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SOURCE : Tend marxiste internationale
La candidature de Jean-Luc Mélenchon est au centre des discussions sur la prochaine élection présidentielle. Les directions de toutes les forces de gauche se sont exprimées sur le sujet. Dans les mois qui viennent les débats vont s’intensifier. Quelle est la position de Révolution sur cette question ?
Crise sociale et polarisation politique
Le premier tour de la présidentielle se tiendra dans plus de 15 mois. D’ici là, beaucoup d’événements imprimeront leur marque sur la campagne électorale. Mais une chose est certaine : cette campagne se déroulera dans le contexte d’une crise sociale extrêmement sévère. Sous l’impact d’une crise économique d’une gravité inédite depuis les années 30, le chômage, la misère et toutes les formes de précarité ne cessent de croître. Or personne, pas même les analystes bourgeois les plus optimistes, ne s’imagine que le train de la régression sociale va interrompre sa course folle dans les tous prochains mois.
Dès lors, on peut s’attendre, en 2021, à des luttes explosives, notamment contre des fermetures d’entreprises. De grands mouvements de masse sont également possibles, même si la passivité des directions syndicales y fait obstacle. Mais on doit aussi et surtout s’attendre à une intensification de la polarisation politique – vers la droite et vers la gauche. Des millions de jeunes et de travailleurs chercheront une alternative radicale aux partis qui ont gouverné le pays ces dernières décennies : LR, le PS et, désormais, LREM, qui n’a pas fait longtemps illusion.
Ces trois dernières années, le rejet croissant du « système » et des partis traditionnels a surtout bénéficié au RN de Marine Le Pen. A l’inverse, la France insoumise (FI) n’a pas réussi à consolider son énorme succès d’avril 2017. A notre avis, ce fut la conséquence – entre autres facteurs – d’une modération des idées et du programme défendus par les dirigeants de la FI. Ses revers électoraux, depuis 2017, doivent être interprétés comme un avertissement : plus la FI modère son discours, plus elle recherche des alliances sans principe avec des forces de gauche discréditées (PS et Verts), moins elle trouve d’écho dans les couches les plus exploitées et les plus opprimées de la population.
Le PS et les Verts
Ceci étant dit, la crise du capitalisme et le rejet du gouvernement Macron peuvent déterminer des mouvements électoraux massifs en direction de la FI, et ce, malgré ses limites et ses erreurs. Beaucoup de jeunes et de travailleurs qui aspirent à une « rupture » avec l’ordre établi prendront acte du fait qu’il n’y a pas, à gauche, d’alternative à la candidature de Mélenchon.
Bien sûr, il y aura certainement d’autres candidatures, à gauche, que celle de la France insoumise. On ne peut exclure que les dirigeants du PS et des Verts finissent par s’entendre sur une candidature commune, à la faveur d’un accord sur les élections législatives. Au fond, il n’y a à cela aucun obstacle idéologique, puisque les dirigeants du PS et des Verts sont d’accord sur l’essentiel : la défense inconditionnelle du système capitaliste, qu’ils proposent de sauver de sa faillite au moyen de quelques taxes et autres réglementations superficielles. En bref, ils proposent de soigner un cancer avec de l’aspirine – mais de l’aspirine « verte », il est vrai.
Ainsi, que le PS et les Verts s’unissent ou pas, le paysage politique du premier tour de l’élection présidentielle restera fondamentalement le même : la lutte interne à gauche se ramènera à une opposition entre plusieurs tendances réformistes – mais dont l’une (FI) sera perçue, à juste titre, comme plus à gauche que l’autre (ou les autres : PS et Verts). (1)
La position de Révolution
Dans ce contexte, la position générale de Révolution sera la même qu’en 2017 : nous soutiendrons l’aile gauche du camp réformiste (FI) contre son aile droite (PS et Verts), mais sans renoncer à critiquer la gauche et à défendre notre programme révolutionnaire. Nous soutiendrons la candidature de Mélenchon et participerons activement à sa campagne électorale. Dans le même temps, nous expliquerons les limites du programme réformiste de la FI – et la nécessité d’un programme révolutionnaire, d’un programme de rupture avec le système capitaliste.
La direction de la FI a annoncé avoir actualisé le programme de 2017, L’Avenir en commun, pour tenir compte des événements de ces dernières années. Cette actualisation était nécessaire, mais elle n’a rien changé au caractère réformiste de ce programme. L’Avenir en commun propose de taxer lourdement le grand Capital pour financer toute une série de mesures progressistes : augmentation des salaires, des minimas sociaux et des pensions, retraite à 60 ans, embauche massive de fonctionnaires, développement des services publics, gratuité de la santé et de l’éducation, etc…
Ces mesures sont évidemment progressistes et nécessaires. Leur mise en œuvre se traduirait par une très nette amélioration du niveau de vie des masses. Mais il y a un problème. La bourgeoisie française (et internationale) s’y opposera de toutes ses forces et par tous les moyens à sa disposition : grève des investissements, fuite des capitaux, chantage aux plans sociaux et aux délocalisations, flambée des taux d’intérêts, campagne médiatique acharnée, etc. Les grands investisseurs internationaux proclameront à l’unisson : « sauve qui peut ! ». En d’autres termes, un gouvernement de la FI subirait le type de pressions et de chantage qu’a subi le gouvernement grec de Syriza, en 2015.
Le seul moyen de riposter efficacement à une telle offensive de la grande bourgeoisie, c’est de l’exproprier, de nationaliser tous les grands moyens de production – banques, industrie, distribution – et de les placer sous le contrôle démocratique des travailleurs. De telles mesures – des mesures de rupture avec le capitalisme – priveront la grande bourgeoisie des moyens d’exercer son chantage. Or, dans L’Avenir en commun, le périmètre des nationalisations prévues est extrêmement limité : quelques banques, le secteur de l’énergie et les autoroutes. Point. Tout le reste, soit l’essentiel de l’appareil productif, resterait entre les mains des grands capitalistes. C’est la principale carence de ce programme, et si elle n’est pas corrigée, c’est l’ensemble des mesures progressistes de L’Avenir en commun qui seront menacées par les pressions implacables de la bourgeoisie.
Le programme de Syriza, en Grèce, avait le même défaut. Et faute d’exproprier la bourgeoisie grecque, une fois au pouvoir, Tsipras a capitulé. La FI doit tenir compte de cette expérience.
Le Parti Communiste Français
Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, s’est déclaré favorable à une « candidature communiste » à l’élection présidentielle de 2022. Les adhérents du parti se prononceront le 9 mai prochain.
En réalité, le PCF est profondément divisé sur cette question. Face au déclin continu de leur parti, ces dernières décennies, beaucoup de militants redoutent que le PCF soit encore « invisible » s’il ne présente pas de candidat. Par ses déclarations, Fabien Roussel répond à leurs inquiétudes. Mais à l’inverse, de nombreux militants redoutent, non sans raison, qu’une candidature du PCF soit perçue comme une division inutile, un obstacle à la possible victoire de Mélenchon – ce dernier étant beaucoup mieux placé, pour l’emporter, que Fabien Roussel ou tout autre dirigeant communiste.
Ceci étant dit, le véritable problème du PCF, au fond, n’est pas tactique ; il est idéologique et programmatique. La direction du PCF n’est pas communiste ; elle est réformiste – au moins autant, si ce n’est plus, que la direction de la FI. Et tant qu’il en sera ainsi, le PCF ne pourra pas remonter la pente, quelle que soit sa décision tactique pour 2022.
Si la direction du PCF était vraiment communiste, elle prendrait acte des chances de victoire de Mélenchon, en 2022, et adopterait la même position que Révolution. Elle mobiliserait ses militants, sa presse et son appareil pour contribuer à la victoire de la FI, tout en faisant campagne pour un programme de rupture avec le capitalisme. Cette démarche trouverait un écho chez des millions de jeunes et de travailleurs qui souhaitent la victoire de la FI. Cela renforcerait nettement le PCF dans les couches les plus radicalisées de la société. Cependant, force est de constater que la direction actuelle du PCF ne prend pas cette voie.
« L’unité de la gauche »
En 2016, l’idée d’une « candidature unique de toute la gauche », dans la foulée d’une primaire, avait agité beaucoup d’esprits réticents à soutenir Mélenchon. Depuis, les choses ont évolué. Le PCF parle de présenter un candidat, le PS s’y prépare, les Verts aussi. Plus grand monde n’attaque Mélenchon sur le thème de « l’unité de la gauche » – du moins pour le moment.
L’expérience de 2017 est passée par là. Début avril 2017, les sondages donnaient à Mélenchon plus de 10 points d’avance sur Benoît Hamon (PS). La campagne de la FI vibrait d’enthousiasme, celle du PS sentait le souffre. Si Hamon s’était désisté au profit de Mélenchon, ce denier aurait très certainement accédé au deuxième tour – où, face à Macron, il aurait pu l’emporter.
Il est plus difficile, après cela, d’accuser Mélenchon de « diviser la gauche ». Cependant, la question de l’unité restera posée, dans les mois qui viennent. Pour y répondre Mélenchon a annoncé qu’il était prêt à discuter avec toute la gauche des modifications à apporter à son programme. Ce faisant, il semble vouloir rallier des représentants de « l’aile gauche » du PS et des Verts. Si cela se faisait au prix de concessions droitières sur le programme, ce serait une grave erreur. Pour l’emporter, la FI doit chercher, par un programme radical, à convaincre et mobiliser des millions de jeunes, de travailleurs, de chômeurs et de retraités qui, jusqu’alors, s’abstiennent ou votent pour le RN. Si la FI y parvient, sa victoire sera garantie – avec ou sans le soutien de bureaucrates du PS et des Verts qui ne représentent qu’eux-mêmes.
Enfin, la campagne électorale de la FI doit être étroitement liée aux luttes sociales des 15 prochains mois. C’est un élément décisif. Dans un contexte de régression sociale majeure et d’une avalanche de plans sociaux, la direction de la FI ne doit pas abandonner l’organisation des luttes à la direction confédérale de la CGT, qui précisément n’organise rien. Plus la campagne de la FI sera liée aux luttes sociales, plus elle aura d’impact, d’élan et de chances de victoire.