⚡ Darmanin lance un autre hochet Macron, l’actionnariat salarié

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SOURCE : Blog Jean-Marc B.

Face à la menace d’explosion sociale, le régime de MAC40 fait feu de tout bois, y compris la relance du hochet de l’actionnariat salarié, comme l’avait fait De Gaulle avec les ordonnances de 1967, ce qui n’avait pas empêché la grève générale quelques mois plus tard…

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Dans une interview au dernier Journal du Dimanche, le ministre de l’Action et des Comptes publics a jugé que le gouvernement veut aller plus loin sur la question du pouvoir d’achat grâce à l’actionnariat salarié: « Les salariés deviennent actionnaires de leur entreprise, ils perçoivent leur part sur les bénéfices qu’elle réalise et ils augmentent leur pouvoir d’achat, en plus de leurs salaires, par l’intéressement”. Et d’ajouter qu’il souhaite “généraliser”“simplifier” et “étendre” l’actionnariat salarié en versant “des montants importants ». Tout cela afin “de ressusciter la grande idée gaulliste de la participation ».

Le premier avantage de l’actionnariat salarié sur une augmentation de salaire est pour le capital qu’il ne paie pas de charges sociales sur le versement d’actions et pour le salarié qu’il ne paie pas d’impôt sur ce versement. Evidemment, la manoeuvre se fait aux dépens de la Sécu, et aux dépens des budgets publics. Et comme toujours, pas aux dépens des budgets des bandes armées du capital (milice macronale ou armée néocoloniale), mais aux dépens des budgets sociaux utiles, comme par exemple la santé.

Deuxième avantage pour le patronat: la rémunération sous forme d’actions n’est pas pérenne, elle dépend des résultats de l’entreprises, déplaçant ainsi une partie du risque sur les salariés.

Troisième avantage pour la bourgeoisie dans son ensemble: l’actionnariat salariale, comme toute autre forme d’épargne salariale, favorise les retraites par capitalisation, et contribue ainsi à la marginalisation des retraites par répartition…L’objectif de De Gaulle à Macron en passant par Jospin a toujours été de livrer à terme les centaines de milliards de la Sécu à leurs amis oligarques.  Ce qui n’empêchait pas les larbins de réciter les éléments de langage élaborés à Matignon: « l’épargne salariale n’a aucun rapport avec la retraite… ».

Le quatrième avantage est le plus important et actuel, car directement politique. Depuis que les producteurs se battent contre l’exploitation et l’aliénation au travail, des bourgeois ont imaginé de faire participer les travailleurs à leur exploitation, en leur reversant une petite part du profit. Darmanin ne fait que reprendre une ficelle aussi vieille que sa classe de parasites.

Dès les débuts du capitalisme, riches patrons, syndicalistes, religieux, tout comme rêveurs et politiciens réformistes, ont cherché les moyens de réconcilier travail et profit. Leur objectif à tous: reculer toujours plus la menace de révolution sociale. Le moyen: faire croire aux exploités, parce qu’ils disposent de quelques actions, qu’ils ne sont plus exploités…Bref, les aliéner encore plus en leur faisant adopter le point de vue du patron.

Darmanin a lâché le morceau dimanche dernier: « Dans un monde en crise, le partage des richesses est un enjeu essentiel… l’association capital-travail est une solution pour répondre à la lutte des classes sociales que l’on voit resurgir ». Cela, dit-il  “permettrait de réconcilier les Français avec l’entreprise ».

En France c’est sous De Gaulle que cet enfumage politique a pris une première forme, timide mais concrète, en 1959 exactement, sous l’appellation « Intéressement ». Il s’agit alors d’une prime volontaire, sur décision de l’entreprise, calculée par exemple sur son CA ou la productivité.

Face à un piètre score aux législatives et une remontée rapide des luttes sociales, De Gaulle annonce en 1967 la « participation », qui rend la prime obligatoire dans toutes les entreprises de plus de 100 salariés. Elle est calculée en fonction des bénéfices de l’entreprise et proportionnelle au salaire. Elle présente l’avantage pour le capital d’être bloquée pendant de 3 à 5 ans. Elle peut être investie en actions de l’entreprise, en Sicav ou en un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE). La « participation » selon De Gaulle annonçait “un ordre social nouveau“. Mais cet « ordre social nouveau » n’empêcha pas la grève générale de mai-juin 1968. De Gaulle agita alors à nouveau le hochet de la participation dans son discours du 24 mai. Les grévistes se contentèrent d’en rire. En fait De Gaulle n’a du sa survie qu’à la trahison de la grève par les dirigeants réformistes, PCF en tête.

En 1990, la règle a été étendue aux entreprises de plus de 50 salariés. Puis, comme tous les autres politiciens du capital, Lionel Jospin, tout en privatisant plus qu’aucun autre gouvernement  dans l’histoire de France et en amorçant la baisse de la fiscalité sur les plus riches, a lancé pour donner le change un projet de loi sur les « nouvelles régulations ». Y figurait bien sûr des encouragements à l’épargne salariale.

Déjà, à l’époque, il s’agissait, de concert avec tous les politiciens et bureaucrates syndicaux de droite et de « gauche » de casser les revendications salariales. Grâce à la furie de privatisation du gouvernement Jospin, les fonds de « participation » ont fait un bond et généré un flux de 45,4 milliards de F en 1997, avec un prix énorme pour les finances publiques: 20 milliards de francs d’exonérations de charges sociales et 5 milliards d’exonérations fiscales. Face à la crise économique de 2008, autre politicien bonimenteur, avait proposé le principe des trois tiers dans la répartition des profits: un tiers aux dividendes, un tiers à l’investissment et un tiers aux salariés. Du vent comme toujours…En 2015, la loi Macron a renforcé les avantages fiscaux de la participation et en 2019, la loi Pacte a assoupli certains dispositifs.

En 2017, seuls 42,6% des salariés en ont bénéficié de cette participation aux bénéfices. Selon les Echos, en 2018, la moitié des entreprises du SBF 120 (les 120 principales capitalisations boursières en France) ont réalisé un plan d’actionnariat salarié, contre 43 % en 2017 et 36 % en 2014. Mais le capital détenu par les salariés dans les grands groupes français du CAC 40 n’était encore que de 3,17 % fin 2017. Le montant versé aux salariés sous forme d’actions est d’environ 20 milliards par an, ce qui ne représente que 2% de la masse salariale.

Avec des chiffres pareils, une chose est sûre: le pouvoir ne va pas changer de camp entre les actionnaires et les salariés. Par contre, le vieux hochet que s’apprête à agiter à nouveau le MAC40 est une façon de détourner la question de l’augmentation des salaires, alors même que ses amis se gavent au point de ne plus savoir dans quelles paradis fiscaux mettre leurs rapines.

PS. Darmanin et autres larbins de la Cour ne manqueront pas dans les jours qui viennent de prendre en exemple les « succès » de l’actionnariat salarié dans d’autres pays, et notamment sa progression aux Etats-Unis. En fait, l’actionnariat salarié s’y concentre sur les revenus les plus élevés, et les Etats-Unis sont un des pays où le taux d’exploitation des salariés a le plus augmenté en 30 ans, et où la richesse s’est concentrée le plus. A ce jour, depuis le déclenchement de la pandémie, la fortune des milliardaires y a augmenté de 282 milliards de dollars, pendant que environ de 35 millions de salariés ont été jeté au chômage…


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