunes et Clothilde Ollier, syndiquée à la CGT, se sont ralliés à Mohed Altrad, 31e fortune de France, patron de la multinationale Altrad, président du Montpellier Hérault Rugby. Le processus a été démocratiquement validé en interne par « Nous Sommes ». Au total, Mohed Altrad a accordé 23 des 65 places à ses nouveaux colistiers, 13 pour « Nous Sommes », 9 pour l’équipe de Clothilde Ollier, et une autre pour un proche de Rémi Gaillard chargé de défendre la cause animale. Sur la liste, on trouve aussi des transfuges du parti socialiste, d’En Marche et des Républicains, dont le sénateur Jean-Pierre Grand, qui avait déposé en décembre 2019 un amendement pour pénaliser la diffusion d’images de policiers. En résumé, c’est une union ni de gauche, ni de droite, avec la gauche et la droite, antisystème, patronale et institutionnelle. Comprenne qui pourra. Le programme de Mohed Altrad est en revanche un réchauffé classique de droite : moins d’argent pour les services publics, plus de policiers, plus de caméras, moins de mendiants, « implication des start-ups locales dans la création de serious game ayant pour objectif de sensibiliser à la thématique santé », etc. Il a aussi publiquement réclamé la suppression des prudhommes. Ce matin, l’homme d’affaires, aux côtés de Clothilde Ollier et Alenka Doulain, a revendiqué lors d’une conférence de presse l’alliance avec le « triangle des Bermudes » : « C’est un management collégial et interactif pour manager le grand ensemble de Montpellier. Vous me direz que ça n’a ni queue ni tête, et je vous réponds oui, mais il y un patron respecté, moi ».

Quand on lui demande s’il n’a pas vendu son âme au diable, un porte-parole de « Nous Sommes », qui préfère garder l’anonymat – on le comprend –, répond en creux que si, peut-être, mais non, parce que Mohed Altrad, en qui il n’a « aucune confiance », a promis qu’il donnerait la mairie à l’un des membres du « triangle des Bermudes » une fois qu’il sera élu à la métropole, et qu’ils ont obtenu la garantie de la mise en place d’un grand plan de relance écologique dont les contours restent bien mystérieux. En conférence de presse, Clothilde Ollier, elle, justifie l’alliance par la crise du coronavirus, puis l’urgence écologique, parce que la planète ne va pas tenir, et qu’il faut faire quelque chose, inventant ainsi la collapsologie électorale. Joint par téléphone, Rémi Gaillard, candidat à rien, qui ne s’est pas affiché avec Mohed Altrad, revendique « le troll de l’année » : « C’est un cirque, je braque le milliardaire, on est encore plus fort que l’antisystème, l’élection c’est nous, c’est peut-être un coup de génie, ou un monstre. Mon programme secret s’applique, et c’est disruptif ».

Du goudron et des plumes pour les traitres

L’alliance sera-t-elle suffisante pour gagner la mairie ? Pas sûr. Les fusions n’entrainent pas automatiquement l’additions des suffrages, et de nombreux électeurs sensibles aux questions sociales et environnementales risquent fort de considérer Mohed Altrad pour ce qu’il est : un patron de droite multimilliardaires. Qu’on se le dise : à Montpellier, la gauche est morte. Du soutien de Georges Frêche aux nostalgiques de l’Algérie française au ralliement systématique des communistes au parti prétendument socialiste en passant par les luttes de places permanentes d’Europe-Ecologie-les-Verts et les divisions de La France Insoumise dont une partie souhaitait négocier avec Delafosse, tout est à jeter. Certains pourront bien se fatiguer à expliquer que oui, mais non, la gauche ce n’est pas ça, l’idée de base a été trahie, etc., s’époumoneront dans le vide. Quant aux « antisystèmes » de « Nous Sommes », ils ont réussi l’exploit de tout renier en moins d’un an existence, (à cette occasion, Le Poing adresse un message aux militants de base : fuyez avant de plus pouvoir remettre un pied en manifestation). Alenka Doulain et Clothilde Ollier sont des parfaites représentantes de ces politiciens opportunistes prêts à se vendre pour exercer un peu de pouvoir. Le seul qui n’a rien trahi dans l’histoire, c’est Rémi Gaillard, qui a toujours revendiqué sa connerie.

Aux municipales comme aux présidentielles, il n’y a rien à attendre des candidats, issus de partis ou non (à part peut-être dans les très petites communes). La révolution se fait contre, et non avec les institutions. Ce n’est pas en menant des campagnes politiques guidées par les sondages et les chargés de communication que l’on abattra le système capitaliste. Seules les luttes sociales, elles aussi émaillées de coups bas mais dans des proportions bien moins intenses, nous permettrons d’envisager une voie révolutionnaire. L’affirmation peut paraitre péremptoire, mais à l’heure où plus rien n’a de sens, où la gauche se confond avec la droite et où les autoproclamés « antisystèmes populistes » sont souvent plein aux as, la boussole révolutionnaire demeure une valeur sûre.


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