Crise du Covid : “Mais de quoi se plaint-on à la fin ?”

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SOURCE : Marianne

L’écrivain et essayiste Mathieu Terence dénonce la mauvaise gestion de la crise sanitaire du gouvernement.

Ce n’est pas comme si on nous avait menti pendant des mois sur la « nécessité absolue » des masques censés nous protéger contre le virus de la Covid-19. Ce n’est pas comme si, depuis un an, on avait donné tous les noms à cette covid-là pour ne pas la nommer Sras 2, ce qui aurait laissé à penser qu’aucune conséquence n’a été tirée du Sras 1 des années 2002-2004. Ce n’est pas comme si on nous avait fait applaudir pavloviennement le sacrifice et l’abnégation des soignants pour lesquels rien n’a été fait depuis les serments du premier confinement.

Ce n’est pas comme si on continuait, aujourd’hui encore, après « le monde d’après », à supprimer des places dans l’hôpital public, et ce au mépris des engagements claironnés au premier printemps de la contagion. Ce n’est pas comme si on ne pouvait plus ne pas comprendre que ce qui reste du « modèle social français », passé au bain révélateur de la pandémie, est d’ores et déjà condamné par le pouvoir en place. Ce n’est pas comme si le sparadrap de cash sur la jambe de bois du corps social allait, le moment venu, servir d’alibi à un tour de vis supplémentaire en matière d’ « austérité » et de « politique de rigueur ».

Ce n’est pas comme si, pour flouter le scandale que représente notre incapacité à protéger ou soigner un tiers de notre population, on obligeait les deux autres à mener une vie nuisible pour la santé. Ce n’est pas comme si on avait été jusqu’à enjoindre les gens cloîtrés en ville d’aller faire du bénévolat dans les campagnes où la main-d’œuvre clandestine manquait pour cause de lock down. Ce n’est pas comme si on avait lancé des escadrilles d’hélicoptères pour traquer les solitaires sur les plages, ni qu’on avait mis à la couture des milliers de personnes pour, six mois plus tard, ordonner à des centaines de milliers d’autres de jeter au plus vite ces masques en tissus.

Ce n’est pas comme si les décisionnaires usaient de l’interdiction de se regrouper « à des fins de santé publique » pour faire passer des wagons de lois qu’en temps normal les gens feraient dérailler dans la rue. Ce n’est pas comme si l’État d’exception était destiné à devenir l’état normal. Ce n’est pas comme si les nantis qui décident au doigt mouillé des mesures dites sanitaires étaient justement les seuls à mener l’existence sèche, morne et aseptisée que ces mesures n’impactent en rien. Ce n’est pas comme si, pour relativiser leur incompétence, ceux qui nous gouvernent procédaient à des comparaisons partielles et partiales avec des pays qui in fine ne font pas pire, et plutôt mieux, en termes de quantité de morts et de qualité de vie.

Ce n’est pas comme si l’invocation grandissante de multiples « variants » visait à se défausser  d’avance de l’inanité de l’Europedebruxelles en matière de production, de diffusion et d’inoculation du vaccin contre le virus souche. Ce n’est pas comme si on avait montré notre totale dépendance vis-à-vis de la Chine en ce qui concerne les masques, et des États-Unis puis de la Russie en ce qui concerne ledit vaccin. Ce n’est pas comme si cette séquence épidémique servait de laboratoire au quotidien global, walhalla de la convergence des buts d’un contrôleur de gestion et d’un maton. Ce n’est pas comme si les mesures sanitaires qui liquident des pans entiers de l’économie ne perduraient que parce que la bourse, elle, ne s’effondre mystérieusement pas depuis un an.

Ce n’est pas comme si les médias de gouvernement noyaient le poisson du cynisme politique dans le bouillon des opinions scientifiques les plus contradictoires. Ce n’est pas comme si le symptôme le plus répandu de cette infection était qu’elle est… asymptomatique. Ce n’est pas comme si une société qui vit si bien la maladie démontrait ainsi qu’elle est plus morte qu’elle croit.

Ce n’est pas comme si les débats « sociétaux » les moins urgents du moment étaient entretenus pour faire diversion par rapport à l’inefficience scélérate de l’ « état d’urgence » permanent. Ce n’est pas comme si la com. la plus dérisoire faisait office de stratégie économique et sanitaire et que, ce faisant, on démontrait dans quelle haute estime on tient l’intelligence et la sensibilité des gens à qui l’on s’adresse. Ce n’est pas comme si on avait multiplié les injonctions contradictoires néfastes pour l’équilibre mental des plus jeunes aux plus âgés. Ce n’est pas comme si on obligeait les enfants à intégrer des comportements contraires à leur épanouissement sous prétexte d’endiguer la propagation d’un mal qui ne les affecte pas. Ce n’est pas comme si les décisions concernant les populations, pas plus imbéciles que leurs dirigeants, étaient prises par un conseil de sécurité aussi opaque qu’acéphale.

Ce n’est pas comme si les couvre-feux ubuesques succédaient aux confinements kafkaïens pour des motifs – le temps passant et des vivants mourant – plus spécieux les uns que les autres. Ce n’est pas comme si on nous interdisait « sans motif valable » tout ce qui rend la vie vivable et qu’on poussait tous les salariés à prendre les risques les plus flagrants de contamination pour faire tourner une machine indifférente à leur sort. Ce n’est pas comme si l’éventualité d’un mieux-être entraperçu aux premières heures du premier confinement (mieux-être consécutif à la réduction des vains affairements caractéristiques du quotidien global), ce n’est donc pas comme si cette éventualité avait rapidement été mise sous coupe réglée, pour que la productivité, la rentabilisation et l’exploitation aveugle de la nature reprennent de plus belle. Ce n’est pas comme si les sans-ciel de la technocratie décidaient de ce qu’est l’« essentiel » des cœurs simples.

Ce n’est pas comme si tous les agents de la non-circulation générale s’appliquaient à vérifier, qu’en plus de ceux qui ont l’aliénation-responsable dans le sang, le reste du monde peut aussi être tenu en respect grâce à un nouveau type de syndrome de Stockholm, un syndrome de Stockholm sanitaire. Ce n’est pas comme si, au nom du soi-disant bien public, certains se croyaient en position de statuer sur les actes les plus personnels et s’imaginaient en droit de régir les relations humaines dans ce qu’elles ont de plus intimes. Ce n’est pas comme si on nous conditionnait toujours plus brutalement à oublier nos libertés élémentaires au nom d’un danger auquel l’agenda électoral semble conférer une géométrie toujours plus variable.

Ce n’est pas comme si les forces de l’ordre des choses pensaient qu’entretenir la peur de la population est le plus sûr moyen de se prémunir de sa colère. Ce n’est pas comme si la grégarité du plus grand nombre, obnubilé souvent, complaisant toujours, devait rendre suspectes les voix qui ne bêlent pas et les vies buissonnières. Ce n’est pas comme si, par crainte de voir se former un consensus contre l’incurie d’une gouvernance se maintenant par défaut, on incriminait certains en donnant libre cours à la vieille passion de la délation des autres. Ce n’est pas comme si « gouvernance » était le nouveau « abus de pouvoir ». Ce n’est pas comme si les instances décisionnaires redoutaient que la vraie vie soit plus contagieuse que le plus contagieux des virus.

Alors de quoi se plaint-on à la fin ?


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