Cours à distance: qu’en pensent vraiment les étudiants ? Beaucoup de mal !

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SOURCE : The Conversation

Cette recherche s’effectue en collaboration avec Christine Félix, maîtresse de conférences à l’Université d’Aix-Marseille et Pierre-Alain Filippi, enseignant et chercheur associé à l’INSPé d’Aix-Marseille.


Depuis le 30 octobre 2020, dans le contexte de cette deuxième période de confinement, les étudiants français sont contraints de suivre un enseignement à distance. Cette situation donne lieu à des réactions contrastées, associant éloge de la capacité d’adaptation des universités et critique du maintien de ce mode d’enseignement. Les médias se font l’écho de souffrances chez les étudiants.

Suite à l’annonce de l’exécutif d’une reprise des cours en présentiel en février, la Conférence des Présidents d’Université a fait part de son incompréhension face à cette décision et a lancé un appel pour mettre un terme à ce distanciel contraint le plus tôt possible, insistant également sur les difficultés rencontrées par les étudiants, et particulièrement ceux inscrits en première année de licence.

Dans l’interview donnée au média en ligne Brut, vendredi 4 décembre, Emmanuel Macron a finalement évoqué une reprise progressive des cours sur les sites universitaires début janvier.

Interpellés en tant qu’enseignants-chercheurs, spécialistes des questions du numérique éducatif, nous avons souhaité interroger les conditions de formation des étudiants.

En tant qu’enseignants, nous avons constaté que différents étudiants de master ayant perdu leur « job » se déclaraient en difficulté pour poursuivre leur formation, d’autres nous ont raconté être retournés vivre chez leurs parents. D’autres encore signalaient souffrir d’isolement mais une minorité, souvent en reconversion, en alternance, plus âgée, et/ou loin du lieu de formation, y voyait certains avantages.

En tant que chercheurs, nous avons mené un projet de recherche sur les usages numériques dans l’activité enseignante à distance, à partir de données qualitatives et quantitatives recueillies pendant le premier confinement au printemps 2020, et le contexte actuel fait écho à notre travail.

C’est de cette double préoccupation, entre recherche et formation, qu’est née la volonté d’adresser un questionnaire aux étudiants à l’échelle nationale.

Le défi de la concentration

Associant les sciences de l’éducation et de la formation et les sciences de l’information et de la communication, cette recherche vise à comprendre comment les étudiants vivent cette période et essayent de maintenir leur activité pour répondre aux attentes de leur formation universitaire.

Dans ce cadre, nous avons diffusé, le 3 décembre, un questionnaire comprenant 90 questions, distinguant quatre axes d’analyse relatifs à leur situation individuelle, leur suivi des cours pendant cette période, l’organisation de leur travail personnel et enfin leur point de vue sur cet enseignement à distance contraint.

À la date du 15 décembre, l’étude déjà comptabilise 6320 réponses, venant majoritairement de femmes (67 %), pour 33 % d’hommes, soit dix points au-dessus par rapport aux statistiques nationales. La tranche d’âge va de 18 à 20 ans (44,33 %) et de 20 à 25 ans (48,3 %). 41,7 % des répondants suivent des études dans le secteur des Sciences et des Technologies, 22,9 % dans le secteur des Arts, Lettres, Langues et Sciences humaines, 23 % en STAPS.

Le panel se décompose en 42,2 % étudiants boursiers et 57,8 % non boursiers, un chiffre légèrement supérieur à ceux fournis par le ministère (37 %). En majorité, les étudiants répondants vivent seuls (85,5 %) et habitent en cette période de confinement chez leurs parents (51,1 %).

74,6 % des étudiants interrogés suivent la totalité de leurs enseignements à distance. Pour 95,2 % d’entre eux, les cours se font sous forme de visioconférences, à suivre en direct de manière synchrone. Ils sont 75,3 % à se dire assidus.

La majorité d’entre eux (66.7 %) considèrent que les outils et services numériques fournis par l’université sont satisfaisants. Néanmoins, 41,4 % disent ne pouvoir rester concentrés plus d’1h, ou 2h pour 28,1 %, alors que, pour 52,6 % des étudiants, la fréquence des cours est de plus de 8 cours par semaine, ce décalage pesant sur les apprentissages.

Sensation d’isolement

D’un point de vue matériel, 51,1 % des étudiants considèrent leurs conditions acceptables pour suivre les enseignements à distance mais 9 % se déclarent dans une situation précaire. Les difficultés rencontrées pendant cette période concernent majoritairement l’organisation de leur travail personnel, la compréhension des contenus des cours et le manque d’interactions avec les autres étudiants (50,2 %).

En effet, les étudiants estiment, pour 54,9 % d’entre eux, que le temps de travail personnel a augmenté pendant cette période. Avant le passage à l’enseignement à distance, 66 % des étudiants interrogés estimaient que le suivi des cours leur prenait le plus de temps, à présent 70,5 % d’entre eux estiment que c’est le travail personnel qui leur prend plus de temps.

Par ailleurs, la majorité des étudiants soulève le problème du manque d’interactions avec les autres étudiants et leurs enseignants ainsi qu’un sentiment d’isolement. 74,5 % des étudiants estiment en effet avoir beaucoup moins d’interactions pendant les cours avec les autres étudiants que lorsqu’ils suivaient leurs études en présentiel.

On peut ainsi noter que 56,9 % disent ne pas participer à du travail de groupe ou ne pas s’organiser avec leurs camarades pour travailler ensemble en dehors des cours. Par conséquent, 61,2 % d’entre eux ont le sentiment que l’enseignement à distance diminue les échanges entre étudiants. Ce sentiment est d’autant plus vrai chez les néo-bacheliers inscrits en première année d’étude supérieure : 71,2 % de ces nouveaux étudiants se sentent isolés.

Enfin, 68,7 % des étudiants disent être beaucoup moins en interaction avec leurs enseignants. Ces premiers résultats ouvrent des pistes de réflexions sur le rôle et les modalités des interactions dans l’apprentissage à distance.

Difficultés d’organisation

Le contexte de l’enseignement à distance en cette période semble également avoir un impact sur le ressenti des étudiants quant à leur diplôme ou à la poursuite de leurs études. 71 % se trouvent moins efficaces en contexte d’enseignement à distance par rapport au présentiel.

Ainsi, 57,5 % des étudiants interrogés pensent que le contexte de crise sanitaire et ses contraintes perturbent leur capacité à poursuivre leurs études. Enfin, notons que pour 46,1 % des répondants ont le sentiment que leur diplôme sera de moins valeur cette année.

Les premières tendances qui apparaissent à travers les réponses des étudiants concernés laissent donc à penser que l’enseignement à distance, tel qu’il est mis en place, est vécu comme une situation majoritairement pesante. Le manque de contacts avec les enseignants et de partages d’expérience avec d’autres, souvent sources de motivation, semblent fragiliser d’une façon ou d’une autre la situation personnelle des étudiants, interrogeant ainsi l’impact sur les apprentissages.

Ces premières tendances ouvrent également la voie à un focus particulier sur la situation spécifique des néo-bacheliers, des secteurs disciplinaires, mais également des étudiants en situation de handicap, ou à besoins particuliers, une réalité qui n’échappera pas à notre enquête, faisant aussi écho aux adaptations mises en œuvre par les enseignants.

Cette recherche se poursuit et le questionnaire est toujours accessible à toutes les étudiantes et tous les étudiants désireux de partager leur point de vue sur cette situation.


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