Les viols qu’a commis Polanski ne sont pas des faits divers.
Le problème n’est pas de savoir si un sale type peut faire une grande œuvre. Le problème est de savoir comment le système peut laisser à des criminels toute la place de s’exprimer.
Peut-on séparer l’œuvre d’art du système dans lequel elle est produite ? Parce que les violences de Polanski font bien système. Combien de femmes ont renoncé aux métiers artistiques à cause de ce système ? Combien de grandes artistes sommeillent encore qui n’ont jamais pu envisager que ce métier était fait pour elles ?
Maintenant que son film est tourné, diffusé, qu’il a obtenu les millions nécessaires à sa production, on nous met devant le fait accompli et on nous propose de choisir entre la censure et la caution.
La véritable question se posait en amont. Comment est-il encore possible de ne pas se griller, quand on est un criminel ? Qui sont tous ces gens de pouvoir qui continuent à mettre tout en place pour qu’il puisse continuer à créer ? Quelle est cette société, où 12 accusations de viol sur mineure ne changent rien à la destinée d’un grand homme ?
Entre la censure et le tapis rouge institutionnel et médiatique, il y a des mondes : combien de réalisateurs/trices vivent aujourd’hui d’autre chose parce qu’ils et elles n’arrivent pas à trouver les budgets pour réaliser leurs films ? Personne ne parle de censure. Combien de films sortent chaque semaine en France, qui ne dépassent pas la centaine de spectateurs ? Personne ne hurle à la censure.
Le message est clair pour les femmes : la société appartient aux hommes, leurs désirs y sont maîtres, nous n’y avons pas notre place. C’est l’impunité de Polanski qui nous censure, nous les femmes.
Les comédiennes violées, humiliées, harcelées n’ont pas le luxe, elles, de séparer en elles la femme de l’artiste. Très souvent elles cessent tout simplement de pouvoir être des artistes.
Parce qu’en utilisant leur métier, leur notoriété, leur position de pouvoir pour détruire la vie de femmes, ce sont bien ces hommes qui mélangent l’homme et l’artiste.