Le PCF très divisé sur la stratégie 2022

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SOURCE : Regards

Au terme d’un conseil national, le PCF se divise sur la stratégie à adopter en 2022. Si Fabien Roussel plaide pour une candidature à l’élection présidentielle, nombreux sont ceux à ne pas partager cet avis. Analyse.

Ceux qui voyaient dans l’accord des Hauts-de-France, rassemblant la gauche et les écologistes derrière Karima Delli, un espoir d’union pour 2022, continueront… d’espérer. Le député du Nord et secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, l’a exclu sur France Info : « Ça n’a rien à voir. Les élections régionales, c’est une liste, c’est plus de 100 candidats, nous pouvons donc nous rassembler… Ce n’est pas le projet pour la France pour les cinq ans à venir », a-t-il balayé. Fabien Roussel intervenait à la veille d’une importante réunion de la direction du PCF qui devait lancer le premier étage d’une candidature communiste à l’élection présidentielle. André Chassaigne, le président du groupe communiste à l’Assemblée nationale est catégorique : « J’espère que cette fois, les communistes comprendront qu’il leur faut un candidat à l’élection présidentielle ». Pour le député du Puy-de-Dôme, pas de doute : « On a des idées à porter, il nous faut un candidat pour les porter. On a une parole pour s’attaquer au pouvoir de l’argent qui n’est pas la même que celle portée par d’autres candidats, notamment par Jean-Luc Mélenchon. On a une autre conception de la politique », a-t-il déclaré cette semaine sur LCP. Le conseil national les a suivis… de justesse. 52% seulement des cadres nationaux ont validé cette proposition qui va maintenant être discutée par la base militante avant un vote prévu le 9 mai et une mise sur orbite du candidat et de son programme en novembre, après un congrès.

Le score serré confirme que le PCF a perdu son unité et qu’il est en fait très divisé. Ce vote est pourtant une petite surprise car il ouvre une brèche dans la décision du précédent congrès qui affirmait devoir « créer les conditions d’une candidature communiste »« Mais ces conditions ne sont pas toujours pas créées », constate Franck Mouly, membre du CN et animateur du courant dit « Printemps du communisme » « rien n’a fondamentalement changé depuis trois ans, ni permis d’enrayer notre effacement », ajoute-t-il. Même constat du côté des proches de Pierre Laurent, l’ancien secrétaire national. L’influent ancien secrétaire des Alpes Maritimes, Bob Injey ajoute : « La majorité issue du dernier congrès s’étiole. Et il n’y a jamais eu plus du quart des cotisants à soutenir la position défendu par « le Manifeste », celle qui met notre affaiblissement sur le dos du soutien à une candidature non-communiste, Jean-Luc Mélenchon. Notre affaiblissement est antérieur à 2012 », rappelle-t-il. « La logique sacrificielle est minoritaire dans le parti. Les communistes n’ont pas envie de faire 1% des voix et surtout ils veulent être utiles et dégager Macron », renchérit Franck Mouly. Du coup, tous veulent croire que les militants peuvent majoritairement récuser la proposition qui leur est faite d’ajouter une nouvelle candidature à gauche.

Ces cadres vont-ils plaider en faveur d’un ralliement à une candidature, notamment celle désormais lancée par Jean-Luc Mélenchon ? Du coté des proches de Pierre Laurent ce n’est pas le sujet. Leur obsession, barrer la route à ce qui apparait comme désormais une possible victoire de Le Pen : « Elle n’apparait plus comme un repoussoir. Il suffit de regarder l’Italie pour se convaincre du danger de l’extrême droite ». Franck Mouly partage aussi cette idée qu’il faut élargir le champ et ne pas seulement concentrer le débat sur pour ou contre Jean-Luc Mélenchon : « Certes les communistes ont des reproches à faire à Mélenchon, mais leur priorité c’est de sortir de la situation actuelle qui est très dangereuse. Nous ne voulons pas d’un duel Macron/Le Pen. Nous ne pouvons pas nous résigner à cet éclatement de la gauche ni à un mouvement social sans réponse politique ». Du coup ils ont énoncé « Une proposition alternative pour 2022 » qui a recueilli 45 voix (34% du CN). Ils écrivent dans leur texte : « Nous considérons qu’il est nécessaire de converger dès le premier tour de l’élection présidentielle, et indissociablement aux élections législatives.
Nous faisons le choix d’une démarche d’alliance et de coalition, dans la clarté d’un projet de rupture. Pour y parvenir, nous nous proposons d’interpeller et de rencontrer forces de gauche et acteurs du mouvement social pour construire une stratégie partagée »
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Du côté des amis de Pierre Laurent, pas question donc de s’engager en l’état dans un soutien quelconque à une candidature. Mais, contrairement au groupe « Printemps du communisme » ils ne prennent pas bille en tête l’utilité du candidat communiste à l’élection présidentielle. Leur point de vue se décale : pour eux, la question principale est celle des législatives. « La présidentielle ce n’est pas notre élection », confie l’un d’entre eux. Ils entendent avant tout conserver un groupe à l’Assemblée nationale. Concrètement cela se traduit par une proposition de négocier « un pacte d’engagements législatifs communs » dès maintenant pour assurer l’élection d’au moins 15 députés. Ils proposent donc que le PCF prenne des initiatives dans ce sens permettant de nouvelles décisions si les évolutions politiques le permettent et le nécessitent. En clair, si on trouve un accord pour les législatives on peut retirer le candidat à la présidentielle. La chanson ne dit pas clairement avec qui auraient lieu ces négociations et donc pour qui se retirer. « Une négociation avec tous », nous dit-on. Un peu flou. Et quand c’est flou…

Les tenants d’une candidature communiste à tout prix ont bien vu le danger d’une remise en cause à terme de la décision de présenter un tel candidat. Leur objectif est de sanctuariser cette candidature. Pour ce faire, ils ont proposé que les négociations pour les législatives ne s’ouvrent qu’après la présidentielle. Pas de négo, pas de retrait. André Chassaigne et Fréderic Boccara de la section économique ont soumis ce principe au vote. Ils ont été battus. Indice que même parmi les 52% qui veulent commencer par une candidature communiste, ils sont nombreux à ne pas fermer la porte à un éventuel désistement avant le premier tour. Au cas où les sondages ne décollent pas ; au cas où un accord serait trouvé avec un autre candidat ; enfin, au cas où un candidat se détache comme pouvant accéder au second tour. Bref, il ne faut pas insulter l’avenir. Roussel est de ces prudents. Comme le confie un cadre du parti : « Il ne faudrait pas que la séquence se termine par la casse de l’outil Parti communiste, pour cause de fracture interne insurmontable, de perte du groupe ou de crise financière faute de remboursement ». En effet pour être remboursés des frais de campagne, il faut atteindre les 5% de suffrage – score que le PCF n’a jamais plus atteint depuis la candidature de Robert Hue en 1995.

Au terme de cette réunion du CN on y voit donc un peu plus clair : le PCF est divisé et les jeux ne sont pas faits. Reste qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour le candidat insoumis qui part sans le soutien du PCF, contrairement à 2012 et 2017. Outre le grignotage de quelques centaines de milliers de voix qui pourraient lui manquer, une candidature communiste aurait un impact sur la collecte des 500 parrainages : les élu-es communistes formaient le gros des soutiens à Jean-Luc Mélenchon lors des précédents scrutins. Leur mobilisation pour Fabien Roussel rendrait la tâche plus compliquée pour Mélenchon qui se passerait bien de ce travail de fourmi. Mélenchon va devoir ramer pour ramener à lui, par-delà la direction communiste, électeurs et élus communistes. Mais est-ce si neuf ?

Pierre Jacquemain et Catherine Tricot-


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