AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Dissidences
Un compte rendu par Morgan Poggioli
A l’occasion de ce centenaire du Parti communiste français, Roger Martelli, Jean Vigreux et Serge Wolikow, trois historiens spécialistes du communisme français et international1, se sont associés pour écrire une histoire du PCF à six mains. Privilégiant une histoire politique de l’organisation PCF sur cent ans, l’ouvrage s’articule autour de 12 chapitres chronologiques et d’une partie « annexes » conséquente de plus de 80 pages.
Alimenté par les archives désormais accessibles de la galaxie communiste (Jean Vigreux est à la tête de l’ANR Paprika2F : https://pandor.u-bourgogne.fr/pages/paprika2f.html), par les archives privées des dirigeants (Journal de Maurice Thorez chez Fayard sous la direction de Jean-Numa Ducange et Jean Vigreux ; Carnets de Marcel Cachin, dont Serge Wolikow a dirigé le 3evolume), et par l’historiographie récente, l’ouvrage offre une synthèse de l’histoire du parti au travers de 12 chapitres reprenant les grandes séquences du PCF en France : des origines au Front populaire, de l’entrée en guerre à la Libération et au tripartisme, de la guerre froide à l’union de la gauche et des participations gouvernementales au déclin.
L’étude n’élude pas l’aspect international et les attaches du PCF au Komintern puis au Kominform jusqu’au projet eurocommuniste et à l’effondrement du modèle soviétique. Il n’en demeure pas moins que c’est d’abord une histoire du PCF inséré – ou marginalisé selon les périodes – dans la société et la vie politique française qui est ici privilégiée (les évolutions des résultats électoraux sont particulièrement scrutées), même si à bien des égards l’influence moscovite joue sur la politique « française » du PCF.
Toutefois, l’ouvrage montre aussi les marges de manœuvres que le PCF a su mettre à profit que ce soit sur la stratégie des fronts populaires ou sa prise de distance lors du Printemps de Prague. C’est alors une « histoire intérieure du PCF » qui est convoquée pour comprendre ces phases d’alignement ou de distanciation ainsi que le rôle crucial joué par les secrétaires généraux (Thorez, Rochet, Marchais). De même, il n’est pas fait l’impasse sur la « tradition » des procès et des affaires (Barbé-Célor, Doriot, Guingouin, Duclos, Marty, Tillon, Lecoeur, Servin…) qui s’impose comme mode de fonctionnement interne et « d’expiation » des fautes collectives.
Les derniers chapitres s’attaquent naturellement aux raisons du déclin et aux vaines tentatives de redressement des reconstructeurs, rénovateurs aux refondateurs, jusqu’à l’échec du Front de gauche. La démonstration convaincante invoque un faisceau d’éléments endogènes (crise intellectuelle, ministérialisme…) et exogènes (désindustrialisation, désyndicalisation et plus largement démobilisation partisane) pour expliquer le reflux du « premier parti de France » depuis les trente dernières années.
La partie « Annexes » est elle aussi particulièrement riche avec de nombreux tableaux chiffrés – et les analyses qui les accompagnent – sur les effectifs du PCF, ses résultats électoraux, la sociologie des électeurs, des militants et des dirigeants. S’ajoutent plusieurs focus sur les femmes et le PCF, les ex-, les archives, les congrès. Enfin plus de quinze pages de biographies complètent cet appareil méthodologique.
Au final, nous avons un ouvrage hybride en quelque sorte, entre une très bonne synthèse historique proche d’un manuel universitaire dont Armand Colin est spécialiste (la fameuse « collection U ») et un outil de recherche avec des données rares sur un siècle de communisme français. Et si le livre présente les défauts de ses qualités (la synthèse nécessite parfois un petit « background » pour appréhender certaines allusions comme celle du groupe Valmy pendant la Seconde Guerre mondiale), il est évident qu’il offre une histoire renouvelée du Parti communiste français nourrie des archives et des recherches les plus récentes. A n’en pas douter, il constituera un ouvrage de référence aussi bien pour le lectorat universitaire que pour le grand public (militant ou non).
1Voir entre autres les compte-rendu de certains de leurs travaux sur Dissidences :
https://dissidences.hypotheses.org/4853