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SOURCE : actu
Eric Fassin, sociologue au sein de l’université Paris 8 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), a été menacé de décapitation au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty.
« Je vous ai mis sur ma liste de connards (sic) à décapiter le jour où ça arrivera. Cette liste est longue mais patience, vous y passerez ». Ces menaces de mort ont été proférées le 17 octobre 2020 à l’encontre d’Eric Fassin, professeur au sein de l’université Paris 8 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty.
Dépôt de plainte
Elles faisaient suite à sa reprise sur Twitter d’un article qu’il avait écrit pour le blog de Médiapart au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 intitulé Nous ne saurions vouloir ce que veulent nos ennemis.
Nous ne saurions vouloir ce que veulent nos ennemis – ni les terroristes d'aujourd'hui, ni les fascistes qui nous promettent la terreur demain. pic.twitter.com/YdvvgE7Gh2
— Eric Fassin (@EricFassin) October 17, 2020
Une plainte a été déposée auprès de la police judiciaire. « Sur Twitter, je suis régulièrement victime d’insultes et parfois de menaces, mais je les ignore ; cette fois-ci, je ne pouvais pas, car cette menace émanait d’un compte avec un nom et une photo de profil », explique le sociologue.
Le compte -supprimé depuis-, était au nom de Didier Magnien, une personnalité liée au néonazisme qui vit désormais en Allemagne. « Juste après la décapitation d’un collègue, la menace était particulièrement violente », détaille Eric Fassin.
Menaces liées à ses travaux
L’universitaire, qui travaille entre autres sur les questions de discriminations, de minorités et de politiques de racialisation, estime être visé en raison de sa profession. La protection fonctionnelle lui a immédiatement été accordée par l’université Paris 8. « Symboliquement, c’est très important. En m’accordant la protection fonctionnelle, l’université reconnaît que ces menaces sont liées à mon travail ».
Le département de Science politique lie, lui aussi, les menaces aux travaux du chercheur. « Le département de science politique exprime sa pleine solidarité à l’égard de son collègue, Eric Fassin, victime de menaces de mort en raison de ses travaux sur les différentes formes d’inégalités et de discriminations », a-t-il été annoncé dans un communiqué.
Mais pourquoi son travail suscite-t-il un tel déchaînement de violence ? « Au moment où l’on parle de séparatisme, on pointe du doigt des militants antiracistes arabes ou noirs. Or je suis un universitaire antiraciste, et je suis blanc, donc on peut difficilement m’accuser de défendre une ligne identitaire. Pour l’extrême-droite, et pour tous ceux qui la copient, des gens comme moi, qui n’ont pas ‘la tête de l’emploi’, viennent contredire leur propagande », analyse Eric Fassin. « Les attaques visent au premier chef les minorités, mais leurs alliés contre le racisme sont présentés comme des traîtres ou des collaborateurs : c’est retourner le vocabulaire de la Seconde Guerre mondiale », ajoute-t-il.
« Les néo-nazis se sentent autorisés à sortir du bois »
Selon Eric Fassin, d’autres professeurs sont également visés par des menaces de la part de militants extrême-droite. « On réfléchit à la possibilité de réunir les témoignages. C’est un problème bien plus large que ma personne. » Le sociologue impute la multiplication des menaces aux discours politiques. « Depuis quelque temps, les néo-nazis se sentent autorisés à sortir du bois grâce aux discours de nos gouvernants accusant les prétendus ‘islamo-gauchistes’ de ‘complicité intellectuelle avec le terrorisme’ ».
Une analyse reprise par son département. « La parole intellectuelle libre est aujourd’hui remise en cause tant par la multiplication des menaces directes émanant de l’extrême-droite que par les mesures et déclarations d’autorités politiques, pourtant censées protéger le personnel enseignant. » Pour sa part, Eric Fassin relève aujourd’hui qu’il n’a pas reçu de mot de soutien de la part du rectorat ni du ministère de l’Enseignement supérieur.
C’est la deuxième plainte que dépose l’universitaire. En 2013, une première plainte avait été déposée après la réception deux lettres anonymes à son domicile, la seconde représentant un tract de la Résistance avec une potence. Eric Fassin entend « ne pas changer quoi que ce soit » à sa façon de travailler et de s’exprimer publiquement. « Maintenant, la question est de savoir comment faire pour ne rien laisser passer sans gaspiller tout son temps, autrement dit, sans que cela soit au détriment de mes recherches et de mes engagements », conclut-il.