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SOURCE : blog de Bernard Fischer
Déclaration du comité exécutif du Parti Ouvrier Socialiste Internationaliste (POSI), section de la quatrième internationale dans l’état espagnol
C’est l’heure de la république
Toute la presse a annoncé, Lundi 3 Août 2020, reproduisant un communiqué de la Zarzuela, que le roi émérite Juan Carlos fuyait l’Espagne, peut-être vers la République Dominicaine, bien que selon son avocat il soit toujours à la disposition de la justice.
Toute la presse, à quelques exceptions près, salue l’action courageuse du père et du fils et la complicité du gouvernement Pedro Sánchez.
Hormis les anecdotes et les détails qui remplissent les médias, ce qui est en cours est une énorme opération de sauvetage du régime monarchique, mis en place par Francisco Franco. Les médias internationaux, faisant écho aux intérêts du capital financier, des gouvernements européens, des institutions internationales et évidemment des héritiers de la dictature, soutiennent et promeuvent cette opération.
Chacun sait que la monarchie, clé de voûte de l’état espagnol, est menacée à un moment critique de la crise de l’impérialisme et de tous les états impérialistes, accélérée par la pandémie.
L’effondrement économique de l’Espagne, dans un cadre de décomposition du marché mondial, est le produit non seulement de l’aggravation de la crise du système capitaliste, mais aussi du développement extrême du parasitisme de l’économie, qui a été au centre des quarante ans du juancarlisme. L’entrée dans la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1986 et l’introduction de l’euro en 1999 ont imposé le démantèlement de l’industrie, son poids est passé de trente deux pour cent du Produit Intérieur Brut (PIB) en 1980 à douze pour cent du PIB en 2020. L’Espagne est devenue le pays du tourisme, des agro-exportations facilitées par la misère des salaires et la surexploitation de la main-d’œuvre immigrée et de l’exportation de voitures produites en Espagne par des multinationales. À cela s’ajoute l’affaiblissement extrême des services publics essentiels comme la santé, dû aux politiques des gouvernements de toutes les couleurs, centrales et régionales, aux diktats de l’Union Européenne, c’est-à-dire du Fonds Monétaire International (FMI), et dont la population paie les conséquences au prix de dizaines de milliers de morts et du traitement indigne des retraités.
La crise économique, qui a suivi la catastrophe sanitaire, produit des coupes budgétaires, a accéléré une crise politique qui frappe carrément le régime monarchique.
La fuite de Juan Carlos, après son abdication au mois de juin 2014, questionne toute la réforme du régime de Francisco Franco et elle annonce la chute des Bourbons, de leur rôle de capitaines généraux qui ont tenté d’effrayer les peuples, comme Felipe VI l’a fait dans son discours du 3 octobre 2017 contre le peuple catalan, des chefs bourbons et des juges qui poursuivent les libertés de la jeunesse et même des élus du peuple. Ainsi, les agents et commissionnaires privilégiés des États-Unis et des multinationales en Espagne tomberaient.
Avec eux, les pactes de la Moncloa et les politiques des dirigeants des partis et des organisations sont également remis en cause, y compris ceux revendiqués par les travailleurs, qui ont conduit la transition liée aux partisans de Francisco Franco. Les successeurs actuels de ces dirigeants continuent de soutenir la monarchie. Le soutien à la monarchie est revendiqué par l’éditorial du quotidien ABC, porte-parole officieux de la maison royale, du Mercredi 5 Août 2020, qui conclut en disant que « le président de l’exécutif, c’est-à-dire Pedro Sánchez, a exprimé Mardi 4 Août 2020 son soutien au système des libertés et des droits de 1978 et à la monarchie parlementaire et nous le félicitons ».
Les déclarations retentissantes du Parti Populaire, de Vox ou de Ciudadanos, montrant leur caractère franquiste, ne peuvent cacher que le premier responsable de la fuite est le gouvernement qui, soutenu par les tribunaux et l’appareil judiciaire, pilote la manœuvre pour sauver le régime.
Il a préparé directement la fuite, par de prétendus débats ou commissions parlementaires pour faire des histoires et tenter de tromper le peuple. La vice-présidente Carmen Calvo, qui apparaît comme la porte-parole de l’opération, a insisté Mercredi 5 Août 2020 sur le fait que Juan Carlos n’est pas en fuite, ratifiant les déclarations du Tribunal Suprême selon lesquelles il n’est pas inculpé, évidemment s’ils ne le mettent pas en accusation.
Cela soulève la contradiction entre le mandat que les députés et autres élus reçoivent du peuple et l’impossibilité d’exercer ce mandat dans le cadre de ces institutions, piliers du régime monarchique. Bref, cela soulève l’incompatibilité entre la démocratie et l’héritage franquiste.
Le caractère fallacieux du congrès des députés est apparu clairement, lié aux institutions héritées de la dictature. Pour les travailleurs et les peuples d’Espagne, il est plus que jamais nécessaire d’ouvrir la voie à la république, de convoquer des cortes constituants qui donnent le pouvoir aux peuples, qui établissent la démocratie, qui satisfont les revendications de la majorité et qui organisent la république sur la base du droit d’autodétermination des peuples.
Pour les ouvriers, pour les peuples, pour les jeunes, pour les chômeurs, pour les retraités et pour tous les secteurs opprimés de la ville et de la campagne, il n’y a pas de différence entre le fils et le père. Ce n’est pas une chronique d’événements plus ou moins frivoles, c’est qu’ils ne peuvent plus cacher le caractère corrompu de la monarchie et du capital financier. Qui peut cacher que les grandes entreprises sont les bénéficiaires de la crise, aux dépens des travailleurs, que la Confederacion Espanola de Organizaciones Empresariales (CEOE) dicte des exonérations fiscales au gouvernement, que les réformes du travail ne sont pas annulées et que les gouvernements européens du conseil européen imposent des conditions anti-ouvrières pour pouvoir bénéficier de l’aide ?
La fuite de Juan Carlos révèle encore plus la nature corrompue de ce régime, ennemi des droits sociaux et démocratiques. Il révèle en outre le cadre institutionnel sur lequel repose le pouvoir du capital financier, des grandes banques et des multinationales. Pour se protéger du désastre économique et de la décomposition sociale, les travailleurs et les peuples sont confrontés à la nécessité de mettre fin à ce régime.
La république ne change pas un roi pour un président, c’est le pouvoir pour le peuple, pour les ouvriers et pour les peuples.
La république, c’est la fin des institutions de Francisco Franco, comme l’appareil judiciaire.
La république, ce sont les droits sociaux, syndicaux et démocratiques, l’abrogation des contre-réformes et l’interdiction des licenciements.
La république, c’est la paix et le rétablissement de la santé et de l’éducation publique.
La république, c’est l’abrogation de la loi bâillon, la libération des prisonniers politiques et la fin de toutes les lois répressives.
La république, c’est la reconnaissance du droit à l’autodétermination des peuples et l’union libre des peuples souverains.
Des premières manifestations sont annoncées dans plusieurs villes de l’état contre la monarchie et pour la république, avec la participation des organisations comme la Jeunesse Socialiste et les CCOO de Navarre, et le parlement de Catalogne est convoqué Vendredi 7 Août 2020 pour discuter de la question, rappelons qu’en 2018 il prenait déjà position pour la république.
Dans ce mouvement déjà en cours, qui aspire à mettre fin au régime, les aspirations des peuples se conjuguent, le peuple de Catalogne et les revendications des travailleurs, de la jeunesse et de la population, dans une situation globale qui cherche l’alliance pour affronter le régime ensemble.
Tous ces événements montrent la voie pour mettre fin à la monarchie, pour avancer vers la république, qui ne sera pas le produit d’une manœuvre ou d’un pacte de palais, mais qui sera l’expression démocratique de la majorité sociale.
Toutes les organisations qui prétendent parler au nom des travailleurs et des peuples sont confrontées au dilemme de rester liées à ce régime, même avec des mesures qui cherchent à démocratiser les non démocratisables, ou bien de se mettre au service du mouvement de masse pour proclamer la république maintenant.
Les militants de la section de la quatrième Internationale dans l’état espagnol soutiennent et participent à toutes les mobilisations qui vont dans ce sens.