Du fric ! Et maintenant !

La version longue de cet article, qui fait le point sur le mouvement en cours et rappelle l’exigence d’étendre la grève, est disponible ici. Nous nous concentrons uniquement ici sur la question de la solidarité financière avec les grévistes.

Besoin urgent d’argent pour les grévistes. Comment faire ?

Au-delà de ces exigences d’extension du mouvement, les grévistes de la première heure – et même celles et ceux de la deuxième heure – ont besoin d’argent. Nous avons déjà traité dans un précédent article de la question des caisses de grève1.

Depuis la publication de cet article, l’urgence n’a fait que se renforcer et devenir plus pressante pour les grévistes. Des caisses de grève existent, nombreuses, syndicales, intersyndicales, autogérées par les grévistes – mais alors il s’agit de cagnottes par gare SNCF, dépôt de bus, ligne de métro ou RER, etc. Une gestion centralisée par les grévistes elles et eux-mêmes d’une caisse de grève centrale serait un progrès. Il faut continuer à aller en ce sens. Il faut aussi continuer à récolter du fric localement, sur les péages d’autoroutes, multiplier les appels au soutien financier. Il faut aussi développer la solidarité financière internationale : des travailleurs.ses et des syndicats de nombreux pays soutiennent moralement les grévistes français ; des messages de soutien nous parviennent, du Royaume-Uni au Brésil en passant par l’Espagne. Cette solidarité internationale doit s’amplifier et rapporter de belles sommes, mais cela prend du temps. De même, les caisses de grève interprofessionnelles ou par branche n’ont pas encore récolté assez d’argent pour distribuer des sommes suffisantes à tou.te.s les grévistes après bientôt 40 jours de grève.

Donc, comme dans d’autres cas, il faut prendre l’argent là où il est ! Où se trouvent, dès maintenant, les millions d’euros nécessaires à permettre à la SNCF et à la RATP – et quelques autres de façon plus récente ou plus isolée – de tenir bon ? Les partis de gauche institutionnels disposent d’argent – l’argent qui vient de nos impôts et sert à financer la vie politique ; ils peuvent et doivent faire des dons généreux aux grévistes, et ainsi concrétiser leur soutien sur le plan matériel. Les grévistes ont toute légitimité pour s’adresser à ces forces politiques, qui souvent les remercient de se battre pour tout le monde, pour les jeunes générations, etc.

L’argent des syndicats

Mais surtout, les centrales syndicales disposent de beaucoup de moyens qu’elles peuvent mettre – au moins en partie – à disposition de celles et ceux qui luttent et qui commencent à être assailli.e.s par les difficultés financières. Il y a l’argent des adhérent.e.s, dont, répétons-le, on peut être sûr.e que ces dernier.e.s verraient d’un très bon œil qu’il serve à payer des jours de grèves. Mais il faut penser aussi au Fonds pour le financement du dialogue social, qui concerne le secteur privé et pas la Fonction publique, mais qui a géré la somme rondelette de 126,8 millions d’euros en 2018 pour financer les missions de « dialogue » entre les organisations patronales et syndicales. Selon L’Express, « ces sommes contribuent au financement de la gestion des organismes paritaires, de la participation des partenaires sociaux aux politiques publiques et à la formation syndicale de salariés »2. Les montants alloués aux « partenaires sociaux » sont fonction des règles de « représentativité » définies en 2017. Oublions l’argent donné aux organisations patronales (plus de 25 millions d’euros dont 13,27 millions pour le Medef) ! On ne pourra guère compter sur ce camp-là pour aider les grévistes ! Du côté des forces syndicales représentant les salarié.e.s, on arrive à un cumul de plus de 85 millions d’euros. La CFDT, devenue premier syndicat dans le secteur privé, a perçu la plus belle part : 19,53 millions d’euros. Mais inutile, là aussi, d’essayer d’aller réclamer de l’argent à Laurent Berger, félon historique, grand maitre en matière de trahison de la classe ouvrière, qui aurait une réponse toute simple à apporter à une telle exigence si elle devait lui être formulée : « Nous n’avons pas appelé à faire grève contre la réforme… nous n’avons donc pas à payer ! ». Derrière la CFDT, la CGT a reçu 18,9 millions ; FO, 15,4 millions ; la CFE-CGC, 13 millions ; la CFTC, 11,8 millions. Parmi les syndicats « non représentatifs », l’UNSA a touché 3,8 millions ; et Solidaires, 2,7 millions… Parmi les centrales faisant partie de l’intersyndicale opposée à la réforme des retraites, on peut déjà additionner 18,9 (CGT) + 15,4 (FO) + 13 (CFE-CGC) + 2,7 (Solidaires) soit un total tout rond de 50 millions d’euros. A quoi il convient d’ajouter les sommes perçues par la FSU pour sa participation au « dialogue social » dans la fonction publique.

Ce n’est pas l’argent qui manque, mais la volonté de le mettre à la disposition des grévistes !

On le voit, de l’argent disponible, il y en a assez dans les grandes centrales syndicales. Celles-ci peuvent y ajouter des collectes auprès de leurs adhérent.e.s et autour de leurs implantations sur les lieux de travail… Mais au fond, il s’agit d’un choix stratégique : les organisations participant à l’intersyndicale opposée à la réforme des retraites de Macron veulent-elles utiliser une partie de ces sommes pour payer des jours de grève ? Les grévistes de la première heure et, sans doute, une majorité de salarié.e.s dans le pays y trouveraient du soutien, du réconfort et on pourrait assister à un regain de confiance populaire dans les syndicats. En tout cas, les grévistes et celles et ceux qui veulent les rejoindre ou s’y apprêtent, seraient bien inspiré.e.s de faire remonter des exigences en ce sens.

Pour notre part, nous nous inscrivons totalement dans la perspective de la motion votée cette semaine à l’assemblée interprofessionnelle des grévistes de Nancy. De tels textes devraient se multiplier partout dans le pays, pour mettre la pression sur les directions syndicales et apporter à très brève échéance une solution au problème matériel bien réel des secteurs en grève.


1. C’est ici : https://alt-rev-com.fr/articles/2019-12-organiser-la-solidarit%C3%A9-financi%C3%A8re-avec-les-gr%C3%A9vistes-un-combat-politique-urgent-pour-vaincre-macron-et-son-monde/

2. Le financement de ce fonds est basé pour 95,5 millions d’euros sur une contribution de 0,016% sur la masse salariale et sur une subvention de l’Etat de 32,6 millions d’euros. https://www.lexpress.fr/actualite/societe/pour-financer-le-dialogue-social-syndicats-et-patronat-ont-recu-126-8-millions-en-2018_2108378.html

 

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