INDE : Pourquoi Modi a peur du soulèvement paysan et en quoi ce dernier a une portée universelle, par Jacques Chastaing.

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SOURCE : Arguments pour la lutte sociale

UNE LONGUE HISTOIRE DE SOULÈVEMENTS PAYSANS

UNE PAYSANNERIE MISÉRABLE ET TRÈS OUVRIÈRE

L’Inde a une longue tradition d’insurrections paysannes avec 77 soulèvements dont au moins une douzaine très importants et radicaux sur les deux derniers siècles auxquels il faut ajouter des traditions de « banditisme » social type « Robin des Bois » ou d’assassinats organisés de potentats locaux et notamment, pour la période qui nous concerne, une guérilla paysanne baptisée « naxaliste » qui existe depuis 1967, peu nombreuse mais agissant toujours dans les États de l’est du pays, qui saisit les biens des potentats locaux pour les redistribuer, qui est qualifiée de « terroriste » par le gouvernement mais qui trouve la compréhension de plus de la moitié de la population indienne.

On ne peut pas comprendre le soulèvement paysan actuel en Inde et ce qu’il peut entraîner, la peur du pouvoir et les problèmes que ça lui pose, si l’on ne connaît pas cette longue tradition d’insurrections et de soulèvement paysans auxquelles ces dernières années n’ont pas failli et même au contraire puisque ces soulèvements ont été multiplié par 6 depuis 2014, date de l’arrivée au pouvoir de Modi – le dirigeant d’extrême-droite -.

Mais avant de plonger dans cette histoire récente des soulèvements paysans et voir à quelles possibilités ils ouvrent, il faut saisir ce qu’a de particulier la paysannerie indienne.

Il y a 600 millions de paysans en Inde et contrairement à bien d’autres pays leur nombre augmente régulièrement bien qu’en même temps cette population s’appauvrisse aussi très régulièrement.

77% des indiens vivent avec moins d’un demi dollar par jour, dont une grande partie à la campagne. Dans la misère, endetté, un paysan indien se suicide toutes les 30 minutes, le taux de suicide de paysans le plus élevé du globe tandis que 20 millions de paysans ruinés s’exilent dans les villes chaque année.

Dans les années 2010, 10% des Indiens détenaient 55% des terres du pays, ce qui s’est encore aggravé depuis alors que plus de 85% des exploitations agricoles étaient toutes petites ne dépassant pas 2 hectares  (30% des paysans n’ont même pas de terre), ce qui fait que beaucoup de paysans pour survivre s’embauchent aussi comme ouvriers agricoles dans de grandes exploitations. Le nombre d’ouvriers agricoles est devenu ces dernières années plus important que celui des seuls paysans et le nombre des sans-terre grossit d’année en année augmentant en dix ans de 2001 à 2011 de 26%. De plus l’agriculture compte une importante population d’ouvriers agricoles journaliers, dont au moins trente millions de saisonniers nomades, qui migrent d’une région à l’autre pour trouver du travail en fonction des récoltes.

Cependant ces dernières années, les paysans ont obtenu par leurs révoltes un certain nombre de concessions du gouvernement central.

Face aux révoltes paysannes incessantes, en 2005 le gouvernement garantissait aux foyers paysans un droit à 100 jours par an de travail sur un chantier d’intérêt public (routes, réservoirs, bâtiments, etc…), une espèce de Sécurité Sociale par les travaux publics. Les paysans sont ainsi un peu des ouvriers, en tous cas très liés au salariat urbain.

Puis la colère a continué en 2007 dans la marche Janadesh qui a rassemblé 25.000 sans-terre à travers l’Inde. En 2012, après une autre marche, la Jan Satyagraba, face à 50.000 paysans et membres de tribu qui avaient entrepris une « longue marche » vers New Delhi durant une semaine, le gouvernement indien s’engageait à garantir un accès à la terre à des millions de paysans, un meilleur droit au logement et des tribunaux spéciaux afin de résoudre les conflits innombrables qui opposent souvent des paysans à de grandes compagnies qui cherchent à exploiter ces terrains pour de grands projets. Enfin en 2013 le gouvernement concédait une garantie de sécurité alimentaire.

DES SOULÈVEMENTS INCESSANTS DEPUIS L’ACCESSION DE MODI AU POUVOIR

Puis en 2014, Modi, le dirigeant d’extrême droite a été élu et tout a fait basculé les révoltes paysannes dans une dimension beaucoup plus politique. Le slogan de campagne du BJP, le parti de Modi, était Acche din aane waale hain (« les bons jours arrivent ») adressant sa démagogie tout spécialement aux pauvres, aux paysans, aux tribus indigènes et aux Dalits (intouchables qui sont en grande partie paysans).

Mais c’est tout le contraire qui s’est passé et les paysans ont tenu la rue quasi durant toutes les 6 années du pouvoir de Modi, racontant la grande trahison de Modi à chacun de leurs mouvements.

Tout a basculé en 2015.

Cette année-là, Modi a tenté d’instaurer une loi qui aurait facilité encore plus l’acquisition de terres par les industriels (Land Acquisition Bill) qui ressemble à ce qu’il veut faire en 2020. Cela provoqua la colère des paysans qui manifestèrent dans tout le pays contre cette loi « anti-fermiers » et « pro-industriels ». Modi donna l’ordre de tirer à balles réelles tuant 6 paysans provoquant une indignation et un soulèvement général qui fit peur à Modi qui retira aussitôt la loi. Ce qui le fait certainement hésité aujourd’hui quand à la répression et qui explique aussi combien les paysans tiennent -pour le moment – à l’aspect pacifique de leur mouvement…

Devant ce recul, les digues de la colère paysanne s’ouvrir.

En 2016 on recensait 1.837 manifestations paysannes dans le pays, trois fois plus qu’en 2014.

En début d’année, les fermiers des États de l’Uttar Pradesh et de l’Haryana ont organisé trois mois de contestation continues bloquant routes et trains de l’État de l’Haryana (où se situe la capitale Delhi). Parmi les protestataires figuraient des fermiers de la caste des Jats, connus pour leur traditions guerrières qui voulaient être déclassés dans l’ordre des castes afin d’être classés dans les OBC (Other Backward Castes) afin de bénéficier des quotas d’emplois publics réservés aux basses castes, car ils ne parvenaient plus à vivre de leurs cultures. Dans cet État, 80% des fermiers vivent sous le seuil de pauvreté.

Outre brûler des gares, des centres commerciaux, bloquer les autoroutes en direction de Delhi, les Jats ont également bloqué l’un des grands canaux qui alimente New Delhi en eau rationnant la capitale en eau. Douze personnes sont mortes dans les affrontements avec la police, et là aussi le gouvernement reculait et promettait d’accéder à la demande des Jats.

Au printemps 2017, plusieurs centaines de fermiers du Tamil Nadu, touchés par la pire sécheresse depuis 140 ans, sont allés manifester en masse deux fois à Delhi. La seconde fois, ils sont restés trois semaines à Jantar Mantar, une place symbolique de Delhi, se faisant photographier avec les crânes et les os des agriculteurs qui s’étaient suicidés et en train de manger du foin, des rats ou des serpents, pour montrer qu’ils mouraient de faim. Le mouvement a cessé quand ils ont obtenu l’annulation de leurs dettes auprès des banques.

Dans la même année, des émeutes paysannes, parfois violentes, ont éclaté dans le Madhya Pradesh et le Maharashtra.

C’est alors que face au refus du gouvernement Modi de mettre en œuvre sa promesse électorale de prix de soutien minimaux plus élevés à la production agricole, une organisation parapluie – le All India Kisan Sangharsh Coordination Committee (AIKSCC) avec plus de 100 organisations a été formé en juin 2017, qui a mené une série de luttes depuis lors. L’AIKSCC compte désormais plus de 300 organisations membres.

En septembre 2017, le district de Sikar au Rajasthan, qui a une longue histoire de mouvements de masse paysans, a connu un nouveau soulèvement massif des agriculteurs. Des milliers de paysans sous la bannière de l’AIKS ont occupé non seulement les rues mais aussi les bureaux du gouvernement pour mettre en lumière leurs demandes en suspens depuis longtemps.

En septembre 2017 toujours, l’AIKSCC a organisé un Kisan Mukti Yatra (marche pour la libération paysanne) couvrant une distance de plus de 10 000 kilomètres à travers quasiment tout le pays pour atteindre le maximum de communautés agricoles et non agricoles et essayer de construire l’unité entre l’Inde rurale et urbaine. En conclusion, des fermiers de tous les coins du pays sont venus dans le quartier du Parlement et des ministères à Delhi obtenant là encore des pris plus rémunérateurs pour les produits agricoles et des taux de prêts plus avantageux.

En mars 2018, dans l’État du Maharashtra, 35.000 à 50.000 « kisan » (paysans), presque tous de basses castes ou d’origine tribale -et beaucoup de femmes – , ont marché sur 180 km sous un soleil écrasant. Les photos de leurs pieds nus en sang, écorchés sur les routes, ont fait la une des journaux. Ils exigeaient des titres de propriété (patta) pour les parcelles forestières qu’ils habitent depuis des siècles, en vertu du Forest Rights Act de 2006.

En août 2018, l’AIKS collectait 100 millions de signatures de paysans à travers le pays remettant leur charte de revendications aux magistrats de district, tout en demandant au gouvernement du BJP de quitter l’Inde « Bharat Chhodo », le même slogan utilisé pour exiger des britanniques qu’ils dégagent de l’inde qu’on pourrait comprendre par « dégagez ou crevez » !

On voit là que l’objectif paysan devenait de plus en plus politique contrairement à celui du monde syndical ouvrier qui continuait à se borner à des revendications économiques malgré les attaques globales de Modi.

En novembre 2018, des milliers de paysans de tous les États ont débarqué à Delhi pour une nouvelle Kisan Mukti March (Marche de libération des agriculteurs) organisée par l’AIKSCC, exigeant une session extraordinaire de 21 jours du Parlement pour discuter de la crise agraire.

En février 2019, près de 80 000 agriculteurs de 23 districts du Maharashtra ont manifesté le 27 février à Mumbai, la capitale financière du pays, après leur deuxième plus longue marche historique de 180 kilomètres.

En dehors de ces actions majeures, les luttes des paysans se poursuivaient dans le même temps à une échelle moins grande dans plusieurs États à travers l’Inde que ce soit dans le Maharashtra, le Rajasthan, l’Andhra Pradesh, l’Haryana, le Madhya Pradesh, le Tamil Nadu, le Karnataka, le Pendjab, l’Uttar Pradesh principalement.

UN MOUVEMENT ACTUEL QUI CONTINUE LES PRECEDENTS MAIS QUI EST AUSSI BEAUCOUP PLUS

Enfin en septembre 2020, le soulèvement actuel commençait dans le Pendjab, l’Haryana et le Bengale-Occidental où les paysans manifestaient, bloquaient les routes et les chemins de fer pour protester contre la réforme de la commercialisation des produits agricoles du gouvernement qui supprime le prix de vente minimum accordé aux produits agricoles dans des marchés publics réglementés (mandis) et liquide ainsi de fait la petite propriété paysanne pour donner la terre aux grands propriétaires ou groupes de l’agro-alimentaire .

Cette colère paysanne qui bloquait presque deux mois en septembre et octobre toute circulation ferroviaire au Pendjab, qui libérait aussi les péages autoroutiers, bloquait routes, gares et aéroports tout en multipliant les affrontements avec la police sans céder, s’est muée en crise politique créant une première fracture dans le bloc au pouvoir.

La ministre de la transformation alimentaire, Harsimrat Kaur Badal, alliée du parti nationaliste au pouvoir, a démissionné en septembre, dénonçant une législation « anti-agriculteurs ». A la Chambre haute, les députés en sont presque venus aux mains, les uns déchirant les copies du projet de loi, les autres hurlant et cassant les micros. Huit députés ont été suspendus pour le reste de la session parlementaire et campent, depuis, en signe de protestation, sur une pelouse devant la statue du Mahatma Gandhi, non loin du Parlement. L’opposition a décidé de boycotter les travaux de la Chambre haute et pourfend « la mise à mort » de l’agriculture.

Et depuis le soulèvement de novembre 2020, plusieurs des 29 partis alliés du BJP qui lui permettent sa majorité, ont pris leurs distances.

En novembre la contestation paysanne s’étendait peu à peu à plusieurs autres états jusqu’au 26 novembre 2020, où alliés aux principaux syndicats ouvriers du pays, les directions paysannes et ouvrières appelaient à une journée conjointe de grève générale suivie par 250 millions de travailleurs et des millions de paysans, le plus grand mouvement social de l’histoire de l’Inde, tout en annonçant pour les paysans qu’ils continueraient la lutte après le 26 en organisant une marche des paysans des États du Nord sur la capitale Delhi pour y encercler les bâtiments gouvernementaux.

Au jour où j’écris, ces paysans en marche avec armes et bagages pour tenir plusieurs mois qui ont franchi tous les obstacles policiers sur leur route, lacrymogènes, canons à eau, barricades et tranchées en travers des routes et autoroutes, ont entraîné sur leur passage des habitants de bidonvilles, des précaires sans travail, des anciens soldats, des membres de tribus, des miséreux… et seraient actuellement entre 150 000 et 300 000 à camper en plein hiver aux portes de la capitale, les autorités appuyées par une forte mobilisation policière et militaire leur ayant interdit de rentrer dans la ville, tandis que d’autres paysans continuent à arriver chaque jour en venant de plus en plus loin.

Par ailleurs, contre la propagande du gouvernement expliquant d’une part que les paysans mobilisés n’étaient surtout que des Sikhs du Pendjab avec en réalité des vues indépendantistes et d’autre part que ces paysans étaient isolés du reste des paysans du pays et du reste de la population en général, les animateurs du mouvement ont appelé le 8 décembre 2020 à un Barath Bandh, c’est-à-dire à un blocage/grève général dans tout le pays. Après avoir obtenu le soutien de toutes les directions syndicales et politiques d’opposition, le 8 décembre a été très suivi par de nombreux paysans du pays qui du coup ont décidé de marcher à leur tour vers Delhi et surtout par de très nombreux salariés des mines, l’automobile, la chimie, le pétrole, le textile, la défense, des ministères, jeunes, femmes, étudiants, enseignants, routiers, chauffeurs de taxis, commerçants, employés de banque, d’assurance, cheminots, électriciens, postiers, ouvriers des plantations de thé et pécheurs…

On ne sait pas combien exactement de personnes ont participé à cette journée car le droit de grève étant très limité en Inde (il faut par exemple déposer son préavis de grève 6 semaines à l’avance dans la fonction publique, le lock-out existe et la grève est un motif suffisant pour aller en prison au même titre qu’un crime). On ne le sait pas aussi certainement parce que les directions syndicales ouvrières, n’avaient peut-être pas tant envie que ça marche, dépassées et inquiètes de perdre tout contrôle, elles qui sont habitués à des journées d’action sans suite, sans plan et le plus souvent profession par profession et qui sont aussi liées pour la plupart aux directions des partis politiques d’opposition, qui, on le verra plus loin, ne sortent pas du cadre de pensée imposé par Modi – et plus généralement du cadre du système capitaliste –. Ainsi les directions syndicales ouvrières sont par-là très éloignées de la base paysanne et de son orientation politique générale radicale qui va jusqu’à envisager de virer Modi s’il le faut.

Ainsi, les directions syndicales ouvrières n’ont pas appelé à la grève mais à un simple soutien à l’appel à la grève des paysans. Cela fait que si beaucoup de salariés se mettaient en grève beaucoup d’autres sont sortis manifester pendant la pause du déjeuner tandis que d’autres encore se mettaient juste des badges de solidarité. Cependant la grande majorité des enseignants, étudiants, routiers, taxi ou commerçants… eux qui étaient appelés à la grève ont fait massivement grève, tandis que les autres professions salariées le faisaient en fonction des appels locaux et la situation suivant les États. Dans certains États, comme le Bihar, 80% des fonctionnaires d’État étaient en grève, dans le Pendjab quasiment tout était arrêté tandis que dans d’autres, l’Uttar Pradesh par exemple, la grève et tout rassemblement ont été interdits, ce qui a rendu la mobilisation plus difficile et conflictuelle.

Mais globalement, d’une manière ou d’une autre, le mouvement a été très suivi. Ce qui représente un succès sans précédent du mouvement paysan faisant la démonstration qu’il n’était pas isolé, ni des autres paysans du pays, ni de l’ensemble de la population et qu’il avait la capacité d’entraîner avec lui, par-dessus la tête des directions syndicales ouvrières, une grande partie de la population urbaine et salariée dans un combat radical contre le gouvernement.

Certains membres des directions paysannes après cette journée disaient par exemple que ce n’étaient pas eux qui étaient isolés mais le gouvernement qui n’avait plus un seul endroit dans le pays pour se cacher quand ils iraient le chercher.

Ce succès du 8 décembre ne peut pas être compris si on ne saisit pas en même temps les profondes évolutions politiques et idéologiques qui ont accompagné et armé le mouvement paysan et qui ont touché les Dalits, les chrétiens, les musulmans et les sikhs depuis l’arrivée au pouvoir de Modi. Le soulèvement paysans n’aurait pas pris cette ampleur et n’aurait pas pu entraîner les salariés sans cet armement idéologique.

MODI, SON ACCESSION AU POUVOIR, LES CAUSES DE SA CHUTE A VENIR ET SES CONSÉQUENCES

SON ACCESSION AU POUVOIR ET SA POLITIQUE POUR S’Y MAINTENIR

Modi a été élu, un peu comme Macron, par défaut et aussi comme Hitler après l’instrumentalisation de l’incendie du Reichstag

Au moment d’entrer au Parlement, pour la séance inaugurale de la nouvelle législature, Modi s’est agenouillé, a touché du front le sol du « temple de la démocratie » dédiant son discours inaugural à cette démocratie qui ouvre la possibilité, pour un homme issu d’une famille pauvre et d’une caste inférieure (comme il se présente même si c’est faux), d’occuper la plus haute fonction politique. Il promettait ainsi que son gouvernement allait travailler “sabka sath, sabka vikas” (avec tous, pour le développement de tous). Il visait par-là à paralyser les Dalits pour mieux les attaquer, en suscitant un espoir parmi eux qui sont les personnes situées au plus bas de l’échelle sociale en Inde mais qui comptent 17 % de sa population.

Modi, ancien activiste et cadre de la Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) un mouvement clairement fasciste, a rapidement fait son chemin au sein du BJP et est devenu Premier ministre du Gujarat le 7 octobre 2001.

Le 27 février 2002 à Godhra, le Sabarmati Express, le train reliant Ahmedabad (dans le Gujarat) à Varanasi (dans l’Uttar Pradesh), a été incendié provoquant la mort de cinquante-neuf Karsevaks (sans qu’on ne sache jamais qui en a été responsable, mais beaucoup en accusent Modi), des laïcs qui se mettent bénévolement au service de la religion. Modi s’est empressé de présenter l’événement comme la conséquence d’une attaque terroriste planifiée par les musulmans locaux.

Le lendemain, le Vishwa Hindu Parishad (VHP) appelait à des rassemblements de protestation dans tout le Gujarat, avec le soutien du BJP. Les rassemblements ont tourné à l’émeute, des activistes hindous intégristes attaquant les villages musulmans, brûlant habitations et propriétés, torturant et assassinant sous les yeux d’une police qui laissait faire, voire, à l’occasion, prêtait main forte, une forme de nettoyage ethnique prémédité et mis en œuvre avec la complicité du gouvernement de l’État et la participation de policiers . Il y a eu plus de 2000 morts, 150.000 personnes placées en camps de réfugiés, et de très nombreuses femmes et enfants victimes de viols et de mutilations.

L’accident de Godhra et le carnage qui a suivi ont consolidé la position de Modi parmi les hindous et suffisamment effrayé les musulmans pour les réduire au silence pour un moment. Il a ainsi pu gouverner le Gujarat de façon autocratique pendant trois mandats consécutifs avec le soutien de l’armée des militants et hommes de main du RSS, le soutien indéfectible des Bhakts, ces dévots de l’hindouisme, en réussissant à éliminer toute opposition. Ayant consolidé ses positions, Modi a commencé à mobiliser les ressources de l’État pour attirer les industriels, écartant toute résistance d’une main de fer. Cette stratégie à la Goebbels lui a permis de gagner élection après élection et de passer à la conquête du gouvernement central avec les mêmes méthodes.

Les partis d’opposition l’ont grandement aidé en ne faisant rien pour s’opposer à lui et ont au contraire confirmé leur propre faillite en contribuant à légitimer la stratégie « hindouiste et « néo-libérale » du BJP renchérissant même tous sur le nationalisme hindou.

En même temps, Modi multipliait les symboles de son dévouement aux Dalits par des monuments et des discours, tout en les foulant aux pieds, aggravant le pouvoir des riches et des castes supérieures, éliminant de nombreux mécanismes de soutien aux Dalits, depuis les bourses dédiées aux étudiants jusqu’aux quotas d’accès à certains emplois, en passant par les lignes de crédits spéciales dans les programmes sociaux, affirmant par exemple la nécessité pour eux de continuer à collecter les excréments à la main (ils sont consacrés par la tradition au nettoyage des lieux publics) parce que cette occupation offre aux Dalits la possibilité d’une expérience spirituelle et d’une rédemption !

Les deux piliers de la stratégie du parti, le néo-libéralisme et la revendication de la domination hindoue et des castes supérieures faisaient ainsi de toute expression autonome des Dalits – ces Untermensch – une menace. Or la grande majorité des Dalits sont des paysans.

Pour les soumettre un peu plus, Dalits et musulmans ont directement souffert d’une campagne Ghar Wapsi (« le retour à la maison ») destinée à obtenir la (re)conversion à l’hindouisme de ceux qui l’avaient quitté. Les Dalits ont effectivement, de longue date, utilisé la conversion à d’autres religions, l’islam, le christianisme, la religion sikh, comme moyen d’échapper à l’oppression sociale et à l’humiliation subie dans le cadre du système de castes de l’hindouisme.

Ainsi de nombreux étudiants Dalits ou enseignants qui les défendaient ont été battus et humiliés publiquement jusqu’à ce qu’ils avouent publiquement qu’ils renoncent à leur religion non hindoue. Ces humiliations publiques ont provoqué de nombreux mouvement d’indignation et de protestations mais toutes étouffées jusqu’en décembre 2019 avant qu’elles n’entraînent à ce moment tout le pays puis que cela se prolonge avec le soulèvement paysan.

Il faut dire qu’à partir de 2014, le gouvernement central et les gouvernements d’États locaux dirigés par le BJP ont commencé à utiliser la sacralité des vaches pour terroriser les Dalits et les musulmans qui, traditionnellement, utilisent la viande de bœuf comme source de protéines bon marché ou qui travaillent dans les abattoirs et l’industrie du cuir. Le BJP a fait fermer des abattoirs et des magasins de viande, tous lieux où travaillent essentiellement des Dalits, en particulier les boucheries appartenant à la communauté des Pasmandas. Ces fermetures ont été étendues à celles des ateliers et des usines où l’on travaille le cuir qui, eux aussi, emploient une majorité de Dalits et de musulmans de basse caste. Ceux-ci transportent les carcasses, prennent en charge l’équarrissage, travaillent dans les tanneries, fabriquent les chaussures, les sacs et les ceintures, parfois pour de grandes marques comme Zara et Clarks. A Kanpur, 98 tanneries ont ainsi été fermées par ordre du Tribunal national de l’environnement au motif que celles-ci larguaient leurs effluents pollués directement dans le Gange.

Les États gouvernés par le BJP sont de fait alors entrés dans une compétition délétère à qui adopterait les mesures les plus violentes. L’État d’Haryana a ainsi proposé d’aligner les peines pour abattage d’une vache sur celles s’appliquant au meurtre d’une personne. L’État du Gujarat a adopté, en 2017 un amendement à la loi sur la protection des animaux qui réprime l’abattage, ainsi que la vente et la possession de viande de bœuf portant la peine maximale à l’emprisonnement à vie et le transport illégal de viande et de produits dérivés du bétail de sept ans de prison. En novembre 2017, l’État du Madhya Pradesh a voté une loi encore plus draconienne en créant un nouveau délit, à savoir l’abandon d’une vache âgée et non productive, condamnant ainsi les paysans pauvres à l’entretien à vie de ces animaux.

Paysan et Dalit, la double peine.

Dans un pays où 1,83 millions d’enfants meurent avant l’âge de cinq ans, où deux Dalits sont assassinés chaque jour, où des milliers de paysans se suicident tous les ans, où les violences entre communautés sont légion, la législation sur le meurtre des vaches, rajoutait une couche de trop et générait de nombreuses protestations qui se mêlaient ou s’additionnaient à celles des paysans.

Le 11 juillet 2016, les milices de protection des vaches ont ainsi à nouveau frappé dans la ville d’Una dans le Gujarat. Ce jour-là, dans le village de Mota Samadhiyala (sous-district d’Una), sept membres d’une famille de Dalits étaient en train d’écorcher la carcasse d’une vache tuée par des lions qu’ils avaient achetée dans le village voisin de Bediya. Des membres de la fédération des mouvements de protection du bétail, la Gau Rakshaks, armés de bâtons et de tuyaux en métal ont commencé à les frapper les accusant d’avoir tué cette vache. Quatre membres de la famille ont ensuite été embarqués dans la voiture et conduits à Una où les quatre jeunes gens ont été déshabillés, attachés au véhicule, exhibés dans les rues et à nouveau battus.

Les attaquants étaient si fiers d’eux qu’ils ont filmé toute la scène et l’ont postée sur un réseau social circulant massivement et attisant la colère des Dalits dans tout le pays. Le 12 juillet 2016 une manifestation massive de protestation, convoquée à Chandkheda par des Dalits a rassemblé 2 000 personnes, bloquant la route principale. Le 13 juillet 2016, ils occupaient la place principale d’Una. Le 21 juillet, les protestations gagnaient toute la région de Saurashtra où douze jeunes Dalits avaient tenté de se suicider. Pour tenter de calmer les choses, quatre policiers ont été suspendus. Le 28 juillet, une marche de Dalits se déroulait quand même d’Ahmedabad à Una et se terminait le 15 août 2016 par un rassemblement de 20 000 membres de la communauté demandant l’attribution de cinq acres de terres tout en faisant serment de quitter les occupations traditionnelles qu’on leur attribuait en tant que Dalits.

Le 1er janvier 2018, des hommes de mains de Modi s’attaquent à nouveau violemment à des Dalits qui s’étaient rassemblés pour jurer ensemble qu’ils se consacreraient à la lutte contre Modi. Cette violente attaque soutenue par les calomnies de la presse déclenche à nouveau une profonde indignation, des protestations… et de nouvelles vagues de violences des hommes de main de Modi contre les Dalits.

L’articulation du conflit paysan et Dalits contre Modi se met en place avec le soutien de l’opinion publique indignée.

En 2019, pour les élections, après avoir pendant cinq ans construit bastion après bastion, Modi n’avait, pour ce scrutin rien à offrir en termes de bilan. Il a donc fait de la sécurité nationale la principale question du scrutin avec en menace extérieure le Pakistan dont les musulmans étaient la 5eme colonne au sein du pays et en menace intérieure les prétendus communistes, utilisés comme bouc émissaires de l’opposition, en fait de jeunes Dalits radicaux, souvent par ailleurs aussi des musulmans ou des chrétiens en colère, et donc, pour le pouvoir, des communistes.

En empoisonnant la population avec le venin du « communalisme », en entraînant derrière lui l’opposition sur ce terrain, tous les partis se mettant à courtiser castes et communautés religieuses (alors que la politique officielle depuis Ghandi jusque-là était de les combattre), Modi a décimé la scène politique, détruit ou détourné les institutions, tenté même d’éradiquer les traces des régimes antérieurs en changeant le nom des institutions, en créant ses propres monuments afin que la mémoire publique ne puisse en aucune façon nourrir la résistance du passé.

Mais cette politique de Modi a eu un effet pervers qui s’est retourné contre lui.

RETOUR DE BÂTON, DÉBUT DE LA CHUTE ET RÉPERCUSSIONS MONDIALES

La majorité des musulmans et des chrétiens ont des origines Dalits ou au sein des basses castes, ou alors les Dalits hindous sont devenus chrétiens, musulmans ou sikhs pour se protéger des violences hindouistes du gouvernement Modi… ce qui suffit à faire d’eux des « progressistes » et un quasi équivalent des communistes.

En accusant les musulmans ou chrétiens et les Dalits – c’est-à-dire les plus pauvres – d’être des communistes, Modi a fait une publicité involontaire pour les communistes indiens à tous ceux qui n’en peuvent plus de Modi

C’est ainsi que le soulèvement social actuel est sorti d’une longue série de luttes paysannes mais aussi d’un mouvement contre la répression des Dalits et des musulmans sur la base d’une volonté, d’un programme d’une communauté des hommes pacifiée, contre tout racisme ou communautarisme religieux mêlant ainsi la lutte contre l’oppression religieuse ou communautaire à celle contre l’exploitation économique.

A l’automne 2019 pour maintenir la pression contre les musulmans, Modi accorde un droit de nationalité facilité aux réfugiés du Pakistan, du Bangladesh ou d’Afghanistan… à condition qu’ils ne soient pas musulmans. C’est la provocation de trop. Des musulmans, en particulier des femmes, se soulèvent, se mettent à manifester chaque semaine et malgré les provocations, les violences, les pogroms (78 morts), entraînent peu à peu autour d’elles, toutes les catégories de la population qui trouvent là le moyen – ensemble – de s’opposer à Modi. Peu à peu, les revendications s’élargissent à toutes les libertés, puis avec l’afflux de plus en plus de monde, à toutes sortes de revendications économiques et sociales mais avec le dénominateur commun de « virer Modi ».

Le mouvement prend tellement d’ampleur que les directions syndicales se sentent obligées d’embrayer et appellent à une grève nationale le 8 janvier 2020 pour toute une série de revendications économiques mais pas celle de virer Modi qui est le leit-motiv du mouvement. C’est un énorme succès puisque 250 millions de travailleurs, déjà, font grève, ce qui traduit l’importance du mécontentement qui couve. Bien évidemment, les directions syndicales ne donnent aucune suite. Par contre le mouvement, lui, s’est renforcé du succès du 8 janvier et donne une suite, entraînant de plus en plus de gens pour « virer Modi », organisant même une espèce de « place Tahrir » permanente à Delhi tenue par des femmes où tous les échanges, les débats, les rencontres et les partages seront les bienvenus jusqu’à ce que le mouvement s’arrête le 24 mars sous les coups du Covid-19.

Le mouvement social est alors mis en parenthèse jusqu’à ce qu’il redémarre avec les paysans en septembre, puis par un mouvement de femmes contre les viols en octobre, puis par une vague continue de grèves générales ouvrières organisées par les directions syndicales, mais seulement d’une journée et profession par profession en octobre et novembre, qui ressemblaient plus à un moyen de relâcher la vapeur sociale plus qu’à l’organiser pour la rendre plus efficace.

Pendant ce moment, Modi, sentant peut-être les dangers de la situation, a profité du covid pour accélérer le mouvement du libéralisme et de l’hindouisme en plongeant l’Inde dans un chaos total. Il annonce une privatisation de tous les secteurs publics et une liquidation totale du droit ouvrier, tandis que des dizaines de millions de travailleurs sont licenciés. Parmi ceux-ci, il y a surtout ceux qu’on nomme les « travailleurs migrants internes », souvent d’anciens paysans ruinés venus travailler en ville et qui se retrouvent jetés dans les rues par dizaines de millions, renvoyés de force dans leurs villages d’origines. Mais là ils y deviennent autant de ferments de révoltes à la campagne et de liens entre la ville et la campagne, alors que les autres travailleurs « urbains » rentrent en rage parce qu’ils voient leurs horaires de travail quotidiens passer de 8 h à 10 ou12 h par jour sans droits pour se défendre.

Obtenant un sursis avec le covid face à la mobilisation qui se faisait autour de la question musulmane ou des libertés, Modi ne faisait que pratiquer la fuite en avant – un peu comme Trump – , et qu’entasser un peu plus de poudre pour les explosions à venir tout en les déplaçant du terrain communautaire et religieux sur le terrain social qui condensera alors dans l’esprit de tous, autour de la révolte paysanne, l’espoir politique de virer Modi par la rue et plus par les élections qui n’ont lieu que l’an prochain et avec des représentants d’opposition peu enthousiasmants, tous mouillés dans le communautarisme hindouiste et la défense du libéralisme.

A l’automne 2020, la pression du mouvement paysan et de celui des femmes qui cherchaient l’unité et l’efficacité entraînait les directions syndicales à accepter la journée de grève générale du 26 novembre 2020, par crainte que l’appel se fasse sans eux et que leurs propres troupes leur échappent tant celles-ci ressentaient le besoin de s’y mettre tous ensemble contre la politique de destruction totale de Modi. Mais contrairement aux directions syndicales ouvrières, les paysans annonçaient que eux continueraient après le 26 novembre, par une marche sur la capitale, entraînant de fait par leur détermination le monde ouvrier derrière eux le 8 décembre et avec eux, toute l’opposition politique qui tout d’un coup se réveillait.

Modi est très fragilisé parce que lui qui ne devait sa stabilité qu’à l’absence d’opposition vient d’en trouver une dans la rue, sur le terrain social mais aussi idéologique, programmatique.

Dans le mouvement de novembre 2020, Modi a tenté comme d’habitude d’opposer les hindous au mouvement paysans en qualifiant celui-ci de sikh parce que son noyau central se situe au Pendjab, où les sikhs sont nombreux, mais ça n’a pas marché. Il a essayé de dire que le mouvement était manipulé par les musulmans via le Pakistan. Mais ça n’a pas marché non plus. Il a dit qu’il était dirigé par des communistes terroristes, ça n’a toujours pas marché.

Instruits d’années de divisions communautaires, le soulèvement paysan a tenu tout de suite à signifier qu’il est solidaire des sikhs et des musulmans mais qu’il est avant tout paysan qu’on soit hindou, sikh, musulman, chrétien ou communiste.

Nombre des paysans en lutte tiennent à montrer qu’ils ne marcheront plus dans ces divisions, en affichant ostensiblement des drapeaux mêlant tous les symboles religieux… plus le marteau et la faucille et en lançant le slogan « nous sommes des paysans, pas des terroristes ».

Tout le fond idéologique sur lequel s’appuyait Modi s’effondre – comme aux USA le fond raciste de la politique de Trump a été battu par le mouvement Black Lives Matter -. Modi ne devait sa force qu’à l’absence d’opposition des partis politiques d’opposition, des directions syndicales, des médias, des élites intellectuelles qui n’ont pas voulu lui opposer un programme ou des idées progressistes. Il a fallu que ce soient les paysans et les ouvriers seuls, qui montrent sa fragilité et l’imposture de son discours, en affichant clairement le drapeau de l’union de tous les opprimés pour un monde meilleur et sans oppression raciale, religieuse, communautaire ou de genre, un drapeau gagné dans leurs expériences de luttes de ces années menées en commun où se mêlaient paysans, Dalits, femmes, jeunes, musulmans, sikhs, chrétiens et communistes.

Modi est fragile parce que même avec le bénéfice de ce qu’on a appelé la vague Modi, en 2014, son parti n’a pas réussi à attirer plus d’un tiers des votants. Bien que minoritaire dans l’opinion, le succès électoral du BJP est entièrement la conséquence de ses manipulations habiles pour profiter du scrutin uninominal majoritaire à un tour. Deux tiers de la population sont indifférents ou hostiles au parti de Modi. Et le soulèvement actuel pourrait bien donner une expression politique et idéologique à cette large majorité.

Cette expression, ce programme, cette politiques se forment peu à peu dans le cours direct des mobilisations actuelles mais aussi dans les immenses forum permanents que sont les camps de paysans aux frontières de Delhi, où tous les jours, paysans, étudiants, musulmans, hindous, communistes, routiers, femmes, Dalits et d’autres castes viennent débattre pour changer le monde.

C’est certainement pourquoi Modi connaissant la faiblesse de sa base sociale et le grignotage de sa base idéologique s’est montré aussi pressé de mettre en place l’Hindu Rashtra, cet état fasciste dominé par les Brahmanes. Mais pressé par cette nécessité, accélérant trop les choses, il n’a fait que précipiter son échec à venir, comme Trump aux USA ou Anez en Bolivie, les dirigeants du Pérou, et certainement comme cela s’annonce pour demain Pinera au Chili, Bolsonaro au Brésil, Macron en France et encore bien d’autres.

Le mouvement en Inde continue ce à quoi nous assistons depuis cet automne 2020. Au Chili, en Bolivie, au Pérou, aux USA mais aussi en Pologne, en Bosnie Herzégovine, il s’agit une seconde étape de la vague des soulèvements mondiaux commencée fin 2018, amplifiée en 2019, un moment suspendue par le covid. C’est une étape où les peuples ont commencé à gagner dans ces derniers pays, ont stoppé la vague de droite, d’extrême droite, raciste ou fasciste. En même temps, les soulèvements continuent en Thaïlande, en Indonésie, au Guatemala, en Colombie, au Nigéria, en Guinée et surtout en Inde mais où là, par la dimension gigantesque mais aussi clairement ouvrière et paysanne que la vague y a prise, elle pourrait initier une troisième étape de ce soulèvement mondial, par son ampleur, sa détermination, et surtout par son orientation sociale et idéologique et par là même multipliant sa capacité d’entraînement mondial.

Le monde a été marqué dans son imaginaire par des événements tels que la Commune de Paris de 1871 où les ouvriers ont pris et tenu Paris plusieurs mois. La troisième étape du soulèvement actuel pourrait être marquée par des événements symboliques de ce type. Imaginons un instant la répercussion mondiale que pourrait avoir la prise de Delhi, capitale du dirigeant d’extrême droite Modi, ou même ne serait-ce que sa paralysie suffisamment importante par une alliance paysans-ouvriers brandissant le drapeau de la communion des exploités dans la lutte… Nous n’y sommes pas encore mais ce n’est peut-être pas si loin.

Jacques Chastaing, le 09/12/2020.


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