Trump affaibli

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SOURCE : Arguments pour la lutte sociale

Trump est affaibli, c’est une évidence, mais l’important est de bien comprendre par qui et comment !

Depuis son élection, il existe une sorte d’illégitimité fondamentale de Trump par rapport à l’ordre constitutionnel nord-américain et au capital financier US. Cela ne provient pas de la grossièreté et des côtés « folkloriques » du personnage même si cela s’est souvent exprimé à cette occasion, mais du fait qu’il a « pris » les primaires républicaines par surprise, sans prévoir sa propre élection, et a toujours persisté à placer ouvertement ses intérêts personnels avant tous les autres, alors que ces intérêts sont constitués de ses affaires immobilières véreuses, liées à la mafia « italienne » jusqu’en 1986, puis à la mafia russe, ce qui constitue l’origine de la sorte de dépendance, attestée à maintes reprises, de Trump envers Poutine.

Sur un point – central – les intérêts et obsessions personnels de Trump correspondent aux intérêts généraux du capitalisme nord-américain : la rivalité, aujourd’hui de nature impérialiste, avec la Chine. Il n’empêche que les hiérarques du régime chinois misent sur sa réélection car, quitte à avoir une puissance américaine hostile, autant que ce soit avec un président erratique qui s’entend mal avec son propre establishment. Le faucon néo-con John Bolton, devenu très hostile à Trump après avoir travaillé sous son égide jusqu’en 2019, raconte dans les bonnes pages déjà largement connues de son brûlot à paraître, que Trump, dans la même conversation, a félicité Xi Jinping pour l’enfermement massif des Ouïghours dans des camps de concentration, et a mendié des faveurs commerciales pour assurer sa réélection.

L’inadéquation desd intérêts particuliers de Trump, et leurs liens mafieux avec la Russie, a constitué un énorme problème pour la classe dominante US et pour ses alliés mondiaux, Europe et Japon notamment. A plusieurs reprises, par exemple lors des sommets du G7 ou de l’OTAN ou lors de la rencontre Trump/Poutine de juillet 2018, le niveau de gabegie et d’humiliation de la première puissance mondiale semblait parvenu à la limite du tolérable pour ces milieux.

Et pourtant, ils ne sont pas parvenus à le dégommer parce qu’ils avaient encore plus peur de le chasser que de le garder.

L’enquête du procureur Mueller, accablante, a été en partie censurée par l’administration et les Démocrates ont eu peur d’aller jusqu’au bout. Malgré cela, la collusion russe a trouvé un prolongement ukrainien, Trump ayant fait chanter le président ukrainien Zelenski pour avoir des billes contre Joe Biden, et cette seconde affaire a conduit à une procédure d’impeachment où ce sont cette fois-ci les Républicains qui, toute honte bue, se sont alignés en faveur de Trump.

La plus grande classe capitaliste du monde a à sa tête un bouffon corrompu, pas fiable, elle le sait et elle a montré à la fois qu’elle le sait et … son incapacité à s’en débarrasser. Plus que le phénomène « Trump » en lui-même, cette incapacité signe sa faillite historique, sa décadence.

Tout ce que cette classe a su faire par le biais du système des primaires ramenées aux seules primaires démocrates par l’alignement des Républicains sur Trump, fut d’écarter la candidature Sanders qui a exprimé la recherche d’une issue dans le cadre de la constitution américaine, apportant sécurité sociale et green new-deal, affirmant le désir de « socialisme ». Ils ont ainsi bouché toute issue à la jeunesse et à de larges couches ouvrières juste au moment où arrivait le lock-down du Covid et les 30 millions de licenciements, assurant, avec l’aide maîtresse des directions de l’AFL-CIO et des vieilles organisations communautaires afro-américaines, la désignation d’un candidat capitaliste sans charisme, sans expression, mais avec boulets de corruption, de racisme et de sexisme, face à Trump : Joe Biden.

Autrement dit, par elle-même, la classe dominante des États-Unis, la plus puissante classe capitaliste du monde, après avoir fait savoir qu’elle ne supportait pas Trump, avait consciencieusement, de façon quasi suicidaire, réuni les conditions de sa réélection dans quelques mois.

Or, cela vient de s’effondrer. Trump est une loque dans un état de défaite sans précédent, et ni l’establishment, ni le Parti démocrate, n’y sont pour rien.

On sait ce qui vient de se passer, qui a un caractère historique. Après les grèves sauvages pour le confinement, après les démonstrations des milices d’extrême-droite soutenues par Trump, le pays a explosé suite à l’assassinat filmé de Georges Floyd. Dans le vide politique, et, assez largement même si c’est à un degré moindre, syndical, toute la jeunesse et de très larges couches de la population sont devenues Black live matters, non seulement les grandes villes, mais les moyennes et les petites, et non seulement les côtes Est et Ouest mais tout l’intérieur et – même si c’est à un niveau moindre, mais c’est un évènement – le vieux Sud aussi, se sont littéralement soulevés.

Ce sont en effet des millions de manifestants spontanés qui ont, bien souvent, affronté la police aux États-Unis. Ils ont imposé la dissolution de la police à Minneapolis, la revendication de dissolution s’étend, plusieurs quartiers de Seattle sont devenus « zones sans police ». Alors qu’à Washington au début, les locaux de l’AFL-CIO ont été incendiés de manière indistincte, l’engagement, insuffisant mais imposé par en bas, de secteurs syndicaux dans l’affrontement a commencé, par les chauffeurs de bus de Minneapolis refusant de collaborer avec les flics, relayés par ceux de New York et par leur syndicat national des transports, l’AFL-CIO de Seattle décidant d’expulser les organisations policières du mouvement syndical.

Surtout, sur toute la cote Ouest, le 19 juin les dockers, transporteurs et marins, à l’appel de l’ILWU (International Longshore and Warehouse Union, retiré de l’AFL-CIO depuis 2013) ont bloqué les ports contre le racisme et la répression policière, en soutien aux manifestations dans tout le pays.

Cet approfondissement, dont on peut déplorer les limites mais dont on doit saluer les avancées, est allé de pair avec un affaiblissement continuel de Trump. Il a appelé, par tweets, la garde nationale et l’armée à intervenir. Le Pentagone n’a pas suivi et le général qui l’avait escorté devant une église en gazant les manifestants pour qu’il aille brandir sa Bible, a déclaré s’être fourvoyé. L’appareil armé de l’État a préféré ne pas suivre les ordres ouvertement proférés par son chef, ce n’est pas rien. De même, Trump avait appelé ses partisans à se rassembler pour le défendre, devant la Maison blanche, et ceci a fait flop. Notons qu’ainsi, il indique lui-même aux manifestants, à toute la jeunesse rassemblée autour des afro-américains, la direction à prendre : marcher sur le pouvoir pour le renverser !

Certes, il ne faut surtout pas sous-estimer, surtout dans les phases de décrue du mouvement, la violence des paramilitaires fascistes qui soutiennent Trump. De concert avec la police qu’ils infiltrent (même phénomène qu’en France, toutes choses égales par ailleurs !), ils ont déjà tué, sans doute par dizaines, depuis que les « évènements » ont commencé. Une jeune militante écologiste d’origine juive, Sara Grossman, a été tuée par les gaz policiers à Columbus. Robert Fuller et Malcolm Harsh, afro-américains, ont été lynchés clandestinement, par pendaison, en Californie. Ce sont le Ku-Klux-Klan et sa tradition qui, sans surprise, mènent la lutte appelée par Trump. Mais la masse n’est pas au rendez-vous, car la peur a changé de camp et parce que la dynamique, l’espoir en autre chose, que beaucoup appellent maintenant « socialisme », a changé de camp aussi.

Trump a appelé à un grand meeting à Tulsa, Oklahoma, comme pour commémorer sans oser le dire ouvertement l’horrible pogrom anti-noirs de 1920 (des centaines de morts), le lendemain 20 juin. Il espérait un million de partisans (faisant repartir l’épidémie qui continue à galoper), mais il a été trompé par des ados facétieux s’inscrivant de façon bidon via l’application Tik-Tok ! En fait, dans une salle pouvant en contenir 20.000, ils furent 6000. C’est un énorme bide.

C’est par la lutte des classes, le combat des noirs, le soulèvement démocratique de la jeunesse, que Trump s’est pris les plus grands coups qu’il ait jamais reçus. Ceci fait apparaître les présidentielles comme susceptibles de le dégommer, mais la première leçon pour les millions qui se sont dressés est de ne pas baisser la garde et de s’organiser pour durer, dans Black live matters, dans les syndicats, dans les organisations politiques comme DSA, pour construire leurs propres organisations révolutionnaires indépendantes. Peut-être un vote massif, non pour Biden, mais contre Trump, dégommera Trump, ce qui permettra d’affronter Biden. Peut-être. Mais toute l’histoire des quatre dernières années, très riches, montre au peuple américain qu’il ne peut arracher de victoires démocratiques et sociales que par son propre combat : ce qui a rendu possible la défaite de Trump, c’est le mouvement actuel et il donc poursuivre dans cette voie.

L’heure est à la préparation ouverte de grèves de masse contre les licenciements, pour l’aide aux chômeurs et le droit à la santé, la dissolution de la police, chasser Trump et organiser partout des foyers de discussion et d’organisation populaires pour réaliser la démocratie réelle en Amérique !

22-06-2020.


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