La nouvelle lutte des places au coeur du livre “panne de secteur” de Philippe B. Grimbert

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SOURCE : Marianne

Dans « Panne de secteur », Philippe B. Grimbert brosse avec humour un tableau peu reluisant des classes moyennes parisiennes, obsédées par la concurrence sociale.

Paul et Sylvie habitent à la jonction des Xe et XIXe arrondissement de Paris, dans un soixante mètres carrés, avec leur unique fille, Bérénice. Membres de la classe moyenne supérieure, lui est chercheur en biologie cellulaire dans un organisme public, elle est chargée de mission dans le cadre des politiques et investissements culturels auprès des collectivités territoriales de la région Île-de-France. Dans une société en proie au déclassement et dans laquelle la compétition est de plus en plus féroce, Paul est obsédé par la réussite de sa fille.

DU COLLÈGE DE MERDE À HENRI-IV

Il lui fait d’abord passer un test de quotient intellectuel, mais le résultat est décevant : « Certes il y était mentionné la bonne capacité d’analyse visuelle ainsi qu’une excellente aptitude spatiale de même que des connaissances lexicales très légèrement supérieures à celles des enfants de son âge, mais tout ceci n’atténuait que très modestement la fébrilité certaine aux épreuves chronométrées, ou la capacité d’attention et de concentration moyenne et surtout la note finale, la sanction suprême, la valeur numérique des résultats du test qui écartait Bérénice des tranches supérieures. »

Deuxième désillusion pour le père de famille, « l’annonce de la création d’une classe de primo-arrivants et des effets immédiats sur les tenues vestimentaires arborées par les mères de famille lors des réunions pédagogiques ou les sorties de classes. » Malgré ses valeurs progressistes (« tolérance » et « ouverture »), « il considéra cet événement comme la marque ultime d’une sorte de menace insidieuse, ou pour dire les choses plus crûment, comme il le confia à Sylvie en ce début de printemps, la preuve tangible que Bérénice était scolarisée dans un collège de merde et qu’il fallait rapidement trouver une solution qui ne compromette pas de manière irréversible le reste de son parcours scolaire, l’accès aux classes préparatoires sans parler du reste. »

Le salut vient alors de leur ancienne femme de ménage malienne : Fatoumata Diallo M’bamba. Désormais concierge d’un immeuble de la rue du Cardinal-Lemoine, sa fille Amina bénéficie « par les hasards de la sectorisation, d’une épanouissante scolarité au collège Henri-IV, le fleuron des collèges, lycées et classes préparatoires de la région parisienne. » Sylvie décide alors de payer Fatoumata afin que Bérénice puisse bénéficier de son adresse. Celle-ci s’épanouit dans sa nouvelle école au point d’entrer en classe préparatoire, où elle rencontre Aymeric, dont elle tombe amoureuse. D’origine sociale très modeste, ce dernier a grandi à Bourg-en-Bresse au sein d’une famille monoparentale. Transclasse en devenir aux inclinaisons gauchistes, il méprise la petite bourgeoisie parisienne qu’il fréquente à Henri-IV. Cette relation s’avèrera toxique pour Bérénice, mais également pour Paul et Sylvie.

Avec ce premier roman qui peut être qualifié de « social », Philippe B. Grimbert, médecin parisien, analyse avec justesse la classe moyenne supérieure parisienne. Effrayée par le déclassement et obsédée par la réussite scolaire de ses progénitures, elle vit dans une ville qui lui est de plus en plus hostile – augmentation des prix de l’immobilier oblige. Enfin, cette subtile tragicomédie met en évidence un double discours permanent. Alors qu’elle se prétend favorable à la diversité, la petite bourgeoisie urbaine fait tout pour se protéger d’elle. Tandis que les individus qui la composent prônent la solidarité, ils sont en perpétuelle concurrence les uns avec les autres. Paul, Sylvie et Bérénice sont tous les trois victimes de cette situation.  Le prochain roman de Philippe B. Grimbert paraît le 10 mars. Espérons qu’il confirme le potentiel entrevu dans ce premier livre.

Philippe B. Grimbert, Panne de secteurLe Dilettante, 224 p., 17,50 euros


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