La fracturation hydraulique repose aussi sur la discrimination raciale

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SOURCE : Slate

Depuis le début de l’été, les populations noire et hispanique d’Arlington luttent contre un projet de fracturation hydraulique porté par Total, qui s’implanterait à proximité de zones d’habitations.

Un site de fracturation hydraulique à proximité d'un quartier résidentiel de Cleburne, au Texas, près de Fort Worth et Arlington, où Total souhaite étendre aujourd'hui ses exploitations. | Robert Nickelsberg / Getty Images North America /AFP

Au Texas, la ville d’Arlington, comme de nombreuses villes aux États-Unis depuis le début des manifestations ayant suivi le meurtre de George Floyd, a décidé d’adopter des résolutions allant dans le sens d’une équité raciale. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, qui affecte de façon démesurée les communautés noire et hispanique sur le territoire, elle s’est notamment engagée à répondre aux «besoins médicaux et sociaux» des personnes marginalisées.

Les cas pratiques se sont vite présentés; notamment lors d’un récent vote municipal concernant l’ouverture de trois nouveaux puits de forage sur un site de fracturation hydraulique proche des quartiers noirs et latinos de la ville.

«Toutes les personnes à qui nous avons parlé étaient opposées [à la fracturation hydraulique], et leur principale préoccupation était la pollution de l’air, l’exposition aux émissions de gaz, et les conséquences sur la santé de leurs enfants», rapporte Ranjana Bhandari, engagée dans l’association Livable Arlington [Pour une Arlington vivable].

Des exploitations toxiques près des garderies

La réaction des populations locales a poussé les membres du conseil municipal à rejeter la demande d’extension du site de forage formulée par Total, qui est implantée depuis 2010 dans les schistes de Barnett, l’une des plus grandes réserves de gaz de schiste du pays. L’an dernier, Total avait déjà obtenu un permis d’État pour forer un nouveau puits aux abords d’East Arlington, un quartier ouvrier à prédominance noire et hispanique, où l’on enregistre par ailleurs les plus hauts taux de contamination au Covid-19.

Wanda Vincent, la directrice du Centre chrétien d’apprentissage Mother’s Heart, qui fait également office de garderie et n’est séparé du site de Total que par une simple barrière, remarque: «Certains de nos enfants souffrent d’asthme, et nous constatons parfois qu’il y a des problèmes respiratoires jusque dans notre classe de bébés.»

Le lien qu’elle suggère entre la fracturation hydraulique (aussi appelée fracking) et les problèmes respiratoires a été documenté par de nombreuses études scientifiques, qui soulignent également les risques de malformations congénitales, de développement de cancers dus à la pollution de l’air, mais aussi de contamination des eaux souterraines et de tremblements de terre –la fracturation hydraulique nécessitant un profond forage, qui utilise notamment une pression d’eau très élevée pour fissurer les roches souterraines afin de drainer du gaz ou du pétrole.

Comme l’a révélé une enquête d’Associated Press, la pandémie de coronavirus a d’ailleurs permis à de nombreuses compagnies pétrolières et gazières de contourner la surveillance des risques environnementaux provoqués par leurs activités.

Un pari sur l’impuissance politique des minorités

Le plus souvent, les puits de forages se retrouvent implantés près des quartiers où la population est majoritairement noire. Robert Bullard, professeur d’urbanisme et de politique environnementale à la Texas Southern University, explique ces choix stratégiques comme étant la «voie de la moindre résistance», les sociétés d’extraction préférant cibler des quartiers qui n’auront pas un poids politique suffisamment lourd pour s’opposer à leur arrivée.

Une étude de la NAACP, qui lutte en faveur des populations noires pour l’égalité des droits politiques, avait établi en 2017 qu’aux États-Unis, les personnes noires avaient 75% plus de chances de vivre dans des «communautés clôturées» –soit des zones proches d’installations industrielles ou de services dont le bruit, l’odeur ou les émissions chimiques les affectent directement– que l’Américain·e moyen·ne.

La plupart des habitant·es d’East Arlington n’avait pas été prévenue de ce projet d’extension du site de forage de Total, alors même que la notification des résident·es fait partie des prérequis obligatoires dans le processus d’approbation de la ville. Pour autant, refus opposé à Total par le conseil d’Arlington au début de l’été pourrait mener sur une bataille juridique, la loi fédérale empêchant les gouvernements locaux d’interdire la fracturation hydraulique aux entreprises.

Entre temps, Total a déjà reçu l’autorisation, émanant d’une agence administrative, de forer sept puits supplémentaires sur un site déjà exploité, à proximité d’une autre école maternelle. Dans la mesure où l’entreprise ne demandait pas un agrandissement de sa zone d’exploitation, elle a pu esquiver le conseil municipal, tout comme les audiences publiques.


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