Biden choisit Anthony Blinken, défenseur d’une compétition avec la Chine, comme secrétaire d’État

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Les crises

Source : New York Times, Lara Jakes, Michael Crowley, David E. Sange
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Antony J. Blinken, proche conseiller pour les Affaires étrangères de Joseph R. Biden Jr., a été nommé Secrétaire d’État, poste dans lequel, selon des proches du dossier, il va tenter de rallier les partenaires internationaux les plus sceptiques dans une nouvelle compétition avec la Chine.

Blinken, 58 ans, ancien secrétaire d’État adjoint sous la présidence de Barak Obama, a débuté sa carrière aux Affaires étrangères pendant l’administration Clinton.

Selon des sources bien informées, on s’attend également à ce que Biden nomme Jake Sullivan, proche conseiller, en tant que Conseiller à la Sécurité intérieure. Sullivan, 43 ans a succédé à Blinken comme conseiller à la politique nationale du vice-président Biden et a dirigé la planification politique du département d’État sous Hillary Clinton, ce qui a fait de lui son plus proche conseiller stratégique.

Ensemble, messieurs Blinken et Sullivan, de bons amis partageant la même vision du monde, sont devenus les experts de Biden et bien souvent ses porte-paroles pour tout ce qui touche à la politique étrangère. Ce sont eux qui ont mené l’attaque contre le slogan « America First » de Trump lancé comme principe directeur, précisant que ce slogan ne faisait en effet qu’isoler les États-Unis tout en donnant à ses opposants des armes et des arguments.

Biden prévoit d’annoncer leur nomination alors même que Trump tente toujours de contester les résultats de l’élection. De plus en plus de Républicains appellent Trump à concéder la victoire et à débuter le processus de transition.

Blinken est aux côtés de Biden depuis près de 20 ans, aussi bien comme collaborateur en chef au Comité des relations étrangères du Sénat puis comme conseiller de sécurité intérieure lorsqu’il était vice-Président. Mr. Blinken a collaboré au développement de la réaction américaine aux bouleversements et à l’instabilité au Moyen-Orient, avec des résultats mitigés en Egypte, Irak, Syrie et en Libye.

Sa principale priorité sera de rétablir le rôle d’allié de confiance des États-Unis qui s’apprête à réintégrer les institutions et accords internationaux – y compris l’accord de Paris sur le climat, l’accord sur le nucléaire iranien et l’Organisation mondiale de la santé – abandonnés par M. Trump.

Lors d’un forum au Hudson Institute en juillet, Blinken déclarait : « Je dirais simplement qu’aucun des grands dangers auxquels notre pays fait face, que ce soit le changement climatique, la pandémie ou la prolifération d’armes de destruction massive n’a de solution unilatérale. Même un pays aussi puissant que les États-Unis ne peut les régler à lui tout seul. »

Blinken a également annoncé à ce forum que travailler avec d’autres États a l’avantage d’aborder un autre défi diplomatique d’importance : concurrencer la Chine en choisissant les efforts multilatéraux pour avancer sur le commerce, les investissements technologiques et les droits de l’Homme – plutôt que de pousser les nations à choisir entre les économies des deux super-puissances.

En pratique ça signifie utiliser la diplomatie pour renforcer les liens avec l’Inde et dans la région indo-pacifique, où 14 pays ont signé l’un des plus importants traité de libre échange avec la Chine. Ça veut également dire approfondir les relations avec l’Afrique, où la Chine a investi dans la technologie et les infrastructures, et reconnaitre l’Europe comme partenaire « de premier et non de dernier recours, lorsqu’on est confronté à de tels défis » a ajouté Blinken lors de ce forum.

Ces dernières semaines, dans des déclarations publiques ou des interviews, il a clairement évoqué d’autres aspects de l’agenda de Biden – et du sien – pour les premières semaines de la nouvelle présidence.

Il disposera d’environ 2 semaines après l’investiture pour allonger à 5 ans le dernier accord essentiel sur le contrôle des armes avec la Russie, une avancée que Trump a initialement refusé de faire parce qu’il insistait pour que la Chine fasse partie elle aussi, du traité. « Nous aborderons certainement les questions du contrôle de l’armement avec la Chine, a récemment affirmé Blinken, mais on peut chercher une stabilité stratégique en prolongeant l’accord New Start de limitation des armes et chercher à en tirer parti par la suite. »

Biden est devenu plus agressif face à la Russie à mesure que ses ingérences dans les élections de 2016 et en Europe sont devenues de plus en plus évidentes. Dans une interview récente il a suggéré qu’il pourrait utiliser comme levier la forte dépendance de la Russie par rapport à la Chine, spécialement pour la technologie.

Mais il y a un inconvénient dans la négociation avec Moscou, avertit Biden. Selon lui le Président Vladimir Poutine « cherche à alléger la dépendance russe à l’égard de la Chine », ce qui le met dans « une position peu confortable. »

En acceptant le poste le plus important de la Maison Blanche dans le domaine de la sécurité nationale, Sullivan sera le plus jeune à être nommé à ce poste depuis l’administration Eisenhower. Sullivan s’est fait un nom sous l’administration Obama et a même été applaudi par des Républicains conservateurs du Congrès grâce au rôle essentiel qu’il a joué dans les négociations qui ont abouti à l’accord avec l’Iran sur le nucléaire en 2015.

Né dans le Minenesota et diplômé de l’Université de droit de Yale, Sullivan a récemment aidé à mener à bien un projet pour la Fondation Carnegie pour la paix internationale qui recentrait la politique étrangère américaine selon les besoins de la classe moyenne américaine.

Il y a quelques années, Sullivan enseignait à l’école de droit de Yale et de Darmouth et s’installait dans le New Hampshire avec sa femme, Margaret Goodlander. Celle-ci a été l’assistante du sénateur John McCain, puis assistante juridique auprès du juge Merrick B. Garland et du magistrat Stephen G. Breyer.

Blinken, décrit par certains comme un centriste mâtiné d’interventionnisme, a également tenté de limiter la crise des réfugiés et de l’immigration. A la fin de l’administration Obama, le département d’Etat a fixé une limite à 110 000 réfugiés autorisés à se réinstaller aux États-Unis pour l’année fiscale 2017. Ce chiffre a été réduit à 15 000 pour l’année fiscale 2021.

Il a dit qu’il soutiendrait le Guatemala, le Honduras et Le Salvador – le triangle du nord de l’Amérique centrale – a persuadé les candidats à la migration qu’ils seraient mieux et plus en sécurité en restant au pays.

Tout cela laissera probablement moins de temps et de ressources pour le Moyen-Orient, affirme Blinken, qui avait travaillé sur cette région du monde après les attentats du 11 septembre 2001 et l’invasion de l’Irak en 2003.

Il avait participé à la rédaction de la proposition de Biden au Sénat pour créer trois régions autonomes en Irak, partagées par identités ethniques ou religieuses, qui avait été amplement rejetée, y compris par le Premier Ministre de l’époque. Sous l’administration Obama, Bliken a été un acteur essentiel des efforts diplomatiques pour rassembler plus de 60 pays pour contrer l’état islamique en Irak et en Syrie.

Contrairement à certains de ses collègues moins commodes au sein de l’administration Obama, Blinken a donné aux journalistes à Bagdad en 2012 des indications plus précises sur ce que les soldats, les diplomates et les officiers des services secrets coincés dans les locaux de l’ambassade pouvaient fournir.

Blinken aspirait à devenir journaliste ou producteur de cinéma avant de prendre un poste au Bureau de la politique européenne du département d’Etat en 1993. Il a aiguisé ses talents médiatiques en écrivant les discours de politique étrangère du Président Clinton, puis plus tard en supervisant la politique européenne et canadienne au Conseil de sécurité nationale de la Maison blanche.

Blinken a également un côté plus léger qu’on ne remarque pas vraiment quand on le voit témoigner ou recevoir des diplomates étrangers. Il joue dans un groupe de musique. Il a un cercle rapproché d’amis depuis ses années d’étudiant à Harvard et l’époque de son ascension au firmament de la politique étrangère de Washington.

Et il est nouvellement père : lui et sa femme ont deux enfants en bas âge à la maison, et il sera le premier Secrétaire d’Etat des temps modernes à élever des bambins pendant l’exercice de ses fonctions.

Blinken a grandi à New York et à Paris, diplômé d’Harvard et de l’école de de droit de Columbia. Fils d’un Ambassadeur en Hongrie pendant l’administration de Clinton et beau-fils d’une survivante de l’Holocauste, Blinken a souvent évoqué l’exemple moral qu’offre les États-Unis pour le reste du monde.

« En temps de crise ou de calamités, c’est vers les États-Unis que le monde se tourne en premier et toujours », a déclaré Blinken lors d’un discours au Center for a New American Security en 2015.

« Ce n’est pas parce que nous avons toujours raison, ou parce que nous sommes universellement appréciés, ou parce que nous pouvons dicter les résultats, que nous sommes un leader de premier ordre, a-t-il déclaré. C’est parce que nous nous efforçons au mieux d’aligner nos actions sur nos principes, et parce que le leadership américain a une capacité unique à mobiliser les autres et à faire la différence. »

*

Thomas Kaplan et Maggie Haberman ont contribué au reportage.

Lara Jakes est la correspondante diplomatique du New York Times à Washington. Au cours des deux dernières décennies, Mme Jakes a fait des reportages et publié dans plus de 40 pays et a couvert la guerre et les combats communautaires en Irak, en Afghanistan, en Israël, en Cisjordanie et en Irlande du Nord. @jakesNYT

Michael Crowley est le correspondant à la Maison Blanche qui couvre la politique étrangère du Président Trump. Il a rejoint le Times en 2019 après avoir travaillé à Politico, où il était rédacteur en chef pour la Maison Blanche et la sécurité nationale, et correspondant aux affaires étrangères. @michaelcrowley

David E. Sanger est le correspondant à la sécurité nationale. En 36 ans de carrière de reporter pour le Times, il a fait partie de trois équipes qui ont remporté des prix Pulitzer, le dernier en 2017 pour des reportages internationaux. Son dernier livre s’intitule « L’arme parfaite : guerre, sabotage et peur à l’ère cybernétique ». @SangerNYT

Source : New York Times, Lara Jakes, Michael Crowley, David E. Sange, 22-11-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises


Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut