Crédit illustration : © Lionel Bonaventure / AFP

Le NPA à la présidentielle : quelle campagne, quel programme, quel projet ?

Nous retranscrivons ci-dessous l’intervention de notre camarade de l’ARC au débat de l’université d’été du NPA 2021 intitulé “Le NPA à la présidentielle : quelle campagne, quel programme, quel projet ?”

 

L’idée n’est pas ici de refaire le match de la Conférence Nationale mais de réfléchir, maintenant que la candidature de Philippe Poutou est lancée, à comment rendre utile la campagne.

Nous devons nous servir de cette tribune médiatique pour deux objectifs :

  1. Être audible largement pour être utile aux luttes et à l’ensemble de notre classe (et pourquoi pas essayer de faire plus que 1% !)
  2. Construire le parti (le NPA) dans l’optique d’un grand parti révolutionnaire (recruter des centaines voire milliers de personnes serait déjà pas mal !)

Il faut convaincre en popularisant nos idées. Marx disait « Une idée devient une force lorsqu’elle s’empare des masses ». Nous devons donc développer un projet

  1. Crédible,
  2. Désirable,
  3. Qui se distingue des réformistes.

Nous devons être capable d’esquisser les traits dune société communiste adapté au 21ème siècle. Nous ne devons pas esquiver la question du pouvoir qui est centrale dans une élection présidentielle. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous ne souhaitons pas nous faire élire à la présidence de la république. Nous devons donc aborder de front les questions stratégiques en articulant les revendications que nous portons à la nécessité d’en finir avec le capitalisme, grâce à un gouvernement révolutionnaire des travailleurs qui mettrait en place de nouvelles institutions « communistes » à la place des institutions capitalistes.

L’outil central pour convaincre doit donc être un programme de transition qui permette de mobiliser sur des revendications immédiates tout en faisant la démonstration que pour être pleinement réalisées ces mesures nécessitent de rompre avec le capitalisme. La logique transitoire est un fil de crête entre deux écueils. L’écueil réformiste qui sépare les mesures d’urgence du projet communiste. L’écueil « gauchiste » qui considère que la défense de la moindre revendication immédiate est une capitulation devant l’ordre existant.

Notre campagne présidentielle ne peut donc pas se contenter de proposer un « programme d’urgence » visant à faire valoir les droits des travailleurs contre les offensives libérales et autoritaires du gouvernement.

Nous devons évidemment nous opposer au passe-sanitaire et à la vaccination obligatoire tout en exigeant la levée de tous les brevets, le maintien de la gratuité des tests et une campagne vaccinale digne de ce nom qui se déplace vers les gens (comme en Espagne), fait du suivi médical et de la pédagogie plutôt que de les sanctionner. Nous devons nous opposer au retour de la réforme des retraites annoncé par le gouvernement à la rentrée, proposer une hausse du SMIC et l’interdiction des licenciements.

Mais nous devons aussi assumer pleinement notre projet de construction d’une société communiste en élaborant un programme structuré et cohérent qui permettrait de nous démarquer du programme réformiste keynésien de la FI, au-delà de la simple critique du “nationalisme” et du “présidentialisme” de Mélenchon. Des mesures d’urgence seules, apparaissent malheureusement parfois utopistes et ne permettent ni de convaincre largement car elles ne sont pas jugées crédibles, ni de faire le pont avec notre projet communiste car elles laissent parfois sous-entendre que certains problèmes pourraient se régler sous le capitalisme.

Par exemple notre agitation sur l’interdiction des licenciements est souvent trop abstraite car l’on n’explique pas comment l’on ferait notamment dans les cas où les entreprises font faillites. Cela peut même être problématique, si l’on réclame pour cela une « loi » utopique dans le cadre du système. La réquisition et l’expropriation de toutes les entreprises qui licencient doit être notre cheval de bataille. Nous devons défendre clairement une nationalisation sous contrôle des travailleurs qui est la seule solution qui en période de crise peut soustraire les entreprises en faillites à la concurrence.

Nous traversons actuellement une importante crise du capitalisme déclenchée par le Covid mais dont les racines sont bien plus profondes. Il n’est pas possible de résoudre la crise via des remèdes de type keynésien préconisés par la gauche antilibérale, et qui ne peuvent déboucher qu’à terme sur de l’inflation ou de la stagflation comme ce fut le cas dans les années 70. A rebours de ces théories, nous devons développer une analyse marxiste conséquente de la crise, mettant au centre la loi de la baisse tendancielle du taux de profit et articuler notre programme économique à la rupture avec la propriété capitaliste.

Le texte issu de la Conférence Nationale défend à juste titre “la garantie de vivre dignement avec un revenu tout au long de la vie” mais sans expliquer sur quelle base nous fondons et finançons cette garantie. Le journal Marianne a ainsi malheureusement interprété ce passage comme une défense du projet de “revenu universel” que Phillipe Poutou critiquait à juste titre face à Hamon en 2017. Nous devons donc être capable d’expliquer concrètement comment passer d’une économie capitaliste à une économie planifiée pour pouvoir “garanti[r] [à tous] de vivre dignement avec un revenu tout au long de la vie”.

Nous pourrions proposer la création dunités de production, cest à dire « dentreprises » non capitalistes (qui prendraient la forme de coopératives ouvrières ou de regroupement de travailleurs indépendants), qui ne seraient viables que dans la mesure où elles ne seraient pas mises en concurrence avec les entreprises capitalistes. L’écoulement de leur marchandise serait garanti par des chèques (alimentation, logement, …) donnés aux travailleurs et valable uniquement dans ces « entreprises » socialisées. L’investissement et les salaires seraient financés par des caisses sectorielles de sécurité sociale gérées par les représentants des travailleurs (cela fait écho à ce qui était prévu dans le projet initial, vite dévoyé, de la Sécurité sociale, conçue comme institution de la classe ouvrière). Il ne s’agit pas de faire croire que ces solutions partielles peuvent être mises en œuvre dans le cadre du capitalisme en crise : ces propositions ne peuvent qu’accroître la crise de rentabilité du capital car la cotisation est un prélèvement sur la plus-value. Nous ne devons donc pas tomber dans l’illusion réformiste du gradualisme et nous devons assumer le caractère révolutionnaire d’une telle politique.

De telles propositions concrètes permettraient d’engager un débat sur la manière de faire face à la crise économique qui vient à la suite de la pandémie mondiale et de rendre concret et crédible nos mesures d’urgence. Cela nous permettrait aussi de dialoguer avec des personnalités politiques intéressantes comme Lordon qui propose une «garantie économique générale » ou Friot qui propose un « salaire à vie ».

Pour conclure je liste sans pouvoir les détailler quelques mesures fortes ambitieuses que nous devrions défendre dans notre programme à la présidentielle pour donner du poids à notre discours politique.

 

  • Face à la crise écologique nous devons défendre un projet éco-socialiste crédible qui mette en avant la planification écologique des grands secteurs de l’économie, en socialisant et restructurant l’appareil productif et en assumant notre anti-productivisme, voir même en osant parler de décroissance dans les secteurs où cela est nécessaire tout en développant les sciences et les techniques d’une manière émancipatrice et au service de l’écologie.

 

  • Nous devons expliquer qu’en période révolutionnaire un gouvernement des travailleurs devrait rompre sur des bases anticapitalistes avec lUE et ses traités.

 

  • Nous devons expliquer que le capitalisme est tout à la fois une domination de classe, de genre et de race. Nous ne devons pas seulement revendiquer la socialisation de la production, mais également la socialisation des tâches reproductives (domestiques ou non, rémunérées ou non), qui sont aujourd’hui principalement prises en charge par les femmes et minorités de genre dans l’espace domestique et de plus en plus externalisées à des travailleur/se.s ubérisé.e.s et souvent racisé.e.s.

 

  • Deux autres points centraux dans la lutte contre le racisme sont aussi celui des violences policières et celui de l’islamophobie.

 

  • De plus, si la base de l’oppression sexiste et raciste est matérielle, l’idéologie existe aussi et perdurera probablement même après la prise du pouvoir par un gouvernement des travailleurs. L’auto-organisation des opprimés d’un point de vue du genre et de la race est nécessaire et le sera donc encore après la révolution.

 

  • Comme avait su le faire Poutou en 2017 nous devons être les ennemis principaux de lextrême droite et du RN en démontrant que -en plus de leur logiciel raciste et autoritaires- ils ne sont pas les alliés des classes populaires et que Macron, n’est en rien un rempart au FN mais qu’il favorise au contraire la progression des idées réactionnaires via sa politique autoritaire, raciste et xénophobes. Plus que jamais nous devons déployer un discours internationaliste, anticolonialiste et anti-impérialiste.

 

  • Un de nos axes centraux de campagne doit être la question de l’auto-organisation et notre conception de la démocratie ouvrière qui ne se confond ni avec la démocratie bourgeoise actuelle ni avec la conception bureaucratique du socialisme stalinien. Cela nous permettrait de dialoguer ainsi avec les nombreux gilets jaunes avides de discussions et de propositions sur les questions démocratiques comme la question du RIC.

 

  • Nous devons aussi proposer des perspectives utiles aux mobilisations en tirant les bilans des dernières luttes et en centrant notre discours contre la stratégie du « dialogue social », des journées d’actions dispersées ou des grèves perlées qui ont jouées un rôle majeur dans les défaites que nous avons connues. Les organisations politiques et syndicales de masse, bien qu’affaiblies, jouent encore un rôle important dans les luttes et sur le terrain électoral. Nous devons donc profiter de la campagne présidentielle pour nous adresser aux militants de bases de ces organisations et au-delà, pour proposer une politique alternative à celle de leurs directions dans la perspective des mouvements sociaux à venir.

 

De tels axes programmatiques permettent de se représenter concrètement ce que serait une société émancipée au 21ème siècle. Ils sont essentiels pour rendre crédible et désirable le projet de société communiste que nous devons défendre pendant la campagne présidentielle.

 

 

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