Séparatisme et ensauvagement. Le vocabulaire officiel accompagnant le libéralisme autoritaire et la fascisation

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SOURCE : Blog de Bouamama

Les innovations langagières dans le vocabulaire politique dominant [qui pour paraphraser Marx à propos de l’idéologie est celui de la classe dominante[i]] sont rarement anodines. Elles expriment et reflètent les rapports de force et les enjeux des luttes sociales et se faisant y participent. Deux nouveautés lexicales sont apparues récemment avec la promotion de deux termes : séparatisme et ensauvagement. Ces termes ont en commun de signaler des pseudo-dangers contre lesquels il faudrait lutter sous peine de voir disparaître les fondements mêmes de la vie sociales, les « valeurs de la République », la sécurité des citoyens, etc. Ils expriment également l’affirmation d’une aggravation de la situation de danger rendant obsolète et/ou insuffisant le vocabulaire ancien. Une telle aggravation rendrait nécessaire une politique ferme de défense et de riposte. Dans une séquence historique caractérisée par une crise massive de légitimité [sous l’effet des luttes sociales des Gilets jaunes au mouvement contre la réforme des retraites, du discrédit lié à la gestion néolibérale de la pandémie du Corona, du mouvement massif contre les violences policières] ces nouveautés annoncent  et préparent un durcissement des politiques répressives. Elles précisent également des cibles pour détourner les colères sociales : les séparatistes et les ensauvagés.

Discours sur le séparatisme et libéralisme autoritaire

Pour ne pas être entièrement neuf, ce discours avait néanmoins disparu du débat politique depuis de nombreuses décennies. Il fut dans le passé proche utilisé à propos de citoyens français [car il fut bien sûr également usité pour désigner les militants indépendantistes des colonies françaises] à l’encontre des communistes par le général De Gaulle en 1947. Au moment où s’installe la guerre froide ceux-ci sont désignés comme traitres à la nation, cinquième colonne d’une puissance étrangère, refusant de s’intégrer à la communauté nationale, menaçant l’unité nationale, etc. :

Mais, si l’unité nationale put être maintenue malgré ceux qui avaient accepté la loi de Hitler, tout le monde sent qu’elle est aujourd’hui et de nouveau en péril. Je dis qu’elle est en péril par le fait d’un groupement d’hommes, dont ceux qui les mènent placent au-dessus de tout le service d’un État étranger. Je le dis avec d’autant plus de force que j’ai moi-même, comme c’était mon devoir, essayé, jusqu’aux limites du licite et du possible, de les attirer vers le service de la France. Oui ! À la Libération, j’avais, avec la Résistance tout entière, jugé qu’il fallait offrir à ces « séparatistes » l’occasion de s’intégrer dans la communauté nationale[ii].

Une telle logique conduit De Gaulle à distinguer entre « vrais français » et « faux français ». « En le disant, je m’adresse à tous les vrais Français » poursuit-t-il dans le même discours. Le terme avait cependant disparu de la circulation depuis, à l’exception d’une brève réapparition en 1968 dans la bouche du ministre de l’intérieur considérant le mouvement social manipulé par la Tricontinentale et dénonçant l’origine allemande de Daniel Cohn-Bendit qui était alors un des leaders du mouvement étudiant [et oui pour certains vieillissement rime avec reniement]. C’est Emmanuel Macron lui-même qui recycle ce vocable en octobre 2019. Quelques mois après, en février 2020, le président appelle à un plan de lutte contre le « séparatisme islamiste »  lors d’un déplacement à Mulhouse. A peine nommée le premier ministre Jean Castex annonce la présentation dès la rentrée d’un projet de loi « contre les séparatismes ». Bien entendu les interventions des différents ministres qui suivent cette annonce précise la cible réelle : le séparatisme islamiste. Comme pour la loi portant sur l’interdiction des signes religieux dans l’école publique de 2004 l’explicite [les signes religieux hier et les séparatismes aujourd’hui] sert de paravent à un implicite [le  foulard hier et le séparatisme « musulman » aujourd’hui]. Un choix évident d’ « élément de langage » est donc fait avec le terme « séparatisme ».

Lors de son allocution à Mulhouse Emmanuel Macron décrit la menace à laquelle le plan et la loi contre les séparatismes sont censés répondre. Le ton du discours est à la dramatisation. La méthode classique de la généralisation de faits divers minoritaires est au rendez-vous. Un problème social est inventé et posé comme une réalité significative avérée dont l’ampleur justifierait un plan et une loi spécifique :

Dans la République, on ne peut pas accepter qu’on refuse de serrer la main à une femme parce qu’elle est femme ; dans la République, on ne peut pas accepter que quelqu’un refuse d’être soigné ou éduqué par quelqu’un ; dans la République, on ne peut pas accepter la déscolarisation ; dans la République, on ne peut pas exiger des certificats de virginité pour se marier ; dans la République, on ne doit jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures aux lois de la République, c’est aussi simple que ça[iii].

Ces faits minoritaires existent bien sûr et ont toujours existés. Le choix de les construire comme problème social significatif et de les inscrire comme priorité de l’agenda politique contribue une nouvelle fois à présenter une partie de la communauté nationale comme problème et comme danger. Bien entendu l’appel à combattre les amalgames accompagne la rhétorique mais l’ensemble des exemples mis en avant par le président désigne les musulmans et l’islam. « Il y a depuis plusieurs décennies, explique Emmanuel Macron, au nom d’une religion non pas l’exercice simplement d’une religion, mais la volonté de ne plus respecter la loi chez certains, une manipulation du fait religieux qui, en utilisant ou bien la religion elle-même ou bien l’éducation, le sport, les activités associatives ou autres, consiste en quelque sorte à construire un projet de séparation de la République[iv] ». Dans le contexte français et les débats récurrents des dernières décennies [loi sur le foulard à l’école, débat sur le burkini, sur la radicalisation, etc.], il n’est même plus nécessaire de désigner explicitement la religion en question.

L’économie générale du discours du président comme les exemples qu’il cite soulignent que ce qui est aujourd’hui dénoncé comme « séparatisme » correspond à ce qui était désigné comme « communautarisme » jusqu’alors. En dépit de cette similitude, le changement de vocabulaire n’est pas anodin. Le passage du « communautarisme » au « séparatisme » participe d’une stratégie de dramatisation explique la journaliste Hassina Mechaï :

Le communautarisme désigne jusque-là des pratiques culturelles ou cultuelles individuelles, perçues en France comme une menace pour la cohésion nationale. Le séparatisme désigne la volonté d’un groupe d’individu unis par un certain caractère et en une zone géographique de se détacher politiquement d’une collectivité à laquelle ils appartiennent. Le séparatisme constituerait donc, selon l’esprit qui se dégage des mots du Premier ministre, un stade supérieur au communautarisme. Car, si ce dernier concerne surtout des individus, le séparatisme serait la cristallisation politique d’une volonté collective, d’une communauté  structurée et unie qui poserait et imposerait des revendications politiques contraires ou opposées au corps national. En concurrence directe avec l’Etat comme source de normes. Là est le danger de cette inflexion du discours politique[v].

Hassina Mechaï souligne à juste titre la dimension territoriale véhiculée par le terme « séparatisme ». En témoigne l’association permanente du « séparatisme » aux quartiers populaires dans les discours du président et de son premier ministre. Nous sommes dans la droite ligne des discours sur les « territoires perdus de la République » nécessitant une reconquête militaire. Dans un contexte où la pandémie du Covid a mis en évidence l’ampleur de la paupérisation qui touche ces territoires et les colères sociales qu’elle suscite, le discours sur le séparatisme prépare l’opinion à une répression brutale des révoltes sociales possibles dans ces quartiers populaires. Cohérent avec sa politique néolibérale, le Président de la République, défend avec la promotion du terme  séparatisme  « un « Etat fort » pour une « économie libre[vi] » » pour reprendre l’expression du philosophe Grégoire Chamayou. Dans le même temps où l’Etat détruit systématiquement les services publics et plus largement toutes les politiques de redistribution, il se renforce dans le domaine des politiques sécuritaires. Le moins d’Etat social exige un plus d’Etat autoritaire. La thématique du danger séparatiste accompagne idéologiquement cette bascule des fonctions étatiques.

Affirmer l’existence d’un danger séparatiste suppose de présenter la situation actuelle comme porteuse d’un danger de guerre civile, voire même de guerre de religion. « La France est un pays où aucune religion n’est supérieure à une autre. La première des choses que l’on peut faire, c’est d’éviter la guerre civile. Et la pire de toutes : celle née des religions  » explique ainsi le ministre de l’intérieur dans une interview en date du 18 juillet 2020. Précisant son propos, il insiste sur l’imminence d’un tel danger : «  Je pense qu’il y a des faits importants qui démontrent que nous sommes dans un moment de confrontation entre communautés extrêmement violent[vii]. » Face à un tel danger d’implosion sociale, toutes les mesures d’exceptions concernant les quartiers et les populations séparatistes apparaissent dès lors comme légitimes.

La préparation idéologique au « libéralisme autoritaire » pour reprendre une autre formule de Chamayou s’accompagne d’un nouvel épisode de fétichisation. La chose n’est pas nouvelle et le procédé est connu. Hier avec le concept de laïcité et aujourd’hui avec celui de République, une notion est postulée comme univoque et absolue. Toute discussion à son propos est avancée comme constituant une remise en cause des conquis démocratiques, des droits fondamentaux, des libertés constitutionnelles, etc. Le séparatisme menacerait ainsi une République qui n’est par ailleurs jamais définie. Un fétiche ne se définit pas, il se défend. Il ne s’argumente pas, il est brandit. Son interrogation critique ne peut-être que du domaine du blasphème et de la violation du sacré appelant d’urgence une réaction d’auto-défense. La mobilisation politique d’un concept fétiche accompagne classiquement les logiques de domination. Il suffit de comptabiliser l’explosion exponentielle de la fréquence d’utilisation du terme République pour se convaincre que nous sommes en présence d’un tel fétiche.

Le discours sur le danger séparatiste apparaît logiquement dans la même séquence historique que celle qui voit se déployer une véritable police du vocabulaire tentant d’interdire certaines expressions comme « racisme d’Etat » ou « violences policières ». Constatant cette simultanéité la journaliste Françoise Degois résume comme suit les conséquences politiques prévisibles d’une telle approche : « En clair, « ensauvagement » et « séparatisme », on a le droit, « violences policières », c’est interdit ! Inutile d’être grand clerc pour deviner le chemin qui se dessine : le sécuritaire à tout crin, à tout va, sans les nuances vitales au bon fonctionnement de la démocratie[viii]. » Le libéralisme autoritaire ou plus exactement son exacerbation par un processus de fascisation est bien à l’ordre du jour.

L’ensauvagement

Dans son discours de Mulhouse de février 2020 Emmanuel Macron articule la lutte contre le séparatisme au concept de « civilité ». Les seuls exemples qu’il avance pour illustrer les manquements à cette civilité concernent le domaine religieux c’est-à-dire en implicite l’Islam. « Il y a ensuite ce que j’appellerai “la civilité”. C’est la manière d’être citoyen les uns avec les autres et donc, c’est la manière, en tant que citoyen, de respecter pleinement les règles de la République. Et là-dessus, nous ne devons avoir aucune complaisance. Dans la République, la femme est l’égale de l’homme et toutes les lois sont respectées.  On ne peut accepter au nom d’une religion quelle qu’elle soit, qu’on vienne enfreindre ces lois[ix] » explique-t-il.

Les termes de civilité et d’incivilité se sont banalisés dans le vocabulaire politique contemporain. Cette banalisation n’est pas neutre et ne peut pas être découplée du contexte théorique et idéologique global. Celui-ci se caractérise par un retour en force du culturalisme, en particulier sous la forme de la théorie du « choc des civilisations ». Le propre de l’approche culturaliste est d’expliquer les faits sociaux, économiques et politiques par des facteurs culturels. Ce n’est donc pas un hasard, ni une surprise que le culturalisme contemporain redécouvre un champ lexical dominant d’une autre séquence historique, la colonisation. Dans celle-ci également le besoin de masquer et/ou de justifier les inégalités et les dominations a conduit à une surproduction idéologique culturaliste. Nous ne sommes pas en présence simplement d’un « passé qui ne passe pas » [c’est-à-dire d’un héritage de la colonisation] mais d’une production du présent répondant à des enjeux sociaux, économiques et politiques contemporains.

Il n’est ainsi pas anodin de constater que le terme de « civilité » se répand historiquement au moment de la formalisation des idéologies justificatrices de l’esclavage puis de la colonisation. Au sein de celles-ci l’incivilité est la caractéristique du non civilisé et la civilité celle du civilisé. C’est pour faire accéder à la  civilité que l’on esclavagise et que l’on colonise. La même logique est en œuvre à l’égard de la paysannerie et de la nouvelle classe ouvrière dans la séquence historique où émerge le capitalisme. Il s’agit alors d’éduquer les « rustres » en détruisant leurs cultures posées comme barbares ou superstitieuses pour les faire accéder à la civilité. L’image de Jules Ferry résume cette logique avec sa défense de la mission civilisatrice de la colonisation d’une part et ses cours d’ « instruction civique et morale » pour l’école  laïque [qui valorisent la soumission à l’autorité et à la hiérarchie sociale, le culte de la mission civilisatrice de la colonisation, la division sexuée des tâches, etc.] d’autre part. Que ce soit pour les indigènes des colonies ou pour les enfants de prolétaires l’objectif est de les faire sortir de la barbarie par la civilité. Un des arguments de la mission civilisatrice de la colonisation fut, rappelons-le, est ce que l’écrivain colonialiste britannique Rudyard Kipling a dénommé « le fardeau de l’homme blanc » c’est-à-dire  le devoir des « civilisés » d’abolir la barbarie esclavagiste en colonisant et en apportant la civilité.

Loin de se limiter à un projet de restaurer des règles de politesse et de respect mutuel, le retour du terme civilité dans le débat politique contemporain révèle le réinvestissement par les dominants d’une vision d’un ordre social inégalitaire à imposer par la force. La soumission ne se déroulant plus suffisamment par l’adhésion à l’ordre dominant, l’idée de la contraindre par la force est promue. L’historien Gilles Manceron rappelle pertinemment que les conquêtes coloniales se sont également justifiées par ce couple barbarie/civilisation : « Une guerre contre des « barbares » n’est pas une guerre. […] cette guerre n’en est pas une puisqu’elle n’est pas livrée à une nation européenne mais contre un peuple « non civilisé[x] » ».

Il n’est dès lors pas étonnant de voir le retour du terme incivilité prolongé  par celui d’ensauvagement alertant sur le retour des barbares et la nécessité de le contrecarrer par une politique sécuritaire à la hauteur du péril. La plupart des commentateurs médiatiques insiste sur le fait que le terme ensauvagement est d’un usage courant à l’extrême-droite. Cette vérité ne doit cependant pas faire oublier la parenté qu’il entretient avec le champ lexical des couples d’antonymes civilité/incivilité et civilisation/barbarie. L’utilisation du terme « sauvageon » par deux ministres de l’Intérieur [Chevènement en 1998 et Bernard Cazeneuve en 2016] témoigne que l’idée d’un processus d’ensauvagement en cours dans les quartiers populaires est loin d’être l’apanage de l’extrême-droite. Qu’est en effet le sauvageon, si ce n’est le résultat du processus d’ensauvagement. Hier avec le terme sauvageons et aujourd’hui avec celui d’ensauvagement [et donc d’ensauvagés] ce qui est désigné ce ne sont pas des actes mais des personnes et des groupes qui sont ainsi expulsés en dehors du « Nous » légitime et peuvent dès lors être l’objet de traitements d’exception [c’est-à-dire de l’application pour une partie des citoyens de règles et de pratiques prohibées pour les autres].

Le lien entre la caractérisation de « sauvage » ou d’ « ensauvagé » et le traitement d’exception a depuis longtemps été mis en évidence par Aimé Césaire à propos de la colonisation. L’expulsion de l’esclave et du colonisé en dehors du Nous a justifié rappelle-t-il les horreurs esclavagistes et coloniales. Il retourne même le stigmate de « sauvage » en parlant d’un ensauvagement du continent européen :

  La colonisation  travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral,  et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viêt-Nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.[xi]

La différence entre l’usage du stigmate et son retournement est de taille. Dans le premier ce sont des groupes humains qui sont projetés en dehors du Nous et dans le second c’est un système économique et politique que Césaire définit comme suit : «  la civilisation dite « européenne », la civilisation « occidentale », telle que l’on façonnée deux siècles de régimes bourgeois[xii]. » Qualifier des actes de barbares ou de sauvages est une chose, qualifier des territoires, des personnes ou des groupes sociaux des mêmes vocables en est une autre.

La parenté de logique avec la période coloniale est également attestée par le seul essai de théorisation contemporain centré sur les concepts d’ensauvagement et de « retour de la barbarie ». Il est le fait de la philosophe Thérèse Delpech qui publie en 2005 un livre  sur la politique internationale européenne au titre évocateur : L’ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIè siècle[xiii]L’auteure membre du cercle néoconservateur dit « de l’Oratoire » [au côté d’André Glucksmann, Pierre-André Taguieff, Pascal Bruckner, Olivier, Stéphane Courtois, Fadela Amara, Bernard Kouchner, etc.] y développe un appel à l’interventionnisme politique et militaire européen pour contrecarrer le retour de la barbarie. La politique étrangère des Etats-Unis y est prise comme modèle et comme reprise de celle pratiquée jadis par les Etats européens.

 Les termes  sauvageon, ensauvagement, racaille, barbare, etc., sont une préparation de l’opinion publique, à l’interne de l’hexagone comme sur le plan de la politique étrangère,  à l’utilisation de pratiques, de techniques, de traitements, de violences « légitimes », de contraintes, de contrôles, etc., pour certains définis par leur « sauvagerie » ou par les territoires où dominerait celle-ci,  et pas pour d’autres. Ils participent d’un processus de fascisation déjà en œuvre depuis plusieurs décennies mais qui s’accélère dans la séquence historique actuelle. Sans être devin, il faut donc s’attendre à une nouvelle aggravation des politiques sécuritaires. Le déni officiel persistant des violences policières systémiques [en dépit d’une mobilisation inédite depuis plusieurs décennies] s’inscrit dans ce contexte. De la dénonciation d’un pseudo danger communautariste masquant le réel communautarisme de classe, à l’appel à la lutte contre le séparatisme, ce qui se dévoile n’est rien d’autre que l’ensauvagement d’une société capitaliste comme réponse aux colères sociales et aux exigences d’égalité.  


[i] Analysant la question de l’idéologie dominante, Marx et Engels  écrivent : «   Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises [unterworfen] du même coup à cette classe dominante », in L’Idéologie allemande,  Editions sociales, Paris, 1976, p. 44.

[ii] Charles De Gaules, Discours de Rennes du 27 juillet 1947, Discours et messages. Dans l’attente février 1946 – avril 1958, Edito-service, Genève, 1970, p. 100.

[iii] Conférence de presse d’Emmanuel Macron à Mulhouse du 18 février 2020, consultable sur le site elysee.fr.

[iv] Ibid.

[v] Hassina Mechaï, En France, il n’y a pas de séparatisme musulman, ce sont les élites qui ont fait sécession, consultable sur le site ehko.info.

[vi] Grégoire Chamayou, La société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, La Fabrique, Paris, 2018, quatrième de couverture.

[vii] Vincent Depecker, Julien Lecuyer Et Sébastien Leroy, Interview de Gérald Darmanin, La Voix du Nord du 18 juillet 2020.

[viii] Françoise Degois, Ensauvagement, séparatisme : les nouveaux habits du Macronisme, pour 2022, consultable sur le site noslendemains.fr.

[ix]  Conférence de presse d’Emmanuel Macron à Mulhouse du 18 février 2020, op. cit.

[x] Gilles Manceron, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, La Découverte, Paris, 2003p. 98.

[xi] Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence Africaine, Paris, 2004 [1955], p. 12.

[xii] Ibid., p. 7.

[xiii] Thérèse Delpech,  L’ensauvagement Le retour de la barbarie au XXIe siècle,  Grasset, Paris, 2005.


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