⚡ Benoît Borrits : “L’abolition de la propriété dominante favorisera la démocratie dans les entreprises”

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Le Comptoir

Benoît Borrits est chercheur et animateur de l’association Autogestion. Il dirige également le site economie.org, qui promeut la démocratie économique. Après avoir publié plusieurs livres sur la question des coopératives et des communs, Benoît Borrits publie « Virer les actionnaires : Pourquoi et comment s’en passer ? » (Syllepse). À rebours d’une gauche devenue keynésienne, redistributive et altercapitaliste, il propose une rupture franche et radicale avec le système économique aujourd’hui en place.

Le Comptoir : Selon vous, il faut abolir la propriété dominante, qui « se définit comme une propriété dont nous n’avons pas l’usage ». Il s’agit d’interdire d’être « propriétaire d’une entreprise dans laquelle on ne travaille pas ou d’un logement que l’on loue à d’autres ». En quoi est-ce indispensable ?

Benoît Borrits : Les inégalités se sont accrues au point où elles n’ont plus guère de justifications et deviennent insupportables pour celles et ceux qui les subissent. Deux approches de ce problème sont possibles. Une approche qui consiste à laisser intacte la formation des revenus pour corriger a posteriori celle-ci par des outils fiscaux progressifs (plus on gagne, plus le taux d’imposition s’accroît) qui financeront des services publics non marchands et des minima sociaux. Cette approche butera toujours sur la notion de spoliation dans les prélèvements : est-il justifié qu’une personne se voit reprendre 90 % de certains de ces revenus alors que ceux-ci ont été légitimés par l’économie capitaliste ? Débat sans fin dans lequel les partisans d’une faible progressivité auront toujours le dessus.

Une autre approche, plus fondamentale, vise à s’attaquer à la formation même de ces inégalités. Il se trouve que la propriété dominante et lucrative ouvre la voie à des rémunérations infinies. Si je dispose d’un patrimoine important que je n’utilise pas totalement pour mes propres besoins, la partie non utilisée sera mise à disposition contre rémunération. Je suis propriétaire de biens immobiliers que je loue contre des loyers ; je prête à diverses entités en détenant des obligations qui m’apportent des coupons ; je suis co-propriétaire d’entreprises qui me procurent des dividendes. L’infini devient possible : le patrimoine ouvre la voie à des revenus non consommés qui augmenteront encore plus le patrimoine et donc les revenus. Pire, cette logique influe directement sur la formation des salaires dans les entreprises. Ceux-ci ne sont pas définis par le collectif de travail, donc entre pairs, mais par une direction nommée par les actionnaires dont l’objectif est de contenir la masse salariale afin de réaliser une valeur ajoutée supérieure à celle-ci pour dégager un profit. Les actionnaires sont à l’affût de managers, véritables mercenaires des temps modernes, capables de réaliser cette prouesse. Il est alors rationnel de leur consentir des salaires de quelques millions d’euros lorsque les dividendes versés se comptent en milliards. Abolir la propriété dominante et lucrative est donc le moyen le plus sûr de juguler les inégalités à la source.

Quelles formes prendront alors les entreprises ? Et les services publics ?

L’autre aspect positif de l’abolition de cette propriété dominante est l’apparition de la démocratie dans les entreprises. Il est paradoxal de constater que la démocratie est une valeur fondatrice de nos sociétés et que le citoyen ne l’est plus dès qu’il est à son poste de travail : il doit obéir à une hiérarchie qui lui est totalement extérieure. Nous vivons dans les entreprises une situation d’ancien régime et celle-ci ne s’explique que par la propriété dominante : l’apporteur de capitaux a mis son argent à la disposition de l’entreprise sans aucune garantie de rémunération et revendique donc le droit de diriger celle-ci.

La valorisation des sociétés de capitaux est basée sur les anticipations de dividendes. Sans dividendes, c’est-à-dire sans extraction de profits sur la valeur ajoutée produite par les salarié.es, celle-ci ne vaut absolument rien. Dès lors, il n’y a aucun intérêt à être propriétaire d’une entreprise et c’est la notion même de propriété des moyens de production qui disparaît.

Que la société n’ait plus aucune valeur n’empêche absolument pas l’entreprise d’exister, l’entreprise vue comme un collectif de travail qui produit une valeur ajoutée en vendant des biens et des services. Dès lors la forme que prendra l’entreprise est évidente : les travailleurs, en tant que producteurs et titulaires de cette valeur ajoutée, dirigeront l’entreprise comme cela se fait déjà dans les SCOP (Sociétés coopératives et participatives). Mais ils la dirigeront non pas en tant que nouveaux propriétaires mais en tant que producteurs associés.

Nous parlons ici d’entreprises qui évoluent dans une économie marchande de moins en moins concurrentielle et produisant des monopoles et des oligopoles qui profitent de leur position dominante. Pour contrer ceci, il est urgent de proposer, dès maintenant et dans le cadre de l’économie capitaliste, un droit de mobilisation des usagers pour la formation d’un conseil d’orientation de l’entreprise qui fera prévaloir ses vues sur la production en terme de contenu, de qualité et de modalités de distribution. Dans la société capitaliste actuelle, un tel droit serait vu comme un inadmissible empiétement sur la propriété. Dans une démocratie économique, un tel droit permet de concevoir l’unité productive comme un commun dans lequel la production serait définie conjointement par les salariés et les usagers.

Ceci trace donc une perspective pour les actuels services publics. Les travailleurs de ces services sont actuellement dans une position subordonnée dans laquelle ils sont souvent en conflit avec des directions qui appliquent des politiques néolibérales. La fin du caractère subordonné du travail dans le secteur privé apportera un appel d’air dans ce secteur public et ce que nous venons de dire sur la rencontre entre travailleurs et usagers s’applique alors parfaitement pour démocratiser les services publics. Au final, toute unité de production doit être au service du public et ce service s’exprime par une co-délibération entre travailleurs et usagers.

Ceux qui travaillent d’Antoine Russbach (2018)

Vous prônez aussi un nouveau système monétaire et bancaire, socialisé. Pourquoi ?

Le commun productif que nous venons de décrire, co-dirigé par ses travailleurs et usagers, s’est construit sur la base de la destruction de la valeur de la société de capitaux. Les individus qui dirigent cette unité de production ne le font plus en qualité de propriétaires mais en qualité d’utilisateurs des moyens de production. Or la notion de propriété d’une entreprise s’incarne dans les fonds propres de celle-ci, fonds propres qui trouvent leurs origines dans le capital apporté à l’entreprise et qui sont augmentés régulièrement par les profits non distribués. Les fonds propres et les dettes sont les deux moyens de financement de ce que possède l’entreprise (ses actifs). Si nous voulons sortir du rapport propriétaire, il nous faut donc intégralement financer l’entreprise par emprunts. Mais ceci pose de nouvelles questions.

Souhaitons-nous être dépendants de créanciers privés ? La réponse est bien entendu négative. Une question adjacente est de savoir s’il est possible de financer la totalité des actifs de l’entreprise par de l’emprunt privé. L’expérience du capitalisme nous montre que le recours aux fonds propres est incontournable pour financer certains investissements, notamment dans le domaine de l’immatériel. Enfin, toute créance qui rémunère son propriétaire est incompatible avec la notion d’abolition de la propriété lucrative. Ce sont les raisons pour lesquelles un système financier socialisé est incontournable.

Celui-ci s’organise autour d’un Fonds socialisé d’investissement qui joue à la fois le rôle de banque centrale et se substitue aux marchés financiers qui disparaissent. La simplicité commande que ce fonds assume le rôle de banque centrale mais on peut aussi envisager une séparation de ces deux fonctions pour conserver une banque centrale déjà existante. Le rôle de ce fonds est d’offrir aux banques socialisées – gérées comme les autres entreprises par leurs salariés et usagers – des crédits de long terme pour financer les unités productives. Ces crédits que les banques vont accorder remplacent les financements apportés par les actions et les obligations. Comme il n’y a plus de marchés financiers, la monnaie sera alors le seul actif financier qui subsistera et qui représentera un pouvoir d’achat qui ne rémunérera pas son détenteur.

Le Fonds socialisé d’investissement aura un pouvoir fiscal et pourra lever de l’argent par application de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises. Sa politique à cet égard sera le maintien du pouvoir d’achat de la monnaie. En cas d’inflation elle remontera les cotisations, inversement elle les baissera. Ces cotisations ne font que remplacer les souscriptions d’actions et d’obligations autrefois réalisées par des personnes fortunées qui entendaient gagner de l’argent sur le travail des autres. Elles seront désormais réalisées pour simplement conserver le pouvoir d’achat de la monnaie, ces ajustements correspondant à l’usage actuel de la politique budgétaire.

La contrepartie du pouvoir fiscal de ce fonds est bien évidemment la délibération démocratique. Elle permettra de déterminer l’orientation générale de l’économie grâce à la définition d’enveloppes budgétaires à réaliser par des taux d’intérêt différenciés qui pourront aussi bien être négatifs que positifs. Ces enveloppes budgétaires permettront d’investir dans des secteurs privilégiés – les différents aspects de la reconversion écologique par exemple – ou pour des investissements spécifiques tels que la recherche et développement et l’immatériel, qui n’étaient antérieurement financés que par des fonds propres.

Selon vous, il n’est ni indispensable d’instaurer un contrôle des capitaux. La mondialisation n’est-elle pas pourtant la forme que prend le capitalisme aujourd’hui ? Ne faut-il pas rompre avec ?

Le capitalisme est dans un tel état de décrépitude que des investisseurs n’hésitent plus à prêter à taux négatifs à des États qu’ils jugent sûrs, ce qui signifie qu’il recevront au final moins que ce qu’ils ont prêté. Par ailleurs, la prime de risque sur les actions reste très élevée et ne risque pas de baisser avec le gadin boursier de la Covid-19. Cette prime de risque est la mesure de la peur des marchés et toute le monde a intérêt à ce qu’elle soit la plus faible possible parce qu’additionnée au taux d’intérêt, elle détermine le rendement attendu des investissements. Dis autrement, le capitalisme ne fonctionne bien que si on croit en lui. Voilà pourquoi une monnaie stable garantissant le pouvoir d’achat est un actif financier recherché. Or quoi ne plus rassurant et stable qu’une monnaie basée sur la coopération et la solidité d’une économie toute entière? Qu’apporteront alors des mesures de contrôle des capitaux ? Si des résidents veulent investir dans des produits risqués, qu’ils aillent investir à l’étranger. En contrepartie, nous pouvons être certains que des non-résidents seront intéressés à posséder notre monnaie. D’ailleurs, si celle-ci se renforce trop vis-à-vis de notre politique de change, on pourra alors dissuader les non résidents par un taux négatif.

La mondialisation est une réalité qui comporte des aspects très différents les uns des autres. On ne peut que louer la mondialisation de la recherche et de l’immatériel à la condition que celle-ci ne soit pas privatisée. On peut et on doit s’insurger de la multiplication des transports de marchandises d’un bout à l’autre du monde qui détruisent notre planète et déséquilibrent nos territoires. Toute la question n’est pas de réfuter la mondialisation mais de savoir comment appréhender politiquement ces questions.

L’émergence de groupes transnationaux – de groupes composés d’une maison-mère dans un pays qui détiennent des filiales dans d’autres – est un aspect de la mondialisation que l’on ne peut ignorer dans la perspective d’une éviction des actionnaires. La filiale est l’expression d’un rapport propriétaire, celui d’une maison mère. Ceci est contradictoire avec notre visée émancipatrice qui veut que les travailleurs dirigent leur travail. Deux cas de figure se présentent : la maison-mère se situe dans le pays qui entame la transformation sociale ou elle est extérieure. Ce dernier cas de figure est bien sûr délicat puisqu’une filiale n’a de sens que dans le cadre de la coordination qu’apporte un groupe. Une négociation s’entamera donc fatalement avec la maison-mère basée à l’étranger sur le maintien de liens commerciaux avec l’ancienne filiale reprise par ses travailleurs. Cela sera plus ou moins facile selon la fonction de la filiale (bureau de vente, fabrication ou recherche et développement) mais loin d’être impossible compte tenu du marché que représente le pays. À ce sujet, le système financier socialisé aura un rôle de premier plan à jouer dans des reconversions éventuelles. Mais à l’inverse, les groupes socialisés qui disposent de filiales à l’étranger vont rendre la direction de ces filiales à leurs travailleurs et travailleuses pour établir de nouvelles relations d’échange équilibrées dans un groupe désormais conçu comme une fédération. Ceci sera un formidable vecteur de propagation de l’appropriation sociale dans tous les pays.

De même, vous pensez qu’il n’est pas indispensable de sortir de l’euro, même si vous l’envisagez. Alain Madelin disait d’ailleurs : « Le traité de Maastricht agit comme une assurance-vie contre le retour à l’expérience socialiste pure et dure. » Est-il possible de sortir du capitalisme en restant dans l’euro ?

Libre à Alain Madelin de s’illusionner qu’un traité interétatique soit de nature à interdire à un peuple de s’exprimer. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce traité de Maastricht a déjà du plomb dans l’aile. Prenons un exemple : l’interdiction faite à la banque centrale de prêter aux États. Nous avions, à juste titre, dénoncé dans le passé cette stipulation qui n’existe quasiment nulle part au monde à l’exception de l’Allemagne et de la France depuis 1973. La crise de la dette européenne à partir de 2010 a changé les règles en autorisant la BCE à acheter la dette des États sur le marché secondaire. Le marché secondaire est le marché dans lequel s’échangent des obligations déjà émises. En faisant ceci, la BCE achète de facto la defanchette des États, ce qui a pour effet de maintenir les taux d’intérêt à un niveau raisonnable – ils sont aujourd’hui proches de zéro pour la France – et d’éviter ce que nous critiquions : mettre les États sous la coupe des marchés. Il s’agit d’une évolution largement critiquée outre-Rhin qui contredit l’idée que l’Europe serait sous la coupe de l’Allemagne.

L’Union européenne a été construite par un imbroglio de traités divers et discutables dont on a voulu donner un contenu constitutionnel dans une gouvernance interétatique absolument antidémocratique. Mais, à moins de s’illusionner comme Alain Madelin, sur la force des traités, la politique se définit toujours dans le cadre des États. Si un pays de l’Union européenne se lance dans une abolition de la propriété lucrative, ce qui relève d’un changement constitutionnel, il va de soi que cela est contradictoire aux traités européens. Mais au nom de quoi des traités interdiraient-il au peuple le droit de changer sa constitution ? Est-ce que les pays voisins enverront leurs armées pour nous contraindre à rétablir la propriété dominante ? Aujourd’hui, des gouvernements de droite en Hongrie et en Pologne prennent des dispositions contraires aux traités européens et on voit bien que l’Union est impuissante, impuissante parce que sa structuration est interétatique. Il difficile de prédire ce qu’il en sera à l’avenir et il n’est pas exclu de voir des évolutions – telle que celle de l’intervention de la BCE sur le marché secondaire – ou des ruptures, et il ne faut pas avoir peur de ces ruptures. La visée européenne comme toute perspective d’universalité reste positive à condition qu’elle soit clairement maîtrisée par les populations.

L’euro de 2020 ne ressemble nullement à celui de 2000. Le mandat donné à la BCE de limiter l’inflation à 2 % induisait au début des années 2000 des taux d’intérêt réels forts qui réduisaient les investissements et n’étaient pas favorables à l’emploi. Le simple fait de détenir de l’euro était rémunérateur sur les marchés monétaires. Plus rien de tel aujourd’hui depuis que la BCE rachète la dette des États et c’est la raison pour laquelle, il n’est pas interdit de penser l’appropriation sociale dans le cadre de l’euro ou d’une monnaie qui serait à parité. Mais inversement, et comme mon livre le précise, il peut aussi être intéressant de disposer de sa propre monnaie. Le débat est ouvert sans qu’il soit essentiel. La véritable question est plutôt de savoir si les autres États accepteront que nous restions dans l’euro avec la mise en place d’un système financier socialisé. C’est peu probable mais, encore une fois, les évolutions politiques sont imprévisibles et souvent rapides.

Pour vous, il faut prendre le pouvoir par les voies institutionnelles plutôt qu’insurrectionnelles. Un tel programme a-t-il une chance de remporter une élection ? Le voie électorale ne mène-t-elle pas à édulcorer les programmes ?

Il ne m’appartient pas de dire comment se déroulera la transformation sociale car elle sera le fait de la population ou de la classe salariée dans le sens large du terme, incluant celles et ceux en situation de précarité. Compte tenu de la violence de plus en plus forte du néolibéralisme, il n’est pas exclu de voir apparaître des phénomènes insurrectionnels qui renversent un pouvoir en place. Ceci s’est produit dans le monde arabe. Est-ce que le mouvement des gilets jaunes n’en est pas un prémisse ? Nul ne peut le dire. On ne décrète pas une insurrection et les éléments déclencheurs sont imprévisibles.

Dans l’hypothèse d’une insurrection, il ne suffit pas d’avoir renversé le pouvoir en place, il faut aussi que la société s’auto-organise. Et pour cela, il faut avoir des projets politiques. Les élections sont des moments privilégiés de la vie politique dans lesquels la population débat dans des réunions informelles, dans les cercles familiaux ou encore sur les réseaux sociaux. Il est difficile dans ces conditions de défendre un projet sans postuler aux élections.

« Le moment électoral se nourrit du mouvement social et inversement. »

Il est clair que la voie électorale conduit à édulcorer les programmes. C’est effectivement ce que j’aborde dans le livre lorsque je parle d’une coalition progressiste qui arriverait au pouvoir en tant qu’alternative au néolibéralisme et au national-populisme. Aujourd’hui, les programmes de ces coalitions portent un changement de la répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail sans poser la question de la propriété des entreprises, alors que cela avait été partiellement le cas du programme commun de la gauche de 1972. Il n’empêche que dans les conditions actuelles de faible croissance de l’économie, une simple baisse des profits des sociétés de capitaux aura des conséquences telles qu’il faudra penser la transformation sociale et l’éviction des actionnaires. Tout ne se définit pas dans les élections car le mouvement social produit aussi du politique. Il n’est donc pas impossible que dans le cadre de l’arrivée au pouvoir d’une coalition progressiste qui ne prévoyait pas l’éviction des actionnaires, la mobilisation de la classe salariée devant le faible investissement des entreprises pose la question de leur appropriation sociale. Le moment électoral se nourrit du mouvement social et inversement.

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