Grève des sages-femmes : « Le monde de demain naît entre nos mains »

Article initialement publié sur le site du NPA.

Après « un week-end sans sages-femmes », journées de grèves des 24, 25 et 26 septembre dernier, les sages-femmes étaient de nouveau en grève ce jeudi 7 octobre 2021. Sur les 471 maternités du territoire 150 avaient 100% de grevistes, et la moitié des cabinets libéraux de sages-femmes etaient déclarés fermés. 3500 sages-femmes de tout le pays manifestaient à Paris, sur les 23 397 en exercice. Elles expriment depuis des années les difficultés de leur profession, et le Ségur de la santé étant nettement insatisfaisant, elles se mobilisent. Fini du «code rouge» (césarienne d’urgence pour sauvetage maternel ou foetal), elles déclenchent le «code noir1 ».

« On vous fait naître, il faut nous reconnaître ! »

Leurs revendications portent sur l’amélioration de leurs conditions de travail notamment l’augmentation des effectifs à hauteur d’ «une femme, une sage-femme» (un de leurs slogans). Les décrets définissant les effectifs datent de 1998 alors que depuis leur champ d’intervention n’a cessé de s’étendre. Aujourd’hui considérées comme profession médicale, elles demandent la reconnaissance de leur statut médical et une augmentation de salaire en adéquation avec leur niveau de responsabilités. Depuis 2009, il leur a été attribué des tâches gynécologiques préventives (prescriptions/poses de toutes contraceptions, réalisations de frottis cervico-utérins, prescriptions de mammographies…) dont elles ont donc acquis les compétence, en plus de leurs compétences et tâches obstétricales initiales. Mais à ce jour, une sage-femme débutante gagne entre 1700 et 1800 euros brut par mois, tandis que, par exemple, le salaire moyen brut d’unE gynécologue est de 7800 euros par mois.

Les sages-femmes interviennent tout au long de la vie des patientes: suivi gynécologique, prescriptions d’IVG médicamenteuses depuis 2016, préparations à la naissance et à la parentalité, rééducations du périné, visites à domicile… Elles peuvent également assurer le suivi du nouveau-né jusqu’à ses 28 jours. Elles travaillent dans tous types de structures : 33% d’entre elles sont en exercice libéral ou mixte, on estime que ce chiffre devrait doubler d’ici à 2050. De nombreuses étudiantes présentes lors de la manifestation témoignent de la dureté de leur apprentissage dans ce contexte dégradé. Elles rapportent des places vacantes et de nombreux abandons au sein de leur promotion. L’instauration d’une sixième année d’étude, programme actuellement dense, avec un meilleur encadrement pédagogique leurs semble indispensable.

 

À la manifestation des sages-femmes le 7 octobre 2021 à Paris (Photo : Anne-Christine POUJOULAT / AFP)
« Mépriser les sages-femmes c’est mépriser toutes les femmes ».

Soutenir cette profession est un enjeu de santé publique et féministe. Les sages-femmes permettent une meilleure accessibilité et offre de soins dans un plus court délai, quand il faut des mois pour un rendez-vous chez un gynécologue. Elles proposent un accompagnement centré sur les besoins des personnes concernées et prônent leur autonomisation. Elles favorisent le maintien en bonne santé par le dépistage notamment des cancers du sein et du col de l’utérus. Elles jouent aussi un rôle majeur dans la détection des violences sexuelles et intra-familiales : parfois, ce sont les seules professionnelles de santé consultées pendant des années par les femmes.

Métier pratiqué à plus de 97% par des femmes : des soins par les femmes, pour les femmes. Elles occupent ainsi une place qui déstabilise le monopole des médecins en matière de santé sexuelle et reproductive. Historiquement, elles ont beaucoup contribué à la lutte pour les droits des femmes, notamment dans la défense du droit à l’avortement. Au cours de la pandémie du covid-19, elles ont été nombreuses à s’insurger contre le port du masque pour les femmes donnant naissance. Les sages-femmes grévistes s’organisent contre les idées de rentabilité des soins et de rationalisation du temps de prise en charge qui accentuent les violences gynécologiques et obstétricales ; pour la bientraitance de toutes les personnes qu’elles accompagnent.

                                                                                                                               Clarisse, infirmière à l’AP-HP du 94

 

1. Dans les codes couleurs hospitaliers, le code noir signifie généralement une alerte à la bombe.

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