Pandémie Covid-19 : où en sommes-nous ? (au 15 septembre)

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Les crises

La situation de l’épidémie empire, comme nous l’avions anticipé.

Nous avons donc encore travaillé pour vous proposer de nouveaux graphiques pour mieux comprendre la situation – n’hésitez pas à nous faire part de vos réactions en commentaires.

Enfin, nous rappelons qu’un bon moyen de nous soutenir simplement consiste à nous suivre sur Facebook et Twitter (ici et ) – merci d’avance !

N.B. : comme on m’a posé la question, je rappelle que ma formation est actuaire-statisticien spécialisé en mortalité : j’ai donc l’habitude de faire ce genre d’analyses.

I. Incidence en France

1-1 La situation au niveau national

Voici l’évolution du nombre de nouveaux cas dépistés en France depuis début mai (on ne parle ici que des nouveaux cas détectés par PCR, donc des personnes avec le virus actif dans leur gorge, cela ne compte évidemment pas les tests sanguins d’immunité) :


N.B. nous ne traçons pas les données avant le 11 mai, car cela serait trompeur : à l’époque on ne testait que les cas graves, le total en avril est donc très sous-estimé, d’au moins 10 fois.

Si on regarde la croissance moyenne du nombre de cas hebdomadaires, on a ceci :

On a donc affaire à une croissance très soutenue, elle même en croissance, qui est passée de +30 % à + 60 % : l’épidémie est donc bien repartie en exponentielle.

On observe toutefois un net ralentissement dans les cas positifs cette semaine : on est repassé de + 60 à + 20 % ; on l’observe bien sur ce graphique représentant la croissance du nombre de cas :

Lecture : quand la courbe bleue est sur fond rouge, l’épidémie est en croissance ; quand elle est sur fond vert, elle est en décroissance. Quand la courbe monte, l’épidémie accélère, quand elle descend, elle décélère. Le nombre de cas a été maximal début avril et minimal mi-juin.

Notez tout d’abord l’efficacité de l’obligation du port du masque dans les lieux clos recevant du public – il est dommage de ne pas avoir fait ceci plus tôt…

Beaucoup de commentateurs se sont réjouis du ralentissement de la croissance des nouveaux cas positifs, mais je suis pour ma part plus dubitatif.

En effet, il est vrai qu’on teste plus qu’avant, mais c’est en réalité simplement parce que l’épidémie progresse, comme on le voit ici :

La semaine dernière :

  • plus de 900 000 personnes ont été testées, soit 1,3 % de la population française ;
  • 5,2 % des tests se sont révélés positifs (contre 4,4 et 3,7 % les deux semaines précédentes) ;
  • 76 % des personnes testées étaient asymptomatiques (ou pré-symptomatiques) ;
  • 53 % des cas positifs étaient symptomatiques.

Le taux de tests positifs a donc plus que doublé en un mois. Si le nombre de tests (et donc les cas positifs) augmentait uniquement parce que le dépistage était plus efficace, ce taux devrait baisser, puisqu’on commence par traiter les cas symptomatiques, puis leurs proches, puis leurs contacts, etc.

On constate finalement que :

  • la proportion de tests positifs augmente sans cesse depuis deux mois ;
  • et que la proportion de cas positifs symptomatiques augmente sans cesse depuis deux mois.

On observe également que la croissance du nombre de tests réalisés chute depuis trois semaines :

Alors bien sûr, l’hypothèse la plus évidente serait que l’épidémie ralentisse depuis le 20 août : c’est une possibilité.

Cependant, comme on ne voit pas de raison objective à ceci, et, au vu des points précédemment évoqués, une autre possibilité, sans doute un peu plus probable, est que nous saturons nos capacités de détection, de pistage et/ou de testage, en raison de la croissance de l’épidémie.

Rappelons que nous testons plus d’1% de la population chaque semaine, et que la Sécurité sociale a identifié près de 130 000 personnes ayant été en contact avec les 47 000 personnes détectées positives la semaine passée : nous pourrons probablement difficilement faire beaucoup mieux dans les semaines à venir :

Identification des personnes-contacts par la Sécurité sociale

De plus, rien dans les statistiques de SOS Médecins ne montre un ralentissement de l’épidémie, bien au contraire :

Pour trancher entre ces deux possibilités, il faudrait avoir une idée du ratio « nombre de tests positifs / nombre de personnes réellement infectées », mais comme le second terme est impossible à déterminer actuellement, il va falloir observer dans les semaines à venir le devenir du nombre d’hospitalisations.

Les médecins généralistes constatent bien une croissance, après une baisse des observations due aux vacances :

Pour bien percevoir le danger, voici une simulation pour le mois prochain, en fonction du taux de croissance hebdomadaire moyen qui sera observé d’ici là :

En rouge, le taux constaté actuellement

Bien entendu, nous sommes à un niveau très inférieur aux maxima de mars/avril (5 000 à 8 000 cas graves par jour).

Nous sommes cependant à un niveau de 4 000 nouveaux cas par jour, qui devient franchement préoccupant pour la suite de l’épidémie.

Toutefois, il faut bien garder à l’esprit que nous sommes très loin des rythmes de mars, ce qui est encourageant.

Il y a même des bonnes nouvelles malgré ce contexte inquiétant…

1-2 L’épidémie « réelle »

Comme on l’a dit, il ne faut pas commettre l’erreur de représenter ainsi le nombre de cas (testés positifs) depuis février :

Comme on ne testait que les cas très graves au printemps, cela signifie qu’il y avait beaucoup plus de cas réels, non détectés.

Nous vous proposons donc une estimation de l’épidémie RÉELLE, en nous basant principalement sur les travaux de l’Institut Pasteur, afin d’obtenir le nombre de nouvelles contaminations chaque jour :

Comme on le voit, les cas testés positifs (le petit trait en vert) sont presque invisibles, tant l’activité de test était marginale.

La veille du confinement, on devait approcher les 250 000 contaminations par jour ; nous sommes probablement autour de 10 000 à 15 000 actuellement, soit 20 fois moins.

Le taux de croissance hebdomadaire des nouvelles contaminations début mars était d’environ + 300 % par semaine (un quadruplement), nous sommes donc environ à + 60 %, soit 5 fois moins.

Pourquoi ? Non pas parce que le virus aurait changé, c’est une fausse information, c’est le même (voir ici ou ). En revanche, par rapport à début mars :

  • nous avons généralisé le port du masque ;
  • beaucoup de salariés sont en vacances et/ou en télétravail ;
  • nous appliquons bien plus les gestes barrières (distanciation, lavages de mains…) ;
  • les transports en commun sont moins bondés ;
  • les gros regroupements sont interdits ;
  • les moyens regroupements sont moins remplis ;
  • les seniors et les personnes à risque font très attention ;
  • etc.

Alors on constate que, d’une part, ce virus est très virulent, car il se répand quand même, mais, d’autre part, il est très gêné et il le fait 5 fois moins vite.

1-2 Incidence départementale

Indiquons également que beaucoup de cas sont dans des foyers d’infection (clusters) encore sous contrôle (source : Santé Publique France., comme les autres informations sur les tests) :

Les foyers actuels sont principalement situés dans des entreprises, des hôpitaux et le milieu familial élargi.

Voici le niveau départemental actuel de risque :

23 départements sont à risque élevé (contre 15 la semaine passée) et 37 à risque modéré (contre 35).

Pour situer le problème, la situation il y a à peine 4 semaines était de 3 départements à risque élevé et 21 à risque modéré :

Voici l’évolution en graphique pour les départements les plus touchés :

Le département des Bouches-du-Rhône est donc le plus touché de la métropole, à cause de la situation à Marseille.

Voici le détail pour l’Île-de-France :

Il est difficile d’interpréter ces chutes :

1/ vraies chutes dues à la fin de l’été ?

2/ ou fausse chute due à la saturation des capacités de tests ?

Et voici où l’épidémie progresse dans le pays :

Enfin, point très important, voici le taux de positivité selon l’âge des contaminés :

On constate que les 10-39 ans sont particulièrement touchés, mais que l’incidence est en croissance sur toutes les classes d’âge. Voici l’évolution pour celles les plus à risques :

L’augmentation chez les 50-69 ans est très inquiétante pour la suite.

Voici ce que cela donne en nombre :

En plus de cette représentation classique, nous vous proposons le même graphique, mais présenté ainsi, afin de bien voir l’évolution pour les plus de 60 ans, population à risque :

Et ici, voici un zoom sur les 50-70 ans et les plus de 70 ans :

On voit bien que l’épidémie frappe surtout les moins de 40 ans pour le moment, d’où le fait qu’il y ait peu de cas très graves.

II. Hospitalisations en France

La tendance sur les hospitalisations repart à la hausse – nous sommes à plus de 2 000 hospitalisations par semaine (soit quand même 100 000 par an à ce rythme) ; elles ont doublé en un peu plus d’un mois :

Il en est de même pour les réanimations :

Cela donne ceci sur le nombre total de personnes hospitalisées :

Et voici pour celles en réanimation :

La situation est donc moins satisfaisante au niveau des cas graves, et hélas, elle est en train de s’inverser, comme on pouvait s’y attendre avec la reprise de l’épidémie.

Il faut donc poursuivre les gestes barrières et le port de masques pour éviter une reprise des hospitalisations et des cas graves.

III. Décès en France

Voici enfin la situation au niveau des décès en France :

La remontée est extrêmement lente, ce qui est une bonne nouvelle. Mais rien ne dit qu’elle durera encore longtemps.

Si nous rapprochons le nombre de décès de notre estimation des cas réels, on voit bien qu’il y a un décalage d’un mois entre les pics, et qu’il y avait très peu de décès début mars quand l’épidémie avait le niveau actuel :

Cependant, nous ne devrions pas revivre le même drame qu’au printemps, puisque nous agissons différemment.

Et comme nous agissons différemment, la situation est meilleure pour cette raison, et non pas pour des raisons « externes » voire « magiques »…

IV. Conclusion pour la France

En résumé : il n’y a pas raison de paniquer, mais la situation devient critique

Face à une épidémie en croissance exponentielle, il faut agir vite au moment où elle débute. Et aujourd’hui, l’épidémie reprend assez fortement, en particulier chez les jeunes.

Nous sommes actuellement dans l’incertitude :

  • l’épidémie va-t-elle accélérer, avec la reprise du travail, de l’école, des transports en commun, la fin de la chaleur qui freine le virus et l’arrivée du froid, qui nous fait plus rester à l’intérieur ?
  • l’épidémie va-t-elle ralentir, avec la fin des vacances, des soirées festives et du relâchement, le développement du port du masque et la prise de conscience des citoyens en général et de ceux à risque en particulier ?

Nous le saurons assez rapidement, mais on peut craindre la poursuite de l’épidémie à brève échéance.

Mais rien n’est inéluctable, tout dépend de la mobilisation de la population.

Si le nombre de décès reste insignifiant, c’est évidemment lié à la forte proportion de moins de 50-60 ans dans les nouveaux contaminés, et rien ne dit que cela va durer. On peut cependant espérer qu’on arrive, à l’avenir, à bien mieux protéger les plus de 65 ans, pour éviter qu’ils se contaminent.

Dans tous les cas, il faut donc prendre des mesures fortes pour la cantonner à un niveau le plus bas possible – bien porter un masque dans les lieux fermés (obligation aussi mise en place chez plusieurs de nos voisins – et en Asie depuis le début) apparaît ainsi comme une mesure très utile. Et les malades ne doivent pas avoir honte, et se faire dépister.

N’oublions pas, enfin, que la Covid, ce n’est pas seulement des décès, c’est aussi beaucoup de souffrances, et des séquelles plus ou moins longues. On ne juge pas une épidémie seulement à sa mortalité, mais aussi à sa morbidité (= c’est-à-dire aux atteintes corporelles).

Nous avons donc actuellement chaque jour, malgré tous nos efforts, 4 500 nouveaux cas, 180 nouveaux hospitalisés dont 30 en réanimation, et probablement 1 500 paires de poumons avec des atteintes sérieuses (et on n’en connait pas les conséquences à long terme).

Il faut donc poursuivre les gestes barrières et le port de masques pour éviter une reprise des hospitalisations et des cas graves. Il est clair que nous avions besoin de vacances, mais un laxisme persistant risque fort de se payer très cher à l’automne.

Mais n’oublions pas que des bonnes surprises sont aussi possibles, alors gardons le moral.

P.S. nous essaierons dans les prochains jours de modéliser les prochaines semaines de l’épidémie…

V. Incidence en Europe

Voici la situation chez nos voisins européens :

L’épidémie semble donc maîtrisée chez nos grands voisins ; seule la France et surtout l’Espagne connaissent une reprise forte, et qui semble probablement due à l’effet vacances...

Épidémie de Covid en Espagne. Voilà d’ailleurs pourquoi nous ne traçons pas la courbe depuis mars, car elle laisserait penser faussement qu’on serait à la moitié du niveau du printemps, ce qui est totalement faux.

Voici d’ailleurs une carte plus précise de la situation en Europe. :

Il y a deux semaines :

La semaine passée :

Et cette semaine :

Pratiquement aucune région n’est épargnée par la Covid, mais les zones actives sont toujours assez limitées. Évitez donc l’Espagne, la Côte d’Azur et la Roumanie…

Comme il y a un retard de 2 à 3 semaines entre nouveaux cas et décès, la situation pour les décès est toujours satisfaisante, sauf en Espagne :

On constate cependant que l’épidémie de décès n’a pas pu être complètement éradiquée en France et en Italie malgré l’embellie de juin.

VI. Incidence dans les pays les plus touchés

Voici enfin la situation dans les pays actuellement les plus touchés :

La situation en Inde, aux États-Unis et au Brésil reste dramatique – à noter une tendance désormais plus favorable pour les deux derniers pays.

Voici un zoom sur l’Amérique latine :

Voici pour les décès :

On voit que le nombre de décès atteint des niveaux dramatiques et stagnants dans les pays les plus touchés, avec 1 000 morts par jour. États-Unis et Brésil ont désormais dépassé le même taux de décès par habitant que la France, alors que l’épidémie est très loin d’être terminée chez eux.

Voici pour l’Amérique latine :

Par chance, beaucoup de pays ont pris des mesures de protection des plus âgés (ou bien ils disposent de systèmes sociaux particuliers, ne les regroupant pas dans des ehpads).

VII. Situation mondiale

Voici pour commencer la carte mondiale de l’épidémie – qui frappe actuellement durement l’Amérique. :

Voici pour le nombre de cas par continent :

On constate que l’épidémie se calme en Amérique, et qu’elle est en forte croissance en Asie et de façon plus modérée en Europe.

On a ceci au final :

L’épidémie plafonne ainsi au niveau mondial avec 250 000 contaminations par jour.

Voici la situation cumulée :

On constate que l’Amérique a été très fortement frappée – l’Europe aussi en réalité, mais elle a moins testé au début.

Au final, 25 millions de personnes ont été testées positives à la Covid-19 – et beaucoup plus l’ont attrapée…

Au niveau des décès :

On constate à quel point l’Europe a été touchée, et que le strict confinement a réussi a casser l’épidémie, ce que n’a pas fait l’Amérique.

Le pic des décès quotidiens semble avoir eu lieu en avril, avec 7 000 morts par jour. Espérons qu’il n’y aura pas de forte reprise cet hiver.

Au final, les courbes des décès cumulés ressemblent évidemment aux courbes des cas cumulés :

De nouveau, on voit comme la courbe des décès en Europe a eu au début une très forte croissance, qui aurait suivi le chemin de la courbe américaine, et bien pire ; elle a été brisée par les efforts que nous avons réalisés tous ensemble.

Près de 900 000 personnes sont mortes de la Covid-19…

Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! Nous espérons qu’il vous a intéressé. Nous l’améliorerons encore la semaine prochaine !

Olivier Berruyer

P.S. Vous pouvez nous suivre sur Facebook et Twitter (ici et ) – merci d’avance pour votre soutien !


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