Nouvelles du Kurdistan : le Covid-19

Les données abondent sur le développement de l’épidémie de Covid-19. Chaque jour, le décompte des nouveaux infectés, pays par pays. Voici quelques informations sur un pays qui n’apparaît pas sur la carte, le Kurdistan.

Iran

Le Kurdistan iranien est le plus touché. On estime que l’épidémie y a déjà fait plus de 120 morts. Impossible cependant d’obtenir plus de détails, ni même des données fiables, dans la mesure où les chiffres avancés par l’État iranien sont largement considérés comme sous-estimés.

Irak

Au Kurdistan irakien, des mesures drastiques ont été prises dès avant l’apparition du virus. Les administrations et écoles ont été fermées début mars, suivies des aéroports le 19 mars.

Le confinement est en vigueur depuis le 14 mars dans les villes. Celui-ci n’est cependant qu’imparfaitement respecté. Les célébrations de Newroz (le nouvel an kurde), notamment, ont été l’occasion de rassemblements malgré l’interdiction officielle.

Le système hospitalier est mixte, mais les cliniques privées jouissent d’une meilleure réputation. Aucune mesure contraignante n’a, à ce jour, été prise pour ouvrir les cliniques aux patients. Un hôpital est actuellement en construction à Halabdja et d’autres sont en rénovation « expresse ». Il faut cependant rester prudent quant aux annonces faites (avec des arrières-pensées politiques) et voir si ces projets seront effectivement menés à terme dans les délais promis.

Comme pour toute occasion, la gestion de la crise est l’objet de critiques, à fleurets mouchetés, entre le PUK (qui tient la région de Sulaimani) et le PDK (qui contrôle le nord du pays). Le PDK a ainsi laissé entendre que le nombre élevé de cas à Sulaimani résultait du laxisme du PUK.

Syrie

C’est au Kurdistan syrien que la situation est la plus problématique, en raison des séquelles de la guerre. Pénurie de médecins, de chirurgiens, nombre très limité de places en soins intensifs, éloignement des hôpitaux, manque de matériel… A quoi il faut ajouter la forte proportion de personnes vulnérables et affaiblies : le confinement est une chimère dans les camps de réfugiés…

Le confinement y est entré en vigueur le 23 mars, jusqu’à nouvel ordre. L’interdiction précédente des rassemblements n’avait pas été respectée à l’occasion de Newroz. Des campagnes de sensibilisation avaient été menées précédemment pour l’adoption des gestes barrière, mais l’affluence aux célébrations du Newroz montrent bien que ceux-ci ne sont pas assimilés. Étant donné la faiblesse du tissu administratif, il reviendra aux communes de veiller à l’application du confinement et des règles sanitaires en vigueur.

Des six hôpitaux construits à la hâte par le régime syrien, aucun, il va sans dire, ne se trouve dans les territoires kurdes. L’un des responsables de l’hôpital de Şehba a d’ailleurs insisté sur les conséquences dramatiques qu’aurait l’épidémie sur les réfugiés d’Afrin, si aucun centre de soins intensifs n’était construit en urgence. L’inquiétude était encore grande quant à l’impossibilité technique d’effectuer des tests à grande échelle.

État turc

L’épidémie semble être arrivée récemment en Turquie. Le nombre de cas a fortement augmenté dans le courant de la semaine passée, pour atteindre plus 1500 (37 morts) le 24 mars. Les autorités turques sont accusées par des opposants d’avoir minimisé voire masqué les cas dans un premier temps. Les frontières terrestres et aériennes ont été fermées assez tôt (début mars) avec l’Iran et l’Irak.

Des cas sont recensés dans les régions kurdes, mais la localisation exacte des malades n’est pas connue. La ville de Wan figure cependant sur la liste des « villes les plus dangereuses » publiée par les autorités turques. Le système de santé en Turquie est assez performant, en comparaison des autres parties du Kurdistan. Encore faudra-t-il que l’État turc prenne les mesures appropriées, ce qui n’est pas garanti.

Celui-ci n’a en effet pas infléchi sa politique répressive. Les arrestations se poursuivent, comme celle de 4 conseillers municipaux du HDP. L’Ordre des médecins a d’ailleurs mis en garde contre les ravages potentiels du virus dans les prisons pleines, et contre lesquels aucune mesure n’a été prise par les autorités turques. Des villes kurdes ont été encerclées par l’armée et l’épidémie n’a pas empêché l’armée turque de mener une vaste opération contre le PKK en mars.

Répercussions économiques

Les mesures drastiques prises pour endiguer l’épidémie se font, comme partout, sentir. Les frontières sont fermées entre des économies interdépendantes et la baisse récente du prix du pétrole fait planer l’incertitude sur l’une des ressources essentielles du Kurdistan irakien. L’arrêt de tous les secteurs « non essentiels » va avoir des conséquences graves en raison du manque à gagner. Car, si des enveloppes ont été prévues pour les fonctionnaires (Irak), rien de tel n’a, pour le moment, été envisagé pour l’ensemble des travailleurs. D’autant que nombreux sont ceux à travailler hors-contrat, et donc sans aucune protection sociale.

Suites ?

Impossible de prédire quoi que ce soit pour l’heure. Impossible de se risquer à dire si le nombre de cas sera moindre que dans le reste du monde ou si, à l’inverse, un scénario à l’européenne est à craindre. Que cela soit le cas ou non, il est clair que la gestion de la crise sanitaire en cours sera un test pour les autorités des quatre tronçons du Kurdistan. La stagnation économique, dans une région déjà touchée par la crise, risque en effet de déboucher sur une crise politique, notamment là où, comme en Iran ou dans l’État turc, la défiance est déjà grande vis-à-vis des autorités. En Irak, une crise sociale et politique n’est pas à exclure si le gouvernement autonome (népotique, corrompu et oligarchique) n’assure pas des revenus minimum aux travailleurs à l’arrêt. En Syrie, il est à craindre que l’épidémie soit la plus meurtrière, mais on peut douter que le mécontentement se retourne contre l’administration autonome, dans la mesure où les carences sont imputables à des forces hostiles extérieures (État turc, régime syrien, etc.).

Sources : ANF, Rûdaw, NRT, HawarNews

 

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