Tout un secteur industriel mondial menacé de sortie de route

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SOURCE : L'Humanité

L’industrie automobile est l’un des principaux moteurs de l’économie allemande. Le pays risque d’être fortement touché par la crise du secteur. Ina Fassbender/AFP

L’Humanité, 26 mai 2020

La construction automobile, qui subissait déjà un ralentissement avant la pandémie, accentuait les pressions sur l’emploi et les salaires et peinait à se conformer aux défis écologiques, est plombée par la loi du profit.

Déjà affaiblie avant le déclenchement de la pandémie, l’industrie automobile mondiale est grandement menacée. « Une crise historique se dessine », selon le directeur général de l’Association des constructeurs automobiles européens. On devrait assister à une chute d’au moins 14 millions du nombre de ventes de véhicules cette année sur la planète, soit une chute de 12 % sur 2019, selon les estimations les plus optimistes. Acheteurs potentiels confinés, usines et lieux de vente fermés ont alimenté naturellement un formidable recul global de la production de voitures qui se chiffrerait à environ – 10 % en Chine, – 14 % en Europe et – 15 % aux États-Unis.

Sur fond de concurrence pour le contrôle de marchés restreints et de course à l’automobile « propre », certains groupes pourraient ne pas s’en remettre. Des opérations de fusion-acquisition de toujours plus grande envergure se préparent d’arrache-pied, voire sont déjà programmées – comme celle envisagée ouvertement l’an dernier entre l’italo-états-unien Fiat Chrysler et l’un des deux constructeurs français Renault puis PSA. Avec à la clé la promesse d’un massacre de plusieurs dizaines de milliers d’emplois et des pertes de savoir-faire.

L’Allemagne plombée par le « dieselgate »

En Europe, c’est l’Allemagne qui devrait être la plus sérieusement touchée. L’automobile constitue en effet outre-Rhin l’une des plus grosses branches industrielles. Elle qui a tardé à organiser sa transition « décarbonée », préférant tricher avec l’enjeu environnemental pour équiper ses moteurs de logiciels truqueurs, est toujours plombée par ce « dieselgate ». Ainsi lundi encore, un arrêt de la Cour fédérale allemande a-t-il condamné Volkswagen à verser aux acheteurs qu’il avait dupés sur les émissions de CO2 un dédommagement correspondant à une part importante de la valeur initiale de leurs véhicules. Or, quelque 60 000 plaintes sont encore instruites. Ce qui signifie que la facture déjà très lourde de la fraude « verte » va être augmentée d’au moins une centaine de millions d’euros.

Plus trumpiste que Trump

Aux États-Unis, les « big three », les trois géants de Détroit (General Motors, Ford et Fiat Chrysler), ont été, eux aussi, confrontés à une montée des difficultés avant même le déclenchement de la pandémie. Après plusieurs années de vaches grasses, alimentées par une croissance des ventes portée par les véhicules SUV, généralement très polluants, ils ont vu, l’an dernier, leurs résultats stagner, en étroite corrélation avec le ralentissement amorcé par l’économie états-unienne dans son ensemble et le maintien d’une faible hausse des salaires qui a pesé sur la demande.

Quant à Tesla, le numéro un mondial du véhicule électrique, qui a misé sur le début de prise de conscience des enjeux écologiques, il est lui aussi très lourdement touché. Il opère en effet sur un segment relativement étroit. Ses voitures sont réservées à une clientèle plutôt huppée et leur fabrication reste, tout compte fait, gourmande en gaz à effet de serre. D’où, là aussi, des doutes et des signes de faiblesse avant même que la crise sanitaire ne paralyse production et achat. Son PDG, Elon Musk, s’est illustré en imposant un redémarrage de son usine de Fremont, dans le comté d’Alameda, en Californie, dès le 11 mai en dépit des risques pour ses salariés et en totale contravention avec les décisions des autorités locales. Course aux profits oblige, le héraut du capitalisme vert s’est montré plus trumpiste que Trump dans son forcing à la réouverture de l’économie.

Bruno Odent

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