Jacques Leclercq, Radicalités politiques et violentes en France et dans le monde

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Dissidences

Un compte rendu de Jean-Guillaume Lanuque

Poursuivant son travail de collecte et d’accumulation de données sur ce qu’on appelle habituellement les extrêmes gauche et droite, Jacques Leclercq propose cette fois un « pavé » sur les organisations ayant pratiqué la violence… ce qui pose d’emblée un problème de définition et de contours de l’objet – où commence et où s’arrête la violence ? – contrairement à un ouvrage qui porterait explicitement, et exclusivement, sur les organisations défendant et pratiquant la lutte armée, par exemple.

Cette somme débute par les anarchistes de la fin du XIXe siècle, présentant d’ailleurs la propagande par le fait sans nuances ou réflexions conséquentes sur les débats internes au mouvement. On suit ensuite l’Action française et les ligues factieuses (avec des jugements discutables à leur sujet, des Croix de feu « pas fascisantes » ou du PSF (Parti social français) de « centre droit », p. 20), l’extrême droite française avec le GUD (Groupe union défense) ou les néo-nazis, avant de passer à l’extrême gauche : Action directe et les organisations de lutte armée des années 70 sont traitées dans le même chapitre, incluant des remarques assez justes sur Action directe (AD) comme hybride de différentes cultures militantes et ses textes idéologiques qualifiés de « patchwork » (p. 218). Suivent ensuite les maoïstes, l’autonomie, les antifascistes, mais également l’affaire Coupat et les « cortèges de tête » des manifestations de ces dernières années. Ce dernier point est assurément celui pour lequel l’auteur s’avère être le plus intéressant, même si nombre de ses développements relèvent encore d’une matière brute ; il critique en particulier le discours alarmiste du pouvoir en la matière, insistant en particulier sur la profonde différence entre aujourd’hui et le contexte post-68.

La seconde grande partie de l’ouvrage porte sur les organisations extra-françaises. Si le tour d’horizon n’est pas complet (rien sur l’Afrique, peu de choses sur les pays du monde musulman ou sur l’Océanie), Jacques Leclercq aborde aussi bien les guérillas d’Amérique latine que l’extrême droite nord-américaine, ainsi que des organisations comme les Weather Underground, l’Armée de libération symbionaise (responsable de l’enlèvement de Patricia Hearst) ou les Black Panthers, vus un peu trop brièvement. Le Japon, les Philippines, la Turquie, dont le tableau est fort détaillé, ou l’Europe, de manière contrastée – l’Italie, très développée, contraste avec la Russie ; le sous-continent indien, lui aussi, est rapidement survolé. Plusieurs annexes portent enfin sur des sujets plus spécifiques, la nature de l’arsenal législatif français en la matière, le récit des actes successifs du mouvement des Gilets jaunes, et même l’interview anonyme d’un policier de la DCRG (Direction centrale des renseignements généraux) !

Plusieurs points posent problème dans l’ensemble de ces chapitres thématiques. Les textes se révèlent en effet bien trop riches et chargées en sigles, en organisations, en noms, avec de surcroît des allers-retours chronologiques qui rendent leur appréhension problématique (le cas Battisti est ainsi abordé dans le chapitre sur AD). Des schémas, organigrammes ou tableaux typologiques auraient assurément été utiles. Par ailleurs, nombre des éléments exposés dans ces pages recoupent en partie plusieurs des livres antérieurs de Jacques Leclercq, parmi lesquelsExtrême gauche et anarchisme en Mai 681 ou Ultra-gauches. Autonomes, émeutiers et insurrectionnels, 1968-20132, pour ne citer que ce qui concerne les axes de recherches de notre collectif Dissidences. Des erreurs grossières sont également présentes – Emmanuel Valls, cité comme tel plusieurs fois, ou l’Internationale situationniste fondée en 1975, par exemple. Quant à l’iconographie, les documents sont reproduits en noir et blanc, sans aucune analyse. Ce dernier point est aussi ce qui limite considérablement la portée d’une telle somme quant aux textes, d’autant que de nombreux documents sont largement cités sans effort critique suffisamment poussé.

Incontestablement, une telle accumulation de données, de renseignements, de faits, est précieuse, mais hésitant entre plusieurs options – compilation de documents, récit, analyse – et dépourvue à la fois de tout index et de toute bibliographie, elle est difficilement utilisable en tant que telle. Nous ne pouvons que conseiller à Jacques Leclercq de viser plutôt la constitution d’un site ou d’un blog sur Internet, qui compilerait l’ensemble de sa riche documentation, offrant en outre la possibilité d’exposer des documents en couleurs, et permettant un vrai travail de dépouillement et d’analyse, forcément collectif.

1Voir sa recension sur notre blog : https://dissidences.hypotheses.org/9349

2Voir sa recension sur notre blog : https://dissidences.hypotheses.org/3794


Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut