“Déclaration pour la vie”: les zapatistes annoncent leur venue en Europe

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SOURCE : Reporterre

«<small class="fine d-inline"> </small>Déclaration pour la vie<small class="fine d-inline"> </small>» : les zapatistes annoncent leur venue en Europe

En 2021, une délégation zapatiste venue du Chiapas insurgé, dans le sud du Mexique, parcourra les cinq continents. Les rebelles décrivent, dans leur Déclaration pour la vie, le but de leur périple : rencontrer celles et ceux qui, partout dans le monde, dans leur variété et leurs différences, luttent contre les exploitations et les persécutions, contre la destruction de la planète ; en un mot, contre le capitalisme.

– Présentation par Reporterre : Au moment de célébrer le 27ᵉ anniversaire de leur soulèvement du 1ᵉʳ janvier 1994, les zapatistes du Chiapas ont rendu publique une « Déclaration pour la vie », confirmant leur intention de se rendre sur les cinq continents, à commencer par l’Europe, qu’ils sillonneront de juillet à octobre prochain. C’est l’aboutissement d’un projet commencé voici trois mois avec un texte intitulé « Une montagne en haute mer », et qui a précisé l’audacieuse aventure des rebelles mayas du Sud-Est mexicain.

Un tel voyage est un moment important dans la trajectoire des zapatistes. Hormis deux délégués s’étant rendus en Espagne en 1997, c’est la première fois qu’ils sortent du Mexique. En 2021, la délégation zapatiste comportera plus d’une centaine de membres et sera aux trois quarts composée de femmes.

Depuis un quart de siècle, des milliers de personnes venues d’Europe ou d’autres continents se sont rendus au Chiapas pour en apprendre davantage sur cette lutte atypique qui a réussi à construire des formes d’autonomie à une échelle peu commune. Cette fois, ce sont les zapatistes qui voyagent vers nous. Pour partager leur expérience, mais surtout pour aller à la rencontre des luttes qui palpitent partout en Europe et sur les autres continents. Et ainsi continuer à tisser des liens d’interconnaissance et d’échange entre des formes de résistance et de rébellion diverses et pourtant interdépendantes.

Pour l’heure, ils nous invitent à nous préparer aux rencontres dont ce voyage sera l’occasion et proposent cette « Déclaration pour la vie », déjà signée par des centaines de collectifs, d’organisations et de personnes de très nombreux pays.


Une déclaration… pour la vie

1er janvier 2021

Aux peuples du monde :
Aux personnes qui luttent sur les cinq continents :
Frères, sœurs, froeurs, compañer@s :

Durant ces derniers mois, nous avons pris contact entre nous de différentes manières. Nous sommes des femmes, des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transgenres, des travestis, des transsexuels, des personnes intersexes, des queers et d’autres encore, hommes, groupes, collectifs, associations, organisations, mouvements sociaux, peuples originaires, associations de quartier, communautés et un long etcétéra qui nous donne une identité.

Nos différences et les distances entre nous viennent des terres, des cieux, des montagnes, des vallées, des steppes, des déserts, des océans, des lacs, des rivières, des sources, des lagunes, des races, des cultures, des langues, des histoires, des âges, des géographies, des identités sexuelles ou pas, des racines, des frontières, des formes d’organisation, des classes sociales, des capacités financières, du prestige social, de la popularité, des followers, des likes, des monnaies, des niveaux de scolarité, des manières d’être, des préoccupations, des qualités, des défauts, des pour, des contre, des mais, des cependant, des rivalités, des inimitiés, des conceptions, des argumentations, des contre-argumentations, des débats, des différends, des dénonciations, des accusations, des mépris, des phobies, des philies, des éloges, des rejets, des abus, des applaudissements, des divinités, des démons, des dogmes, des hérésies, des goûts, des dégoûts, des manières d’être, et un long etcétéra qui nous rend différents et bien des fois nous oppose.

Il n’y a que très peu de choses qui nous unissent :

Faire nôtres les douleurs de la terre : la violence contre les femmes, la persécution et le mépris contre les différentEs dans leur identité affective, émotionnelle, sexuelle ; l’anéantissement de l’enfance ; le génocide contre les peuples originaires ; le racisme ; le militarisme ; l’exploitation ; la spoliation ; la destruction de la nature.

Comprendre que le responsable de ces douleurs est un système. Le bourreau est un système exploiteur, patriarcal, pyramidal, raciste, voleur et criminel : le capitalisme.

Savoir qu’il n’est pas possible de réformer ce système, ni de l’éduquer, de l’atténuer, d’en limer les aspérités, de le domestiquer, de l’humaniser.

S’être engagé à lutter, partout et à toute heure — chacunE là où on se trouve — contre ce système jusqu’à le détruire complètement. La survie de l’humanité dépend de la destruction du capitalisme. Nous ne nous rendons pas, nous ne nous vendons pas, nous ne titubons pas.

Des femmes zapatistes.

Avoir la certitude que la lutte pour l’humanité est mondiale. De même que la destruction en cours ne reconnaît pas de frontières, de nationalités, de drapeaux, de langues, de cultures, de races, la lutte pour l’humanité est en tous lieux, tout le temps.

Avoir la conviction que nombreux sont les mondes qui vivent et qui luttent dans le monde. Et que toute prétention à l’homogénéité et à l’hégémonie attente à l’essence de l’être humain : la liberté. L’égalité de l’humanité se trouve dans le respect de la différence. C’est dans sa diversité que se trouve sa ressemblance.

Comprendre que ce n’est pas la prétention d’imposer notre regard, nos pas, nos compagnies, nos chemins et nos destins qui nous permettra d’avancer, mais la capacité à écouter et à regarder l’autre qui, distinct et différent, partage la même vocation de liberté et de justice.

De par ce qui nous unit, et sans abandonner nos convictions ni cesser d’être ce que nous sommes, nous nous sommes mis d’accord pour :

  • Premièrement : réaliser des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre personnes qui sommes engagées, à partir de différentes conceptions et sur différents terrains, dans la lutte pour la vie. Après, chacun continuera son chemin, ou pas. Regarder et écouter l’autre nous y aidera peut-être, ou pas. Mais connaître ce qui est différent, c’est aussi une partie de notre lutte et de notre effort, de notre humanité.
L’escargot de la vie.
  • Deuxièmement : que ces rencontres et ces activités se réalisent sur les cinq continents. Qu’en ce qui concerne le continent européen, elles se concrétisent durant les mois de juillet, août, septembre et octobre 2021, avec la participation directe d’une délégation mexicaine formée par le Congrès national indigène-Conseil indigène de gouvernement, le Front des villages en défense de l’eau et de la Terre des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala, et par l’Armée zapatiste de libération nationale. Et que nous aiderons selon nos possibilités à ce qu’elles se réalisent, à des dates postérieures encore à préciser, en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.
  • Troisièmement : inviter les personnes qui partagent les mêmes préoccupations et des luttes similaires, toutes les personnes honnêtes et tous les en bas qui se rebellent et résistent dans les nombreux recoins du monde, à rejoindre, à contribuer, à soutenir et à participer à ces rencontres et activités ; et à signer et à s’approprier cette déclaration POUR LA VIE.

Depuis l’un des ponts de dignité qui unissent les cinq continents.

Nous.
Planète Terre.
1er janvier 2021.


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