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SOURCE : La Bogue
De nouvelles éoliennes industrielles sont en passe d’être dressées sur la Montagne limousine. Rien qu’à Gentioux, trois à quatre sites sont visés, les propriétaires démarchés, des contrats engagés.
Des informations nous parviennent au compte-gouttes et restent bien incomplètes : combien de machines ? Où ? De quelle hauteur ? Avec quel impact ? Nous sommes quelques habitant.e.s de la commune, décidé.e.s à faire la lumière sur ces projets et poser quelques questions.
D’après certains documents transmis par des propriétaires qui ont refusé un premier accord, on comprend qu’à Gentioux un premier promoteur, la société Nordex, vise une implantation d’éoliennes d’échelle industrielle à parfois 500 mètres des habitations entre les villages de Lachaud, Lépine, Vervialle, le Vallenet, le Mont et la Villatte. Le nombre de machines et leur hauteur restent flous. La réponse existe peut-être auprès des propriétaires qui ont signé une promesse de bail avec la société.
Dans le même temps, un deuxième promoteur, Edp Renewables, étudie deux autres sites sur la commune. Entre les villages des Salles, du Mazet, de Joux et de Senoueix, cinq éoliennes géantes de 180 mètres de haut sont envisagées.
Non loin, toujours à Gentioux, à distance minimale des villages de Villemoneix, du Luc et de Pallier, Edp Renewables prévoit cinq autres éoliennes d’une hauteur de 150 mètres. Un mât de mesure de 120 mètres serait prochainement installé dans ce secteur.
Des démarchages auraient aussi lieu du côté de Pigerolles… sans qu’on sache s’il s’agit d’un nouveau site ou s’il est envisagé une extension du parc de Peyrelevade (six éoliennes mises en service en janvier 2005, d’une hauteur de 85 mètres à la nacelle).
Ces deux dernières années, des délibérations de la Mairie et des travaux ont autorisé Enedis et RTE (les transporteurs d’électricité) à dérouler de plus gros câbles depuis Pigerolles et à enfouir une nouvelle ligne entre Gentioux et le poste électrique du barrage de Faux-laMontagne. Des travaux de renforcement du poste sont aussi prévus. De quoi transformer la production électrique de nouvelles éoliennes pour le réseau national ?
Sur les communes de la Nouaille, de Gioux et de Clairavaux, deux sites sont à l’étude chez Edp Renewable. Sur les hauteurs de Royère-d-eVassivière, on attend l’installation d’une quinzaine d’éoliennes par une filiale du pétrolier Total.
Des premières questions se lèvent
Combien d’autres projets courent sur ce coin de la Montagne limousine ?
Quels autres villages et communes sont concernés ? Quels propriétaires ont déjà signé une promesse de bail ? Depuis quelles fenêtres, quels jardins, quelles parcelles, ces éoliennes industrielles seront visibles ou entendues ? Les propriétaires démarchés sont-ils les seuls arbitres de l’emplacement de ces machines et de leur pertinence ? A qui sont réservées ces informations ?
Le gigantisme même de ces machines interroge. Qui échappera à la vue et aux conséquences de ces éoliennes qui dépasseront de loin la crête du Condreau et sa « Madone » (Notre-Dame du Bâtiment), qui dominent déjà la commune de Gentioux. La hauteur affichée de certaines machines les rendraient plus hautes que le Mont et le signal d’Audouze, à 956 mètres.
De la même manière que la construction des lacs de barrage et la plantation de forêts de résineux ont remodelé la Montagne Limousine au cours du XXe siècle, comment l’implantation de nombreuses lignes d’éoliennes va-t-elle transformer notre territoire ?
De quelles manières les riverains, la faune et le paysage seront-ils « impactés » ? Que l’on se sente proche riverain ou distant de quelques kilomètres, des nuisances sont attendues : flashs rouges de nuit, ombres portées de jour, sifflement en continu, terrassements importants, pistes nouvelles, piscines de béton pour le maintien du mât, perte de valeur de biens fonciers ou de bâtis à proximité, etc.
Les éleveurs, les chasseurs attentifs aux populations de gibiers, les amateurs de passage de grues, les défenseurs d’oiseaux tel que le rapace Circaète Jean-le-Blanc partagent déjà le même constat : des haies d’éoliennes balayant le ciel feront fuir certaines espèces et laissent des interrogations sur les conséquences sanitaires pour les troupeaux.
Il y a aussi des enjeux financiers. Le 12 décembre dernier, Philippe Connan, élu corrézien et président du Parc Naturel de Millevaches (PNR), a rappelé aux autres élus du Parc que depuis plusieurs années des fonds public sont investis « au profit de populations d’oiseaux : mesures agro-environnementales sur plusieurs milliers d’hectares représentant plusieurs millions d’euros, développement du pastoralisme, préservation d’îlots forestiers à haute valeur biologique, dotations aux communes concernées par Natura 2000 ».
Conséquence, selon ses termes, le « développement éolien [risque] de fragiliser la pertinence de [cet] investissement public », dont les agriculteurs et les communes sont les principaux bénéficiaires.
Des choix à faire
A l’heure de prendre position, un premier pas a été franchis, ce 12 décembre dernier, par les élus du PNR de Millevaches : ils ont voté à l’unanimité que « l’implantation d’éoliennes [ …] ne devra pas s’opérer dans la ZPS Millevaches [Zone de Protection Spéciale, pour les oiseaux] », soit le cœur du PNR. Plus encore, les élus ont élargi ce périmètre en votant qu’une zone tampon de trois kilomètres autour « n’a pas vocation a accueillir ce type d’installation ».
Tous les projets d’éoliennes relevés à ce jour seraient ainsi concernés par cette délibération. Sauf que la délibération n’est pas contraignante. Les projets d’éoliennes géantes poursuivent donc leur cours. Après le Parc, comment se positionneront les nouveaux élus municipaux ? Plus largement, et au-delà de leur légitime demande d’information exhaustive sur le sujet, c’est à tous les habitant.e.s, élu.e.s ou non, que se pose la question d’accepter ou non le déploiement chez eux et à échelle industrielle des éoliennes.
A Gentioux, par exemple, à l’été 2018, le conseil municipal a voté par deux fois la même délibération, l’une pour la Société Nordex le 9 juillet, l’autre le 17 août pour la société Edp renewables. Ces deux délibérations, identiques, qui soutiennent les promoteurs dans la poursuite des démarches administratives et politiques, précisent que le conseil municipal « approuve […] la location ainsi que la mise à disposition de se(s) terrains […] et l’ensemble des conditions et modalités proposées dans la convention d’utilisation des chemins communaux ».
Quelle est cette convention ? De quels terrains communaux s’agit-il ? Quels équipements recevront-ils ? S’agirat-il aussi d’éoliennes ? Par quels chemins communaux les engins de travaux des promoteurs passeront-ils ? A quelles conditions ces facilités sont-elles permises ? Les réponses ne sont pas encore venues. Même soutien, dans les mêmes termes, du côté de la communauté de Commune Creuse Grand Sud, le 10 avril 2019. Ce jour-là, les élus réunis en conseil communautaire ont en outre « approuv[é] le principe de l’implantation d’un projet sur le domaine intercommunal ». Des éoliennes pourraient donc aussi se dresser quelque part sur le « domaine intercommunal ». Sans précisions pour le moment sur le(s) projet et la localisation des parcelles pressenties. Les promesses de retombées fiscales pour les communautés de communes, d’indemnités foncières aux communes (15 000 € par an pour la commune de Gentioux) et autres « mesures compensatoires » (pour qui ?) justifient-elles que des projets aussi engageant pour l’avenir de tous se décident entre quelques propriétaires et élus locaux ?