Grève à Radio France : un point sur la situation

Depuis le 25 Novembre, Radio France est en grève contre le plan stratégique de Sibyle Veil se traduisant principalement par un plan de suppression de 299 emplois. La situation de gronde sociale dure depuis des années, mais pour ce qui concerne les transformations annoncées une première journée de grève en juin avait permis de prendre la température et de constater que plus de la moitié des salarié.e.s contestaient les plans de la direction.

Cure d’austérité

Cette mobilisation s’inscrit dans le cadre du CAP 2022 (Comité d’action publique), qui est un projet gouvernemental visant à réformer les dépenses publiques, notamment dans l’audiovisuel pour la partie qui nous intéresse ici. Rentrer dans les détails importe peu au point où nous en sommes : Radio France va tâter du même traitement que l’enseignement, la santé, les transports, à savoir faire toujours plus avec toujours moins. Malgré des audiences record cette année qui rassurent quant à la bonne santé de la radio et son avenir, malgré le fait qu’elle soit à la pointe des outils numériques relatifs à l’audio, les discours de la présidence assènent des formules vagues et des injonctions à la modernisation pour justifier des économies qui n’ont pas lieu d’être.

Aux 20 millions d’euros d’économie exigés de base, Sibyle Veil, qui a décidé de faire preuve de zèle, en rajoute 40 de plus. Peut-être que celles et ceux qui ont vécu les douloureuses réformes de l’APHP, dont elle avait déjà la responsabilité au début de la décennie, ne seront pas surpris.e.s. Les éléments de langage ne manquent pas pour justifier de telles exigences, mais son action reste celle d’un rouleau compresseur bien décidé à ne pas s’arrêter en chemin. Les élu.e.s du personnel ont eu beau demander des détails et des justifications précises, opposer des arguments et des chiffres, Sibyle Veil et son équipe de technocrates n’ont témoigné que du mépris pour les instances de discussion et de négociation dans l’entreprise. Même les syndicats les plus mous ont bien compris qu’aucune miette ne serait négociée. Évidemment, s’il y a bien un sujet dont elle refuse de parler, c’est celui qui concerne les risques psycho-sociaux et la souffrance au travail, suivant la tendance gouvernementale sous Macron. Malheureusement, les autres raisons de s’inquiéter sont nombreuses. De la dégradation générale de l’ensemble de la production, de la qualité, de la quantité et de la diversité des contenus qui faisaient la fierté de Radio France et qui seront les effets constatables par les auditeurs/trices, jusqu’aux transformations internes qui impliquent de supprimer le service d’entretien (au profit d’entreprises du privé), le spectre des chamboulements annoncés est large.

D’abord, le recours aux contrats CDD, CDDU et de pigistes seront favorisés. Ces statuts précaires ne garantiront même pas une embauche derrière, aussi bien à Paris qu’en région.

Le prestigieux chœur symphonique de Radio France, unique au monde car permanent et professionnel, se voit à nouveau amputé de plusieurs dizaines de postes. Passant de 90 à 60 choristes, certaines œuvres du répertoire symphonique ne seront purement et simplement plus interprétables. Le partage et la transmission de notre patrimoine culturel sont donc également mis à mal, et il serait avisé de prendre la mesure de la gravité des implications derrière ceci : notre culture est en danger, et parfois par des chemins que l’on ne soupçonnait pas. Dans le même registre, les salarié.e.s de France Musique s’inquiètent également de l’avenir de la chaîne.

Résister par la grève

Alors qu’une première semaine de grève est proche de s’achever se pose la question de la participation aux mobilisations du mois de décembre, même si la date du 5 ne fait l’objet d’aucune contestation.

Pour l’heure, la reconductible a été votée jusqu’à lundi, date à partir de laquelle il ne fait aucun doute que la combativité des salarié.e.s de Radio France sera toujours présente pour aller plus loin, au point de rejoindre les mouvements du 5 décembre contre la réforme Delevoye sur les retraites. Côté organisation, des salarié.e.s de Radio France ont créé Radio Dedans Dehors (R2D) qui diffuse en podcast des émissions donnant la parole aux grévistes, mais invitant également l’extérieur à intervenir. C’est un micro tendu aux autres secteurs professionnels touchés et l’initiative est excellente. Dans le même registre d’auto-organisation, le blog Le Meilleur des Ondes a repris de l’activité pour communiquer sur la lutte contre ces réformes. Une caisse de grève a également été ouverte(voir les liens en fin d’article).

L’analyse de la situation doit dépasser le seul affrontement “Sibyle Veil contre Radio France”, car le service public de la radio est logé à la même enseigne que les autres secteurs. Le cas Radio France ne pourra pas se résoudre totalement en interne, d’autant que sa direction est déterminée à faire passer ses réformes contre la volonté des salarié.e.s. Sibyle Veil a laissé le sang couler en supprimant des lits d’hôpital, ce ne sont pas des économies à faire du côté de la radio qui lui coûteront des états d’âme. La situation à Radio France illustre ce qu’il se passe plus généralement dans toute la fonction publique : au-delà du cas Radio France, c’est un gouvernement au service des riches et des patrons qui fait la guerre aux services public (et au public tout court d’ailleurs). Pour inverser la tendance et obtenir de quoi embaucher et améliorer ces services, il faut mettre à genoux ce gouvernement, en luttant aux côtés des autres secteurs (professionnels du public, du privé, étudiant.e.s) dès le mois de décembre.

Défendre le combat de Radio France et de ses salarié.e.s, c’est défendre un accès de qualité et gratuit à la culture, au divertissement, mais aussi à l’information. Sa situation s’inscrit plus largement dans un contexte global de dépossession puis d’asphyxie des services publics au bénéfice du privé qui touche de nombreux autres secteurs : aussi la bataille contre ce gouvernement se joue-t-elle sur de nombreux tableaux. Cela implique certes des milieux socio-professionnels plus ou moins divisés qui jusque-là s’étaient retrouvés à lutter dans leur coin ; mais une fois articulés, ceux-ci vont se lancer dans une séquence de mobilisations sans précédent dès le début de ce mois de décembre. La lutte s’opérera aussi bien dans la rue que sur les lieux de travail. La grève est un outil permettant à notre camp de parvenir à ses fins, un droit précieux, et il nous faut considérer de l’exercer afin de partir en reconductible avec les autres secteurs. Pour celles et ceux pour qui cela n’est pas possible, une autre façon très efficace de soutenir la lutte est de contribuer aux caisses de grève.

Pour la défense de Radio France, pour la défense des services publics, contre ce gouvernement tout entier et ses sbires, nous nous battrons pour reprendre le pouvoir sur ce qui nous appartient.


Radio Dedans Dehors : https://soundcloud.com/user-749085144

La caisse de grève : https://www.lepotsolidaire.fr/pot/pbsul2f8

Pour aller plus loin :

https://lemeilleurdesondes.blogspot.com/

https://www.liberation.fr/debats/2019/11/29/oui-radio-france-a-le-choix_1766244

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/28/faire-plus-avec-moins-ne-marche-nulle-part-l-appel-de-80-collaborateurs-de-radio-france_6020905_3232.html (Article payant)

https://www.lexpress.fr/actualite/medias/audiovisuel/quatrieme-jour-de-greve-a-radio-france-contre-les-suppressions-de-postes_2109259.html

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