Que devient Yann Gaudin qui dénonçait les “fraudes généralisées aux prestations sociales pratiquées par Pôle emploi” ?

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SOURCE : La Tribune

Tout commence lorsqu’il découvre une première “anomalie”: tous les intermittents du spectacle étaient privés d’une allocation de fin de droits de 324 euros. Plusieurs mois plus tard, il est licencié, son employeur lui reprochant d’avoir outrepassé ses compétences et son périmètre en conseillant 4.000 à 5.000 demandeurs d’emploi dans l’Hexagone, la plupart intermittents du spectacle. Lui estime avoir permis à des allocataires de récupérer quelque 200.000 euros. Aujourd’hui, l’ex-conseiller de Pôle Emploi, qui se considère comme un lanceur d’alerte, prépare à son procès aux prudhommes.
En ouvrant fin 2019 un blog sur Mediapart, dans lequel il dénonce des fraudes généralisées aux prestations sociales pratiquées par Pôle emploi, accusations récusées par l'établissement public, Yann Gaudin a conscience de déclencher une tempête.
Il se présente comme un lanceur d’alerte qui n’a fait que son travail, Pôle emploi l’a licencié en juillet pour faute grave et insubordination. Yann Gaudin, Rennais de 43 ans, a fait de l’aide aux chômeurs son étendard et reconnaît des envies de politique.

L’ex-conseiller de Pôle emploi reçoit dans son T2 d’un quartier universitaire de Rennes. Fines lunettes, moustache taillée, il s’apprête à contester son licenciement devant les prud’hommes.

Licencié huit mois après l’ouverture de son blog

En ouvrant fin 2019 un blog sur Mediapart, dans lequel il dénonce des “fraudes généralisées aux prestations sociales pratiquées par Pôle emploi”, accusations récusées par l’établissement public, Yann Gaudin a conscience de “déclencher une tempête”.

Huit mois plus tard, il est licencié en raison “de sa persistance à contrevenir délibérément aux consignes et procédures internes”, donc “à perturber gravement la bonne délivrance du service public de l’emploi”, selon Pôle emploi.

L’opérateur lui reproche d’avoir outrepassé ses compétences et son périmètre géographique en conseillant, sur leur indemnisation, 4.000 à 5.000 demandeurs d’emploi dans l’Hexagone, la plupart intermittents du spectacle, “ce pour quoi il n’est pas formé”. Yann Gaudin estime n’avoir fait “que son travail”.

Avant d’être conseiller à l’emploi, cet enfant de la campagne vendéenne a d’abord été commercial. “Je vendais des abonnements à Ouest France, des cigarettes, et même des chiffons”, raconte-t-il à l’AFP.

La prise de conscience des inégalités sociales et de l’injustice

“J’étais habillé en costard-cravate, et quand j’accompagnais des chefs d’entreprise pour des visites d’ateliers, je voyais des gens qui avaient deux fois mon âge, mais qui devaient gagner deux fois moins que moi alors qu’ils travaillaient dans le bruit et la poussière”, explique-t-il.

C’est là qu’il décide de tout arrêter pour passer, en 2006, le concours de l’ANPE, devenue depuis Pôle emploi.

“En 2014, je découvre une première anomalie. Tous les intermittents du spectacle étaient privés d’une allocation de fin de droits de 324 euros. J’ai donc décidé d’envoyer l’information aux 8.000 intermittents bretons”, raconte cet ex-adhérent du Modem, un temps “gilet jaune”, avant de se présenter sur la liste EELV aux municipales à Rennes.

Des “anomalies que la direction ne semblait pas vouloir corriger”

Il explique être allé ensuite “de surprise en surprise”. “Bizarrement, la direction ne souhaitait pas corriger cette anomalie et j’ai commencé à subir brimades, entretiens inopinés, courriels, puis un avertissement en 2015”, affirme-t-il.

C’est alors qu’il se met à tout éplucher: textes réglementaires, codes du Travail et de la Sécurité sociale…

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“J’ai découvert d’autres anomalies. Soit on me disait de ne pas m’en occuper, soit on me reprochait d’informer les usagers”.

Quand la loi Sapin II sur les lanceurs d’alerte entre en vigueur, il alerte un service de Pôle emploi spécialisé, “en vain”.

Pôle emploi Bretagne assure “ne pas remettre en question son statut de lanceur d’alerte”, mais lui reproche de “passer son temps à vérifier le travail de ses collègues”. Ce que dément formellement l’intéressé.

Tout en jugeant le licenciement disproportionné, les syndicats sont partagés sur son cas.

“Don Quichotte des intermittents”? (SNU-FSU)

“L’erreur de la direction est de lui avoir dit qu’il restait +un expert+ sur les intermittents tout en supprimant l’équipe dédiée”, estime un Yannick Jeusset, délégué syndical SNU-FSU.

Selon lui, “Yann s’est érigé en Don Quichotte des intermittents et s’est petit à petit enfermé dans un fonctionnement qui l’a isolé” et “certains collègues se sont sentis salis par ses propos qui les faisaient passer pour des incompétents dans les médias et auprès des demandeurs-euses d’emploi”.

“Il met le doigt là où ça ne va pas” (FO)

“Il met le doigt là où ça ne va pas”, estime de son côté Fabien Milon, délégué FO, pour qui “la consigne dans le traitement des dossiers d’allocataires, c’est d’aller vite. La qualité souffre de la quantité.” Un conseiller resté anonyme parle lui d’“acte politique fort et courageux”.

Au total, Yann Gaudin estime avoir permis à des allocataires de récupérer quelque 200.000 euros.

L’avenir ? Monter une association, entrer en politique…

Depuis sa médiatisation, il a quadrillé le pays, invité notamment à l’université d’été de La France insoumise.

Après avoir envisagé de se présenter aux régionales, il songe désormais à une candidature “citoyenne écolo” aux législatives de 2022. D’ici là, le quadragénaire souhaite créer une association d’aide aux usagers de Pôle emploi et participera au Salon des lanceurs d’alerte, en novembre.


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