La consommation mondiale de viande diminue pour la deuxième année consécutive

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SOURCE : Usbek & Rica

Si le Covid-19 ou la peste porcine expliquent en partie cette baisse annoncée par la FAO, celle-ci pourrait être le signe avant-coureur du prochain passage d’un pic mondial de consommation de viande. Des scientifiques appellent en tout cas à atteindre un tel pic (à ne pas dépasser) d’ici 2030 pour conserver une chance de limiter le réchauffement climatique en-dessous de 2°C.

En 2020, le monde devrait produire 333 millions de tonnes de viande. C’est 1,7 % de moins qu’en 2019, année qui avait elle-même connu un repli de 1 % par rapport à 2018. Ces chiffres issus d’un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publié en juin 2020 marquent un infléchissement notable : avant 2018, la production de viande avait connu une progression constante depuis deux décennies. Surtout, d’après Bloomberg, c’est la première fois que la production se contracte deux années consécutives, et la chute attendue de consommation de viande par personne, de l’ordre de 3 %, serait inédite depuis au moins l’an 2000, note le média américain.

Mais avant d’y voir une tendance de long terme, il faut noter que ces chiffres sont évidemment en partie liés à la pandémie de Covid-19. Le marché de la viande a été affecté de nombreuses manières par la crise, estime la FAO : fermeture des restaurants et cantines à cause des mesures de confinement, perturbation des usines de production et d’abattage liée aux mesures de distanciation sociale, recul du tourisme, crise économique… D’autres maladies ont en outre un impact majeur sur la production, notamment la peste porcine africaine qui affecte de nombreux pays asiatiques, et la recrudescence de la grippe aviaire.

Vers un « pic de viande » ?

Plus en détail, la production de volailles et d’ovins devrait continuer à augmenter en 2020, pour atteindre respectivement 137 millions de tonnes et 16 millions de tonnes. C’est en revanche la production de porcs qui devraient le plus se contracter, de 8 % au niveau mondial et de 20 % en Chine, à cause de la peste porcine. La viande de bœuf serait également en recul, écrit la FAO, de 0,8 %, avec tout de même quelque 72 millions de tonnes attendues dans l’année.

Malgré ces éléments d’explication très conjoncturels, ces deux années de baisse ne manqueront pas d’alimenter le débat existant sur un possible « pic de viande » que nous serions sur le point de passer. Les chiffres en la matière sont complexes et contradictoires. Dans les pays occidentaux, la tendance semble bien à la baisse durable de la consommation. En France, la consommation de produits carnés aurait fortement baissé entre 2007 et 2016, d’après une étude du Crédoc publiée en 2018. Les États-Unis, en revanche, battaient en 2019 un nouveau record de consommation avec 100,8 kg de viande ingérées par personne, selon les données de l’OCDE.

En 50 ans, la consommation de viande par personne a doublé, passant dans le monde de 23 kg en 1961 à 43 kg en 2014 par personne et par an. Les citoyens de l'Union européenne consommeraient eux, en moyenne, 71 kg par personne et par an.
En 50 ans, la consommation de viande par personne a doublé, passant dans le monde de 23 kg en 1961 à 43 kg en 2014 par personne et par an. Les citoyens de l’Union européenne consommeraient eux, en moyenne, 71 kg de viande par personne et par an. (CC B-SA 2.0 Glasseyes view)

« La croissance ralentit considérablement dans les pays de l’OCDE. Nous sommes proches d’un pic de viande [dans certains de ces pays] », disait au Financial Times en 2019 un expert de la FAO. Pour l’Europe et les États-Unis, les tendances d’après l’OCDE pour la décennie à venir serait toutefois celle d’une stagnation de la consommation plutôt que d’un déclin immédiat.

Dans les pays émergents, la tendance est par contre toujours à la hausse. L’Afrique devrait par exemple connaître un bond de consommation de plus de 200 % d’ici 2050, d’après la FAO. La Chine devrait également continuer à augmenter sa consommation mais elle pourrait jouer un rôle majeur dans l’atteinte d’un prochain « pic de viande ». Le pays consomme près du tiers de la viande mondiale, note le Financial Times, mais prend de plus en plus conscience de la nécessité de diminuer sa consommation, principalement pour des raisons de santé publique. L’État chinois a ainsi recommandé officiellement en 2016 de ne pas dépasser 27,3 kg de viande par an et par personne, contre plus de 45 kg aujourd’hui.

Passer le pic avant 2030

Un autre indicateur permet d’ajouter un peu d’optimisme, si l’on se concentre sur le « pic de bœuf » plutôt que le « pic de viande ». La production bovine est en effet de loin la plus néfaste pour l’environnement. Les chiffres sont là aussi sujet à débat mais on estime que produire un kilogramme de viande de bœuf pourrait nécessiter jusqu’à 13 500 litres d’eau et émettre 27 kg de CO2, contre 4 100 litres d’eau et 6,9 kg de CO2 pour produire un kilogramme de poulet, résument les Décodeurs du Monde.

Or, si la consommation continue de grimper avec l’augmentation de la population (48 millions de tonnes de bœufs étaient consommées en 1990 contre 70 millions en 2019, selon l’OCDE), la consommation par personne de bœuf serait en déclin dans le monde, depuis déjà les années 1970, souligne Bloomberg.

Reste à voir si cette tendance pourra se renforcer suffisamment pour faire baisser la consommation totale ou si les deux années 2019 ou 2020 ne seront qu’un soubresaut sans lendemain. En décembre 2019, plusieurs dizaines de scientifiques du monde entier signaient une lettre dans The Lancet Planetary Health Journal, appelant les dirigeants de la planète à « déclarer leur agenda pour un pic du bétail », au-delà duquel la production ne devrait plus augmenter. Pour respecter l’accord de Paris et limiter le réchauffement climatique, ce pic de bétail devrait être atteint avant 2030, estiment les chercheurs.

La production de viande émet aujourd’hui 14,5 % des gaz à effet de serred’origine humaine, alors même que cette manière de produire de la nourriture est très peu efficace et très gourmande en ressources : 77 % des surfaces agricoles sont utilisées pour le bétail, lequel ne produit que 17 % de nos caloriesalimentaires. Sans compter que le bétail est un émetteur majeur de méthane, très puissant gaz à effet de serre, et que l’expansion des cultures destinées à nourrir les animaux contribuent à la déforestation galopante.


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