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SOURCE : Lundi matin
Le journaliste Julian Assange, considéré comme responsable de la divulgation d’informations secret défense, sera-t-il extradé vers les États-Unis pour y être condamné à la prison à vie ? Après des mois d’audience, la juge londonienne Vanessa Baraister doit rendre son verdict ce lundi 4 janvier. Dans la lignée des nombreux articles que nous avons publié sur ce procès au long court, nous publions aujourd’hui des extraits des conclusions portées par la défense [1]
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PRÉFACE
Ces conclusions sont destinés à remplacer les soumissions écrites présentées en août. [2]
Elles sont divisés en cinq parties :
La partie A contient le résumé d’introduction. Elle traite pour commencer de la nature politique des actions de Julian Assange et des ’opinions politiques’ qu’il traduisait en actes ; puis de l’historique de l’affaire pour en montrer la motivation politique. Elle examine ensuite la violation du traité anglo-étasunien que représente l’extradition de Julian Assange pour ’délits politiques’ ; et les objections en vertu de l’article 81(a) à cause des motivations politiques de l’accusation, ainsi qu’en vertu de l’article 81(b) à cause du risque, une fois extradé, de préjudices en raison de ses ’opinions politiques’ et de sa nationalité étrangère.
La partie B traite du fait que le comportement présumé de Julian Assange ne constitue pas une infraction passible d’extradition et que la véritable nature de sa conduite a été délibérément et grossièrement mal décrite afin de présenter sa conduite comme criminelle (l’argument de l’abus de Zakrewski). La partie B présente ensuite l’argument selon lequel l’accusation l’expose à un déni flagrant de ses droits à la liberté d’expression en vertu de l’article 10, ainsi qu’à un déni flagrant des obligations de prévisibilité et de certitude consacrées par l’article 7.
La partie C aborde de manière prospective le risque très réel, et même la probabilité, qu’il subisse un déni de justice flagrant contraire à l’article 6 s’il est jugé et condamné aux États-Unis. Elle traite également du non respect de l’article 3 par l’établissement d’une peine disproportionnée et de conditions de détention inhumaines auxquelles il est susceptible d’être confronté aux États-Unis, en raison de son statut spécial et de sa vulnérabilité psychologique particulière. Enfin, elle traite du caractère globalement oppressif de son extradition en raison à la fois de ses troubles mentaux (article 91) et du long laps de temps qui s’est écoulé depuis les publications en question (article 82).
La partie D traite de l’injustice qui découle de l’ajout tardif du deuxième acte d’accusation qui le remplace le premier.
La partie E contient les conclusions des raisons pour lesquelles cette demande d’extradition doit être refusée.
PARTIE A
1. Introduction
1.1 Maintenant que la Cour a entendu les preuves, il est possible de prendre du recul et de souligner que tant l’accusation que la demande d’extradition sont extraordinaires, sans précédent et politisées de plusieurs façons frappantes :
i. Premièrement, l’extradition de M. Assange n’est demandée pour aucune des infractions habituelles passibles d’extradition, telles que le meurtre, le trafic de drogue ou la fraude, qui sont clairement couverts par le traité. Il n’est pas non plus recherché pour quelque acte terroriste que ce soit. Bien plutôt, son extradition est demandée pour l’infraction extraordinaire d’espionnage, universellement reconnu comme un ’délit politique’. Or l’extradition pour de tels délits politiques est expressément exclue en vertu de l’article 4(1) du traité anglo-étasunien, qui est le seul fondement juridique de cette demande en droit international.
ii. Deuxièmement, la poursuite judiciaire elle-même est sans précédent aux États-Unis car elle vise à criminaliser l’obtention et la publication d’informations relatives à la ’sécurité nationale’. Tous les témoins interrogés sur la question, du professeur Feldstein à Trevor Timm, d’Eric Lewis à Daniel Ellsberg, ont reconnu que cette poursuite était sans précédent.
iii. Troisièmement, l’histoire très inhabituelle de cette poursuite judiciaire pointe vers une motivation politique claire, étant donné le dépot tardif en 2018 par l’administration Trump d’accusations remontant aussi loin que 2010 et 2011. Comme la Cour le sait, les événements impliquant Chelsea Manning ont eu lieu il y a une décennie. Puis une décision a été prise sous l’administration Obama en 2013 selon laquelle il n’y aurait pas de poursuites judiciaires ; d’ailleurs il n’y a pas eu de poursuites sous l’administration Obama pour des raisons claires de principe constitutionnel. Mais les poursuites ont ensuite été engagées sous la pression expresse du président Trump, de ses adjoints politiques, Mike Pompeo et Jeffrey Sessions en 2018, et se sont considérablement étendues sous la direction du procureur général Barr en 2019. Cela faisait partie d’un plan concerté de l’exécutif, tout d’abord pour handicaper sa défense juridique en ciblant ses avocats, et pour le faire inculper, expulser de l’ambassade et extrader ; et ensuite pour assurer l’escalade des accusations portées contre lui dans les deux actes d’accusation qui se sont succédés. Cette escalade elle-même faisait partie d’un programme politique ouvertement destiné à accroître l’ampleur des accusations et la pression sur Julian Assange.
iv. Quatrièmement, l’histoire de ces poursuites s’est accompagnée d’une série d’actes exécutifs extraordinaires portant atteinte à l’État de droit. Cela a commencé avec les accusations publiques préjudiciables répétées contre Julian Assange par le président Trump et Mike Pompeo, et a été suivi par une activité criminelle de surveillance illégale qui fait actuellement l’objet d’une enquête de l’Audiencia Nacional, la Haute Cour espagnole [3], activité qui s’est même étendue à un complot d’assassinat ou d’enlèvement de Julian Assange, et au ciblage actif de ses avocats, de ses médecins et même de son fils nouveau-né
v. Enfin, il existe des preuves que les droits humains fondamentaux de M. Assange seront menacés en cas d’extradition. L’accusation sera libre de demander une peine grossièrement disproportionnée en raison de la multiplicité des accusations d’espionnage portées contre lui. Et il sera exposé au risque très réel d’être détenu dans un isolement inhumain dans le cadre de Mesures Administratives Spéciales (SAM) [4], tant avant qu’après le procès. Une telle détention serait totalement disproportionnée compte tenu de la nature de sa conduite, et profondément dangereuse compte tenu de sa vulnérabilité psychologique. En résumé, il sera exposé au risque d’un traitement arbitraire, disproportionné et injuste en prison parce que le droit américain permet et autorise la détention indéfinie en isolement, et dans ce cas particulier, la manière dont le directeur et le président de la CIA ont caractérisé le défendeur rend très probable un isolement extrême par le biais de Mesures Administratives Spéciales. Cela inclut le risque de détention dans les conditions draconiennes et inhumaines du centre de détention ADX de Florence, Colorado.
Déroulé de ces conclusions
1.2. Dans ces conclusions, nous résumerons d’abord le contexte politique de cette affaire – la philosophie politique de WikiLeaks et de Julian Assange en tant que champions de la transparence et de la responsabilité démocratiques, les objectifs clairement politiques de la conduite pour laquelle il est inculpé, notamment l’exposition de crimes de guerre, de torture et de restitutions (section 2). Nous nous pencherons ensuite sur le fait qu’il n’a pas été poursuivi sous l’administration Obama, alors que Chelsea Manning l’a été ; et la raison pour laquelle il a été décidé de ne pas le poursuivre au motif qu’il n’y avait pas de distinction nette entre sa conduite et celle des autres journalistes (Section 3). Nous passons ensuite à la section 4 à l’historique des poursuites sous l’administration Trump ; l’approche hautement politisée et hostile à l’égard de Julian Assange ; les dénonciations publiques du président Trump, de Sessions et de Pompeo à la suite de publications exposant les États-Unis ; la décision de le poursuivre et de provoquer son expulsion de l’ambassade équatorienne par l’intervention de Richard Grenell sur ordre du président Trump lui-même ; puis la décision prise sous la direction politique du procureur général Barr de faire monter la pression et de porter un acte d’accusation injustifié et sans précédent contenant 17 nouveaux chefs d’accusation d’’espionnage’ – en violation du traité anglo-étasunien et malgré les fortes objections des procureurs du Département de la Justice. Enfin, nous abordons la manipulation supplémentaire de l’État de droit par l’introduction à la dernière minute du deuxième acte d’accusation remplaçant l’ancien (section 4). La section 5 traite des abus de l’État de droit qui l’accompagnent. Il s’agit notamment de l’atteinte au secret professionnel des avocats, de la surveillance à l’ambassade et de la flagrante utilisation abusive du système de justice pénale, illustrée par la proposition d’un accord portée le membre républicain du Congrès Rohrabacher au nom du président, prévoyant une grâce en échange de la divulgation de la source des courriels du DNC publiés par WikiLeaks lors des élections américaines de 2016.
Succession de dénonciations de procédure abusive
1.3 Nous abordons ensuite les trois façons dont ces actions en justice constituent une procédure abusive
1.4. Premièrement, la demande vise à obtenir l’extradition pour ce qui est un ’délit politique’ classique. En effet, d’une part, l’espionnage est habituellement reconnu comme un ’délit politique pur’ et, d’autre part, les allégations portent sur un comportement politique classique, visant à ’influencer la politique du gouvernement’ et/ou à ’l’inciter à changer de politique’ selon les critères énoncés dans l’arrêt Cheng Tzu Tsai contre le gouverneur de la prison de Pentonville [1973] AC 931, Lord Diplock, p. 943 c et 945 e-f. C’est ce qu’a démontré le professeur Rogers, éminent professeur émérite d’études sur la paix à l’université de Bradford. L’extradition pour un délit politique est expressément interdite par l’article 4(1) du traité d’extradition anglo-américain. Par conséquent, le fait d’exiger de cette Cour qu’elle extrade sur la base du traité anglo-étasuninen dans des circonstances qui constituent une violation manifeste des dispositions expresses du traité (section 6) constitue une procédure abusive.
1.5 Deuxièmement, les poursuites sont engagées pour des motifs politiques ultérieurs et non en bonne foi. Cela est démontré par la chronologie elle-même, les dérogations à la pratique établie, les dénonciations véhémentes à l’encontre d’Assange par des responsables de l’administration Trump et la preuve apportée par une journaliste basée à Washington DC, Cassandra Fairbanks, d’un plan pré-concerté impliquant le président lui-même pour expulser Julian Assange de l’ambassade et l’extrader vers les États-Unis. Un tel abus justifie la suspension de la procédure par l’application de la juridiction reconnue dans les affaires successives R (Bermingham et autres) contre Directeur du Serious Fraud Office [2007] QB 727 et R (Gouvernement des États-Unis) contre Bow Street Magistrates’ Court [2007] 1 WLR 1157 (’Tollman’) (Section 7).
1.6 Troisièmement, la demande effectuée par les États-Unis déforme complètement les faits afin de faire entrer cette affaire dans le cadre d’une infraction passible d’extradition ; à la fois en déclarant faussement que Julian Assange a aidé matériellement Chelsea Manning à accéder à des informations relatives à la sécurité nationale ; et ensuite en déclarant faussement qu’il y a eu une divulgation imprudente des noms de certaines personnes (comme allégué dans les chefs d’accusation 15, 16, 17). Ce point engage la juridiction reconnue dans les affaires successives Castillo contre Espagne [2005] 1 WLR 1043, Espagne contre Murua [2010] EWHC 2609 (Admin), et Zakrzewski contre Cour régionale de Lodz, Pologne [2013] 1 WLR 324. Cette question est traitée dans la partie B.
Succession de motifs obligatoires de refus de l’extradition
1.7 Enfin, nous abordons les protections spéciales prévues par le traité d’extradition de 2003 (’le Traité de 2003’) et la succession de motifs de refus obligatoire à l’extradition qui sont invoqués. Nous les aborderons successivement.
1.8. Premièrement, l’extradition est interdite en vertu de l’article 81a de la loi de 2003 en raison de la motivation politique de la demande et parce qu’elle ’est en réalité faite dans le but de le poursuivre ou de le punir en raison de ses … opinions politiques’. La demande a été adressée à l’encontre de M. Assange en raison des opinions politiques qui ont guidé ses actions. La nature de ces ’opinions politiques’ a maintenant été analysée et expliquée à la Cour par les professeurs Rogers et Chomsky et par Daniel Ellsberg. Ils ont également montré comment et pourquoi ces opinions l’ont mis en conflit avec l’administration Trump et la CIA avec pour conséquence d’être visé par cette accusation et cette demande d’extradition. Les États-Unis n’ont pas contesté l’affirmation de ces témoins selon laquelle M. Assange a des ’opinions politiques’ liées à la transparence, la responsabilité démocratique, l’opposition à la surveillance, l’opposition aux crimes de guerre et aux violations des droits de l’Homme. L’accusation n’a pas non plus contesté les preuves de Rogers, Ellsberg et Chomsky selon lesquelles ces opinions ont motivé sa conduite. Tout ce qu’ils contestent, c’est que l’accusation elle-même a été formulée en raison de ses opinions politiques plutôt que par souci légitime de punir les crimes ordinaires. Pourtant, la nature sans précédent de l’accusation, sa chronologie, la désignation spécifique de M. Assange comme acteur politique par cette administration et le fait qu’elle ait été engagée sous l’administration Trump en réponse directe à la position politique perçue de M. Assange montrent de façon écrasante que c’est le cas. Le procureur adjoint des États-Unis, M. Kromberg, ne s’est pas soumis au contre-interrogatoire de la Cour et a refusé à la défense la possibilité de contester son affirmation fade et facile selon laquelle le Département de la Justice n’était pas motivé par des raisons politiques face à des preuves accablantes selon lesquelles, dans cette affaire, des pressions ont été exercées sur les procureurs du Département de la Justice par des responsables politiques telles que Pompeo, Sessions et Barr (section 8).
1.9 De plus, nous soutenons que l’extradition est prohibée en vertu de l’article 81b car elle expose M. Assange à un risque réel de discrimination en raison de ses ’opinions politiques’ et de sa nationalité étrangère à chaque étape du processus de justice pénale aux États-Unis (article 9). Les États-Unis ont déjà indiqué qu’ils pourraient arguer que la protection du premier amendement lui est refusée en raison de son statut d’étranger et de ressortissant australien (première déclaration de Kromberg, paragraphe 71). Son procès se déroulera devant un jury composé à partir d’un groupe avec une forte représentation d’employés, d’ex-employés, de contractants de la défense et des renseignements ainsi que leurs proches (Prince 1, volume E, onglet 1), dans un tribunal situé à une quinzaine de kilomètres seulement du siège de la CIA. Enfin, l’exécutif dispose de pouvoirs étendus et pratiquement irrévocables pour invoquer contre lui les Mesures Administratives Spéciales (SAM) et lui refuser ainsi les droits d’association les plus fondamentaux sur la base de prétendues préoccupations de sécurité nationale. Ce sont les raisons mêmes qui ont déjà été avancées de manière agressive par Pompeo à la tête de la CIA, qui identifie Julian Assange comme un acteur politique ayant pour objectif de nuire aux États-Unis, et WikiLeaks comme une organisation qui possède des informations, publiées et non publiées, qui pourraient ’nuire’ aux intérêts américains. Les prétendues motivations politiques attribuées à Julian Assange par l’administration, et la nature de WikiLeaks en tant qu’éditeur d’informations authentiques sont ce qui l’expose à la probabilité écrasante de Mesures Administratives Spéciales. En outre, la capacité d’abuser du pouvoir d’imposer des MAS à des fins discriminatoires a été reconnue dans le témoignage de Joel Sickler (Sickler, pièce 7, p 22).
1.10. Ensuite, il est soutenu que, conformément à l’article 82, il serait injuste et oppressif d’extrader Julian Assange en raison du temps écoulé depuis les infractions présumées et de l’effet que cette extradition aurait maintenant sur sa famille et ses jeunes enfants. Dans les années après 2011, il s’est effectivement construit une nouvelle vie dans ce pays. Bien que Julian Assange ait pu craindre d’être persécuté en raison de ses activités politiques et des publications qu’il a faites en 2010 et 2011, son cas est totalement différent de celui d’un accusé qui aurait commis un crime ordinaire et qui vivrait simplement dans l’espoir de ne pas être poursuivi pour cela. Dans cette mesure, le point de l’article 82 recoupe le point de l’article 7, présenté ci-dessous. Ce point est traité dans la partie C.
1.11.Troisièmement, cela l’exposerait plus avant à un déni flagrant de ses droits à la liberté d’expression au titre de l’article 10, de recevoir et de communiquer des informations et de protéger ses sources journalistiques. Cela l’exposerait plus avant à une violation de l’article 7, car cela impliquerait une extension nouvelle et imprévisible de la loi (partie B).
1.12.Quatrièmement, l’extradition est interdite en vertu du s87 de la loi de 2003 car elle exposerait Julian Assange à un déni complet de son droit à un procès équitable en vertu de l’article 6 (partie C).
Traitement inhumain et oppression de par les conditions de détention
1.13. Cinquièmement, l’extradition est interdite parce qu’elle exposerait Julian Assange à un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. En effet, le système américain et les directives applicables (expliquées par Eric Lewis et Tom Durkin) pointent vers l’imposition probable d’une peine totalement disproportionnée pour le comportement allégué dans cette affaire, équivalant en fait à une peine de prison à vie. Ceci est une conséquence directe de la décision judiciaire de l’inculper de 17 chefs d’accusation distincts d’espionnage et de le rendre ainsi potentiellement passible d’une peine de 175 ans. En outre, il y a alors, de manière distincte, tout le risque qu’il soit exposé à une détention dans des conditions d’isolement dans le cadre des MAS avant le procès et à une détention indéfinie dans le cadre des MAS à ADX Florence après le procès. Tant la Haute Cour anglaise que la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans le litige Ahmed ont reconnu que la détention indéfinie en isolation dans ces conditions pourrait violer l’article 3. Et tant la Haute Cour anglaise que la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont reconnu que l’incarcération de prisonniers souffrant de troubles mentaux dans de telles conditions peut constituer une inhumanité contraire à l’article 3 ou une forme d’oppression (voir l’affaire Lauri Love et Aswat contre le Royaume-Uni). Cette question est traitée dans la partie C.
1.14.Sixièmement, l’extradition devrait être refusée en vertu de s91 car il serait injuste et oppressif d’extrader M. Assange en raison de son état mental et du risque élevé de suicide s’il est extradé. Tous les psychiatres ont convenu que Julian Assange souffre de dépression clinique. Tous les psychiatres, tant pour l’accusation que pour la défense, ont convenu que l’isolement pourrait sérieusement aggraver un tel état et que c’est précisément le risque d’isolement dans une prison américaine combiné à l’état clinique reconnu de M. Assange qui rend son extradition abusive, et crée en outre un risque de suicide inacceptablement élevé (Partie C).
CONCLUSION
24.29. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, il est soutenu que cette demande d’extradition doit être refusée. Ceci parce qu’elle est politiquement motivée, qu’elle constitue une procédure abusive pour cette Cour et est une violation évidente des obligations du traité anglo-étasunien qui régit cette extradition. Quant à l’avenir, elle expose M. Assange au risque réel de poursuites judiciaires totalement imprévisibles dans le cadre d’une extension capricieuse de la loi, ainsi qu’à un procès et à une procédure de condamnation qui constituent un déni de justice flagrant. Elle l’expose en outre à des préjudices et des discriminations en raison de ses opinions politiques et de sa nationalité étrangère, ainsi qu’à la quasi-certitude de conditions d’emprisonnement à la fois inhumaines et oppressives. Enfin, cette poursuite judiciaire sans précédent constitue un déni flagrant de son droit à la liberté d’expression et représente une menace fondamentale pour la liberté de la presse dans le monde entier.
Edward Fitzgerald QC
Mark Summers QC
Ben Cooper QC
Florence Iveson
6 Novembre 2020
Traduction française Challengepower.info
[1] L’intégralité de ces conclusions, soit 252 pages, sont disponibles en anglais ici https://challengepower.info/_media/eh2_court_documents/2020.11.06_assange_extradition_hearings_assange_defence_closing_submissions.pdf
[2] (NdT) Les Defence Closing Submissions, que nous traduisons ici par Conclusions de la Défense, est un document remis par la défense de Julian Assange à la juge Vanessa Baraister en novembre 2020 au terme de la deuxième partie de l’audience d’extradition à Londres, afin que la Cour puisse rendre son verdict, attendu le 4 janvier 2021. Sont traduits ici de brefs extraits : la préface, l’introduction, et la conclusion. Détaillant cette affaire judiciaire historique pour la liberté d’informer et les droits humains fondamentaux à travers le sort d’un journaliste prisonnier politique au Royaume-Uni, ce document de grand intérêt comprend 252 pages et est disponible ici : https://challengepower.info/_media/eh2_court_documents/2020.11.06_assange_extradition_hearings_assange_defence_closing_submissions.pdf
[3] Au moment de la rédaction de ces lignes, le bureau du procureur allemand a également ouvert une enquête sur les activités d’UC Global. Voir https://www.computerweekly.com/news/252486923/Former-UC-Global-staff-confirm-Embassy-surveillance-operation-against-Julian-Assange
[4] (NdT) Special Administrative Measure : « Une mesure administrative spéciale (SAM) est un processus prévu par la législation américaine par lequel le procureur général des États-Unis peut ordonner au Bureau des prisons des États-Unis d’utiliser des ’mesures administratives spéciales’ concernant l’hébergement et la correspondance de certains détenus et les visites à ceux-ci » source Wikipedia