La pandémie de coronavirus apparaît comme un puissant révélateur de la réalité de ce monde, ouvrant les yeux à de nombreux millions d’individus. Elle accélère tendanciellement la prise de conscience de ce qu’est réellement cette société capitaliste dans laquelle vivent 7,8 milliards d’êtres humains. Mais la lumière dans les esprits se fait à des rythmes différenciés selon les pays. Une raison majeure de ces différences tient aux réactions variées des chefs d’Etat et de gouvernement face à la pandémie. Cela inclut leur capacité à saisir la gravité de la situation, ou au contraire leur choix de la nier ; l’énergie mise à adopter un ensemble de mesures cohérentes et montrant une certaine efficacité, ou au contraire leur passivité, leurs hésitations, ou leurs choix erronés, avec leurs lots de conséquences sanitaires, humaines et politiques ; et cela concerne aussi leur stratégie de communication, de nature à susciter le respect et l’implication des populations, ou provoquant au contraire la raillerie, la colère, la haine… A ce niveau, il existe toute une palette de situations. Mais ces facteurs subjectifs doivent aussi être perçus dans leurs interactions avec la situation objective des différents pays abordés : leur puissance ou leur faiblesse économique ; la robustesse ou la fragilité des structures sanitaires ; ainsi qu’avec des contextes politiques et sociaux différenciés.
Cette série d’articles vise à saisir ce qui se passe ailleurs qu’en France et à en tirer des leçons. Les premiers traitent chacun d’un pays et de son/sa dirigeant.e. Les leaders et territoires sélectionnés jouent tous un rôle politique et/ou économique important1 dans le « concert des nations » – concert funèbre et atterrant que celui auquel on assiste aujourd’hui – et ils sont suivis de plusieurs autres articles, cherchant à tirer des bilans et des conclusions politiques, et permettant de dessiner en pointillés une stratégie et une politique opposées à la logique capitaliste qui, partout, sous différentes formes, prévaut.
Tout comme Jair Bolsonaro, objet d’une précédente étude, Donald Trump se rattache à la catégorie des présidents corona-négationnistes, même si le président des Etats-Unis, alarmé par ses conseillers, confronté au mécontentement qui grandit, même dans son propre parti, et inquiet de l’apparence de plus en plus improbable de sa réélection en novembre prochain, a semblé récemment changer enfin de ton, parlant avec plus de sérieux d’une pandémie qu’il n’avait cessé de minimiser depuis son irruption aux Etats-Unis.
L’actualité des Etats-Unis étant particulièrement riche ces derniers mois, la matière à réflexion est surabondante, et l’analyse sera découpée en trois parties. Dans cette première partie, après avoir passé en revue les chiffres et courbes de contamination et de décès, la première question qui se posera concernera la réaction de Trump face à cette pandémie, et le moins que l’on puisse dire est que celle-ci n’a pas arrangé les choses. Mais la question sanitaire est intimement liée à ses conséquences sur l’économie, et elles sont dramatiques elles aussi.
Les chiffres du Covid-19 aux Etats-Unis
Rappelons que le premier signalement de cas de Covid-19 aux Etats-Unis remonte au 21 janvier 2020. Il se situe dans les environs de Seattle (Etat de Washington) : c’est un homme revenant d’une visite familiale à Wuhan quelques jours auparavant. Le second intervient quelques jours plus tard, le 24, avec une femme, elle aussi de retour de Wuhan, qui le transmet à son mari, faisant de lui la première personne infectée sur le sol des Etats-Unis, une transmission confirmée le 30 janvier. Les deux premiers décès du coronavirus aux Etats-Unis interviennent les 6 et 17 février, sans que la cause de ces décès ne soit identifiée à ce moment-là. Puis le 1er mars, un établissement de soins de l’Etat de Washington est touché et apparaît comme un foyer de contamination, avec des tests montrant qu’après un agent de santé, 57 résident.e.s sur 76 sont contaminé.e.s, dont 15 vont décéder du Covid-19. Le 7 mars, les CDC (centres pour le contrôle et la prévention des maladies) centralisent les chiffres de l’épidémie : déjà 164 cas positifs de Covid-19 ont été décelés et 11 personnes sont mortes du virus sur le sol des Etats-Unis. Tous les Etats de l’Union sont touchés une fois le premier cas officiellement recensé en Virginie Occidentale le 17 mars. Depuis mars, la contamination a été très rapide, et elle ne semblait pas vraiment ralentir en date du 31 juillet 2020, comme on le voit sur la courbe ci-dessous.
Les courbes des contaminations et des décès
Les données relatives au nombre de nouveaux cas recensés quotidiens dans l’ensemble des Etats-Unis jusqu’au 31 juillet ont ceci de frappant que, contrairement à ce que l’on peut, par exemple, observer en Europe, le niveau journalier moyen de nouveaux cas recensés est nettement plus élevé dans la période la plus récente – juin, et surtout juillet – qu’au début.
Le nombre journalier de nouveaux cas recensés en juillet fluctue entre un « minimum » (déjà très élevé) de 43 003 cas le 5 juillet et le maximum journalier absolu depuis le début de la pandémie, atteint le 17 juillet avec 75 821 nouveaux cas. Depuis cette date, il ne semble pas exister de nouvelle aggravation, mais on ne perçoit pas d’amélioration non plus, et le niveau journalier reste très élevé. Par comparaison, sur la période initiale, un maximum journalier de nouveaux cas était atteint le 24 avril avec 35 930. Après une légère baisse des contaminations en mai et début juin, la pandémie s’est aggravée à partir de la mi-juin.
On note sur la courbe quotidienne de la mortalité pour tous les Etats-Unis et jusqu’au 31 juillet (ci-dessous) :
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Une montée progressive de la mortalité, en gros de mi-mars à mi-avril ;
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Une période de forte mortalité, approximativement entre mi-avril et mi-mai, avec des chiffres journaliers oscillant entre un minimum à 840 le 11 mai et un pic s’élevant à 2 701 décès le 6 mai, et une moyenne sur cette période qui se situe près de 2 000 décès par jour ;
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Une baisse tendancielle de la mortalité journalière jusque vers la fin juin ;
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Une remontée de la mortalité en juillet, mais à un niveau moyen proche de 1 000 décès quotidiens, qui reste inférieur à la période de mi-avril à mi-mai, oscillant entre 212 décès le 5 juillet et 1 449 le 29.
On constate que les estimations prévisionnelles, annonçant un total de 135 000 décès début août, données début mai par l’Institut de mesure et d’évaluation de la santé de l’université de Washington, qui avait déjà doublé son estimation2, sont nettement dépassées.
Un nombre de décès alarmant et qui grimpe très vite
Au 31 juillet, les Etats-Unis représentent à eux seuls 26,4% de l’ensemble des personnes contaminées et 22,9% des décès dus au Covid-19 officiellement recensés dans le monde. Les Etats-Unis sont réellement et durablement le centre de gravité de la pandémie. Rapidement, la première puissance mondiale détenait le triste privilège d’être aussi le pays le plus touché par la pandémie. Pour ce qui est du nombre de cas recensés d’infection au Covid-19, c’est fin mars que les Etats-Unis dépassaient la Chine et l’Italie et devenaient le pays du monde avec le plus de cas recensés3. Au 26 mars, mais pour encore peu de temps, le nombre de décès cumulés restait bien plus important en Italie (8.165) qu’aux Etats-Unis (1.178)4. Mais les chiffres du 8 avril révélaient que les Etats-Unis détenaient déjà le pire bilan au monde tant pour le nombre de contaminations que pour celui des décès liés au Covid-19 (14 695)5. Surtout, le rythme s’accélérait avec près de 2 000 morts quotidiennes supplémentaires pendant deux journées consécutives. Au 12 avril, le pays en était déjà à 531 000 malades du coronavirus et environ 21 000 décès6. Au 16 avril, à plus de 32 000 décès cumulés7. Depuis lors, et jusqu’à ce jour, les Etats-Unis n’ont jamais perdu ce sinistre « leadership ». Bien au contraire : les chiffres officiels de la mortalité se sont envolés : un total de 73 000 morts le 6 mai (avec un troisième pic au-dessus de 2 500 décès journalier à cette date)8 ; 78 763 décès le 10 mai9 et environ 84 000 au 13 mai10. Le cap des 100 000 morts est franchi le 27 mai11. Celui des 130 000 est presque atteint le 3 juillet12, et celui des 150 000 a été dépassé le 28 juillet13.
Carte des cas aux Etats-Unis
La carte ci-dessous donne une image de la répartition des nouveaux cas aux Etats-Unis au 31 juillet 2020, les taches les plus grosses représentant les Etats comptant le plus de nouveaux cas confirmés.
Dans sa seconde partie, cette étude s’intéressera de plus près à la pandémie dans diverses régions des Etats-Unis, mais notons dès à présent que l’État de New York (ainsi que la ville éponyme), au cœur de la pandémie au début de celle-ci, reste à ce jour l’Etat comptant le plus de décès du fait du coronavirus (avec 32 372 morts recensés). Par contre, cet État (qui comptait 19,45 millions d’habitant.e.s en 2019), où l’épidémie a reculé, est maintenant dépassé en termes de nombre de cas confirmés par la Californie, beaucoup plus peuplée (39,51 millions en 2019) avec plus de 500 000 cas recensés mais aussi par la Floride (21,48 millions d’habitant.e.s en 2019) avec plus de 470 000 personnes infectées et le Texas (29 millions en 2019) avec plus de 440 000 cas.
Surtout, l’État de New York semble avoir repris le contrôle sur l’épidémie depuis les premiers jours de juin (avec quelques centaines de nouveaux cas par jour, jamais plus de 1000 depuis lors), tandis qu’au contraire, la Floride et le Texas ont vu leurs chiffres de nouveaux cas et de décès s’envoler en juin, avec des niveaux très élevés en juillet (avec un pic de 15 300 cas le 12 juillet et encore 9007 cas supplémentaires le 31 juillet pour la Floride, et un pic de 14 907 cas le 17 juillet au Texas, et encore 8839 nouveaux cas le 31 juillet). La Californie se situe à peu près au même niveau, avec un pic légèrement plus bas de 12 807 nouveaux cas le 21 juillet mais toujours 10 197 nouveaux cas recensés le 31. Les décès continuent à être très nombreux chaque jour en Floride et au Texas, au moment où ce texte est écrit (257 nouveaux morts dans le premier cas, 295 dans le second).
Il apparaît donc clairement que les foyers principaux de contamination se sont déplacés du nord-est des Etats-Unis (principalement New York, dans une moindre mesure New Jersey), vers le sud (surtout Floride et Texas) et l’ouest (surtout la Californie). Les chiffres de la contamination dans le sud et dans l’ouest sont impressionnants en juillet : pour ne prendre que l’exemple de la journée du 7 juillet, on comptait 10 000 nouvelles contaminations au Texas et 6 000 en Californie14.
Remarquons encore qu’aux Etats-Unis, on ne peut pas parler d’une première et d’une seconde vague de la pandémie. On constate plutôt deux phases au sein d’une même – première ? – vague. Jennifer Horney, épidémiologiste de l’université du Delaware le dit clairement : « Les Etats-Unis ne sont jamais sortis de leur première vague »15. Observons aussi que début juillet, 37 des 50 Etats connaissaient une nouvelle croissance des contaminations16.
Ces résultats catastrophiques dans le pays le plus puissant au monde doivent être mis en relation avec la réaction du pouvoir politique. Examinons donc comment Trump et son administration fédérale se sont comportés face à la pandémie.
Trump confronté au Covid-19
C’est un fait connu que Trump et Bolsonaro communiquent fréquemment et s’entendent bien. Le petit séjour, très amical quoique largement infectieux – à la fois business- et Covid-19-oriented – de Bolsonaro et d’une ribambelle de ses proches du 7 au 11 mars, à l’invitation de Trump en sa luxueuse demeure de Mar-a-Lago en Floride, n’en est que la confirmation la plus officielle17. Une étude comparative des attitudes, déclarations et mesures prises par les deux chefs d’Etat a été réalisée par le site brésilien de BBC News, et révèle qu’à la date de publication (20 avril) le parallélisme était tout à fait saisissant18. Dans la plus grande partie des cas, on peut observer que c’est Trump qui donne le ton, et que Bolsonaro lui emboîte le pas. Mais laissons ici le président brésilien pour nous concentrer sur les agissements et déclarations du chef d’Etat nord-américain, tout en gardant en mémoire qu’on en trouve le plus souvent un remake du côté de Brasilia.
Les thématiques et les mots de Trump
Pour commencer, avec Trump, la fanfaronnade chauvine ne pouvait pas manquer d’être au rendez-vous. Il l’affirme : « pas un pays n’est mieux préparé que les Etats-Unis »19, l’inquiétude n’est donc pas de mise. L’autosatisfaction est une marque de fabrication de la présidence Trump. C’était vrai avant l’épidémie. Le 27 février, il déclare à propos du coronavirus : « Si nous faisions un mauvais travail, nous devrions être critiqués. Mais nous avons fait un travail incroyable »20. Le 10 mars (notamment), il entonnait le même refrain, devant les sénateurs républicains : « Nous faisons un super boulot, là-dessus »21. Ce besoin de s’auto-complimenter est propre au personnage : on n’est jamais si bien servi que par soi-même ! Mais la suffisance de l’histrion qui tient lieu de président va au-delà : alors que la pandémie a déjà commencé à frapper, et que la modestie, la prudence et l’empathie seraient de mise, il joue les savants ! Le diafoirus de la Maison Blanche prend un ton assuré pour émettre un diagnostic rassurant : « c’est une grippette »22. Il s’ensuit un avertissement qui se pare de l’apparence du bon sens : « le traitement ne peut pas être pire que la maladie ». Un peu plus tard, le président de la première puissance mondiale va s’illustrer par des préconisations sanitaires proprement effarantes. Le journaliste et médecin Jean-Yves Nau raconte sur son blog comment, le 23 avril, Trump s’est laissé aller à des suggestions ahurissantes, déclarant devant un parterre atterré : « Supposons qu’on dirige une lumière très puissante à l’intérieur du corps… à travers la peau ou d’une autre manière? »23. Il a ajouté : « Et puis le désinfectant, qui détruit le virus en une minute… Serait-il possible de faire une injection à l’intérieur du corps pour un nettoyage, puisque vous voyez, il s’attaque aux poumons… Ça semble intéressant »24. Face à la vague de réactions indignées qu’il a provoquées et aux mises en garde de producteurs de détergents, Trump a voulu présenter ses propos comme « sarcastiques ». « Un point d’orgue inversé. Un sommet du baroque bas-empire. Peut-être le début de la fin », selon J-Y Nau25. Trump va aussi devenir un adepte inconditionnel de la chloroquine, traitement miracle et passe-partout qui lui sert à « justifier » son insouciance : « nous avons reçu des informations positives à propos de la chloroquine ». Mais pour finir, et c’est là l’essentiel, Trump pousse et répète à l’envi ce cri d’alarme et d’indignation : « le pays ne peut pas rester à l’arrêt ». Minimiser l’ampleur du problème conduit nécessairement Trump à des conflits avec les autorités sanitaires et les expert.e.s scientifiques et médicaux. Partant du principe, contredit par les faits dès le début, que la pandémie est légère et bénigne, il enfourche le cheval de la défense de l’économie, du haut duquel il part guerroyer contre les forces sombres qu’il croit percevoir. Il dénonce ainsi, à la fois, les gouverneur.e.s des Etats fédérés qui prennent des mesures de confinement pour contenir la propagation du virus ; la Chine, accusée de diffuser des informations douteuses et présentée comme coupable du lancement de la pandémie ; et l’Organisation Mondiale de la Santé, dont il met en cause les orientations. Pour guérir les patients du Covid-19, le « virologue en chef »26 Trump raconte qu’il ne faut pas se faire de souci : la chloroquine va tout régler… alors que les études cliniques sont alors loin d’être terminées. Regardons tout ceci point par point.
Juste une petite grippe…
Une « grippe », ou une « grippette », c’est la docte conclusion énoncée par le triste sire qui occupe la Maison Blanche. Cet avis – guère autorisé – se base sur le même rejet de la science, le même mépris pour la vérité et la rigueur scientifiques, que ceux qui le conduisent aussi à nier le réchauffement climatique. Il dit aux journalistes le 26 février à la Maison Blanche que pour lui, « c’est comme une grippe ». On compte alors 53 personnes contaminées, et pas encore de décès. Ce diagnostic est répété plusieurs fois par le président des Etats-Unis. Il se permet d’ailleurs de procéder à des comparaisons chiffrées entre les victimes du Covid-19 et celles de la grippe saisonnière. Comme le note BBC News-Brasil, « cinquante jours après que Trump eut dit cette phrase, les Etats-Unis enregistraient plus de 750 000 personnes contaminées et quasiment 36 000 morts ». Cette comparaison avec la grève apparait comme une insulte à la réalité et au travail des scientifiques et des médecins, et on le sait dès les premières prises de parole en ce sens du président… Ce mensonge est aussi pour ce dernier l’occasion de dénoncer, dans une veine très populiste, les medias – du moins ceux qui ne lui servent pas trop la soupe. Trump critique l’alarmisme médiatique et accuse de partialité ce qu’il appelle les « medias des fake news ». C’est notamment le cas le 26 février dans un tweet : « Les ‘fake news’ [MSNBC] et CNN font tout leur possible, y compris pour avoir une description du caronavirus [sic] aussi noire que possible, y compris pour faire paniquer les marchés financiers. Comme leurs camarades incompétents du Parti démocrate qui ne font rien, ils ne font que du bla-bla et n’agissent pas. L’Amérique est en pleine forme ! »27.
Un président ne doit pas craindre la polémique avec les spécialistes de la santé publique…
C’est visiblement ce que se dit Trump, en son immense modestie ! Et de mettre cela en pratique, y compris en s’affrontant à ses propres conseillers. Après que le chef de l’Institut des Maladies Infectieuses, Anthony Fauci, en charge de la task force de la Maison Blanche sur le coronavirus, a donné une interview à la revue Nature dans laquelle il s’en prenait à la posture peu scientifique de la Maison Blanche, le twitter compulsif réplique le 19 mars : « Nous ne pouvons pas laisser le traitement être pire que le problème lui-même ». Le 23, alors que 46 000 cas et 550 morts étaient recensés aux Etats-Unis, Trump dénonce, dans une conférence de presse (sans la présence de Fauci), la politique de confinement défendue par sa task force – animée par Fauci, donc – contre le Covid-19. Il ajoute : « D’ici peu, les Etats-Unis seront de nouveau prêts pour faire des affaires. Très rapidement. Bien avant les trois ou quatre mois qui ont été suggérés »28.
Globalement toutefois, dans le contexte de l’explosion de l’épidémie dans la première puissance mondiale, le discours de Trump semble prendre un tour plus sérieux et plus modéré dans la seconde quinzaine de mars. Le 31 mars, le président appelle les Américain.e.s à se préparer à des « semaines très difficiles »29. Mais vers la mi-avril, il s’affronte à nouveau à son conseil en matière de santé publique. Le 16, il annonce un programme de réouverture des commerces et autres activités. Fauci nuance alors en expliquant qu’il va falloir agir avec prudence, en décidant Etat par Etat, et qu’en cas de dérapage, on pourrait mettre à nouveau en place une période de quarantaine. Mais la droite fanatique la plus ouvertement pro-Trump descend alors dans la rue avec le soutien de ce dernier, sur fond d’un hashtag demandant au président de virer Fauci.
Opposition aux gouverneur.e.s, bagarre avec les Démocrates
A la mi-mars, alors que certain.e.s gouverneur.e.s ont déjà pris des mesures de confinement dans leur Etat, Trump s’insurge et incite ses partisans à participer à des manifs contre ces mesures – avec des mots d’ordre tels que « Liberate » ou « Free land »). Un mois plus tard environ, le président s’oppose aux exécutifs des Etats fédérés, accusés de faire de la basse politique politicienne. Pour ce faire, il s’appuie directement sur les éléments les plus radicalisés de sa base sociale, qu’il cherche à renforcer et à mobiliser, notamment via les réseaux sociaux. Il fait descendre ses partisans dans la rue – certains en armes – au mépris des textes sanitaires édictés par les exécutifs locaux et régionaux. Il s’attaque verbalement à la présidente de la Chambre des Représentants, la démocrate Nancy Pelosi. Vers la mi-avril, Trump redouble dans sa rhétorique populiste et multiplie les incitations à la désobéissance contre les autorités régionales et locales qui confinent leur population.
Pour Trump, le but principal de cet affrontement est d’éviter l’effondrement de l’économie et l’augmentation vertigineuse du chômage. Avec l’élection présidentielle programmée pour le 3 novembre, le président sait qu’au cas où l’économie plongerait dans la récession, ses chances de réélection seraient très compromises, et qu’il a besoin d’une économie relativement prospère pour l’emporter. Mais avec la répartition constitutionnelle des rôles entre le niveau fédéral et celui des Etats, Trump ne peut que tenter de faire pression sur les gouverneur.e.s. Le 13 avril, Trump s’enorgueillit pourtant de détenir une « autorité suprême »30 sur le pays, prétendant que la décision de réouverture des commerces lui reviendrait à lui, et non aux gouverneur.e.s. Le 17, il s’en prend via Twitter aux gouverneur.e.s démocrates du Michigan et du Minnesota, qui devraient selon lui « libérer »31 leurs États en décrétant la fin du confinement.
A ce combat contre les gouverneur.e.s qui prennent des mesures de confinement, il faut ajouter une autre considération : dans la population, le cœur de cible électoral du trumpisme affiche lui aussi sa volonté d’en finir immédiatement avec le confinement, en manifestant dans les rues. On comprend que la proximité de l’élection pousse Trump à vouloir satisfaire cette base électorale en « collant » aux attentes de ses soutiens les plus acritiques, qui sont d’ailleurs largement « formatés » par les discours du démagogue de la Maison Blanche.
Pas de soucis pour le Covid : un vaccin dans quelques mois ; d’ici là, un traitement à la chloroquine !
On entre ici dans un domaine où Trump, avec d’autres, n’hésite pas à diffuser de fausses informations ! On remarque que le président américain s’accroche à toutes sortes de rumeurs – dans la mesure où il pense que celles-ci arrangent sa situation et ses perspectives de réélection. Ainsi, le 28 janvier, Trump partage un message mensonger prétendant que l’entreprise Johnson & Johnson serait en train de préparer un vaccin contre le coronavirus. Le 10 février, il déclare que le problème sera réglé avec le printemps : « il parait qu’en avril, avec la chaleur, la maladie disparaît miraculeusement ». Le président populiste joue aux savants… Cette idée a prévalu au début de l’épidémie, mais aucune étude scientifique n’est parvenue à montrer que le développement du Covid-19 serait freiné par la montée des températures ou par des climats chauds. Les faits eux-mêmes ont vite démontré la fausseté de ces hypothèses. Aux Etats-Unis, la courbe présentée plus haut montre que le nombre de cas d’infection a bondi aux Etats-Unis tout au long du mois d’avril, puis après un creux relatif en mai et jusqu’à la mi-juin, il s’est encore largement accru en juin et juillet, dans le sud et l’ouest, c’est-à-dire précisément dans les régions où l’été est très chaud… La contamination dramatique en Amazonie, où les températures ne s’éloignent guère de 30°C en plaine, est aussi venue démontrer la fausseté de ce préjugé par trop optimiste. Le 26 février, Trump laisse entendre que c’est une affaire de quelques mois jusqu’à ce que les Etats-Unis disposent d’un vaccin. Mais Anthony Fauci – toujours lui – ne se gêne pas pour rapidement contredire les sornettes présidentielles, reconnaissant que les choses ne pourront, au mieux, se faire que vers la mi-2021.
Mais les mensonges présidentiels à propos de la proximité d’un vaccin sont censés être complétés par des propos rassurants sur l’immédiateté d’un traitement. C’est à ce niveau qu’intervient la chloroquine. Le 21 mars, Trump tweete : « L’HYDROXICHLOROQUINE ET L’AZITHROMYCINE, ensemble, ont une chance réelle de transformer l’histoire de la médecine. J’espère que les deux médicaments vont être utilisés IMMÉDIATEMENT. DES PERSONNES MEURENT, DÉPÊCHEZ-VOUS ET DIEU VOUS BÉNISSE TOUS !»32. Mais là encore, le président des Etats-Unis fabule et trompe ses concitoyens : le traitement du Covid-19 n’existe pas encore, et l’agence de régulation des médicaments, la Food and Drug Administration (FDA) n’a fait qu’autoriser les tests sur ces médicaments, sans en autoriser l’utilisation à une large échelle. On n’en est donc alors qu’à un stade expérimental, et aucune preuve n’existe que ces remèdes puissent par eux-mêmes sauver des malades du Covid-19. La suite des tests et des discussions scientifiques – une suite très controversée, avec de forts enjeux politiques – va bientôt décrédibiliser le traitement hydroxichloroquine plus azithromycine mis en avant par Trump. A ce jour, aucune efficacité n’ayant été prouvée, des programmes de recherches ont été mis de côté.
Trump, en bon leader populiste, veut avoir l’air capable de répondre à tous les besoins du peuple. Il doit donc paraître en mesure d’apporter une solution à court terme à tout problème rencontré par le peuple, et donc au problème de la pandémie. Le peuple a besoin d’une solution : qu’à cela ne tienne, le président lui fait croire qu’il dispose de la solution, même si celle-ci n’existe pas encore. La démarche s’applique pour le vaccin comme pour le traitement à la chloroquine.
Trouver des coupables : la Chine
Un cours sinueux : en janvier et février 2020, des louanges…
Par rapport à la Chine, Trump a effectué un très net virage dans ses prises de position depuis l’apparition du Covid-19. Malgré des menaces répétées et une guerre commerciale déjà engagée contre Pékin33, rappelons qu’un accord commercial a été signé en début d’année34, qui mettait en joie Donald Trump. Parmi ses nombreuses clauses, cet accord en possède certaines ayant des implications politiques qui semblent très favorables à Trump, en particulier parce que la Chine s’est engagée à acheter plus de produits agricoles américains, notamment des volailles, du bœuf et du soja : de quoi satisfaire les agriculteurs/rices des Etats-Unis, qui comptent parmi les catégories cibles de l’électorat trumpiste. A la suite de cet accord, alors que la pandémie se développait dans le monde mais avant qu’elle ne commence véritablement à déferler sur l’Amérique, l’hôte de la Maison Blanche remerciait Xi Jinping et félicitait la Chine pour l’efficacité de sa réaction face au Covid-19. Le site Politico a dénombré ces messages de louanges de Trump à la Chine et en a compté quinze pendant les mois de janvier et de février 202035. Morceaux choisis : le 22 janvier, Trump envoie un tweet se réjouissant du « gigantesque accord commercial avec la Chine »36 et loue son alter ego chinois : « C’est super de travailler avec le président Xi, un homme qui aime véritablement son pays »37 ; dans la même veine euphorique, il évoque le Covid-19, à propos duquel il tweete le 24 janvier : « La Chine travaille très dur à contenir le coronavirus »38, ajoutant : « Les Etats-Unis apprécient grandement ses efforts et sa transparence. (…) En particulier, au nom du peuple américain, je veux remercier le président Xi ! »39. Et ainsi de suite avec des messages élogieux pour la Chine et son président tous les deux ou trois jours en moyenne. Avec, encore le 29 février, le message suivant lors de la conférence de presse de la Task Force pour le coronavirus : « La Chine semble faire des progrès formidables. Leurs chiffres sont à la baisse »40, avant de se réjouir de la coopération économique entre les deux pays.
Mais cette étrange flagornerie prochinoise – basée sur un soubassement économico-électoral que Trump a d’abord cru assez robuste – prend fin en mars et il réalise un virage à 180 degrés. Ce changement saisissant mérite que l’on s’y arrête. Largement pris au dépourvu par l’arrivée aux Etats-Unis d’une pandémie qu’il n’a eu de cesse de minimiser, Trump s’en prend d’abord au « virus étranger »41, le 11 mars, en s’adressant à la nation depuis le Bureau Ovale, et tandis que les cours de Wall Street plongent. Le message se veut clair : moi et l’Amérique, nous n’avons rien à voir dans cette affaire !
… puis un tournant : le coronavirus devient le « virus chinois »
Le 13 mars, Trump confirme le tournant en sortant une phrase historique, au moins parce qu’elle en dit long sur sa démarche. Il déclare : « Je n’assume pas du tout la responsabilité » de l’épidémie42. Logiquement, s’il n’en assume pas la responsabilité, il va chercher à trouver des responsables – des coupables – autres que lui. Et donc, au lieu de faire face à cette situation périlleuse et inédite, il se défausse et il commence maintenant à accuser Pékin de la responsabilité de la pandémie. Pékin est un bon coupable : c’est un régime « communiste » qu’il a souvent vilipendé dans ses interventions. Il a mené pendant des mois une bataille commerciale contre la Chine, la population est préparée à une lutte contre cet « ennemi ». La lutte des intérêts du capital étatsunien contre la Chine dépasse largement le cadre du parti républicain. Enfin, la Chine, en difficulté économique avec sa propre épidémie de Covid-19, ne se montre pas pressée de satisfaire les clauses de l’accord signé avec Trump en janvier, et en particulier d’acheter ces produits agricoles étatsuniens, si précieux pour Trump dans la perspective de sa réélection.
Le 16 mars, on compte aux Etats-Unis 4 353 cas recensés de Covid-19 et 75 personnes qui en sont officiellement décédées, et l’hôte de la Maison Blanche inaugure sa détestable habitude de parler du Covid-19 comme du « virus chinois ». Il envoie un message sur Twitter : « Les Etats-Unis vont puissamment soutenir les industries qui sont particulièrement touchées par le virus chinois, comme les compagnies aériennes. Nous serons plus forts que jamais »43. Cette manie présidentielle, qui va provoquer la fureur de Pékin, a été introduite par des membres de l’administration Trump, notamment par Mike Pompeo, le chef de la diplomatie, qui avait déjà parlé du « virus de Wuhan »44. Bien sûr, ce langage est stigmatisant pour la Chine et les Chinois, et c’est d’ailleurs une pratique contraire aux recommandations de l’OMS. Mais cette expression va avoir cours pendant plusieurs semaines, et selon le site web de base de données Factbase, le président a utilisé l’expression « virus chinois » plus de 20 fois entre le 16 et le 30 mars45. De plus, une photo du texte d’un de ses discours montre que le mot « Corona » a été rayé et remplacé à la main par l’adjectif « chinois »46. Cette formule a donc un caractère délibéré et des visées très politiciennes. Le 19 mars, Trump durcit le ton et déclare dans une conférence de presse : « Le monde est en train de payer le prix fort pour ce que [les Chinois] ont fait »47.
Les attaques de Trump contre la Chine se multiplient et vont bien au-delà des effets de manches démagogiques sur le thème de la lutte contre le « pouvoir communiste ». La Maison Blanche censure la presse chinoise. Le 2 mars, elle avait déjà retiré cinq médias chinois de la liste des organes d’informations accrédités « (l’agence de presse Xinhua, China Daily, People’s Daily, China Global Television Network (CGTN), China Radio) pour les inscrire comme missions étrangères diplomatiques. ‘Ces gens sont en fait le bras armé de l’appareil de propagande du Parti communiste chinois’, a indiqué un responsable du département d’Etat »48. Ce refrain antichinois à portée belliqueuse est repris dans certains médias étatsuniens : « Tucker Carson, l’un des animateurs-vedettes de la chaîne américaine CNN, explique à l’antenne : ‘La Chine n’est plus simplement un rival économique des Etats-Unis ; elle devient un ennemi dangereux. Mais au lieu de nous protéger de cette menace, existentielle, notre classe dirigeante collabore avec l’autre camp. Pourquoi ? Parce qu’ils s’enrichissent aussi »49.
L’Institut de virologie de Wuhan : coupable de la pandémie ?
A la mi-avril, la démarche de Trump consistant à faire porter à la Chine la responsabilité de la pandémie prend un tour nouveau. Des bruits ont commencé à circuler, rendant l’institut de virologie de Wuhan (WIV) responsable de la pandémie. Des thèses conspirationnistes, reprises avec véhémence par Trump et Pompeo, relayées notamment par le Professeur Luc Montagnier50, accusent le WIV. Pour ce dernier, notamment, l’explication de l’origine de la pandémie par la contamination dans un marché aux animaux est « une belle légende (…) Le virus sort du laboratoire de Wuhan qui s’est spécialisé sur ces coronavirus depuis le début des années 2000 »51. Le découvreur du VIH précise que le nouveau coronavirus « a des séquences de VIH »52. Les thèses conspirationnistes à l’origine de cette affaire semblent toutefois remonter à janvier 2020. En avril, les agences de renseignements américaines se mettent à chercher si, oui ou non, le virus a pu se disséminer à partir du WIV. Des pressions ont été exercées par des membres de l’exécutif trumpiste, qui voulaient instrumentaliser les services de renseignements pour « prouver » la faute de la Chine53. Aucune preuve sérieuse n’a pu être fournie ; Wang Yanyi, la directrice du WIV a parlé de « pure fabrication »54 et s’est expliquée à propos de ces soupçons55, démontant tous les arguments mis en avant contre cet institut ; les études scientifiques plus récentes sur la propagation du Covid-19 vont dans ce sens56. Ce soufflé nauséabond s’est maintenant complètement dégonflé. Il n’empêche : Trump et Pompeo se sont engouffrés dans cette histoire pour dédouaner l’exécutif étatsunien tout en cherchant à faire « porter le chapeau » à la Chine.
Alors qu’il restait à l’époque des zones d’ombres sur l’apparition du Sars-Cov-2, Trump et son entourage ont commencé par demander à Pékin de s’expliquer sur l’origine du virus57. Puis rapidement, les accusations sont venues, infondées. Alors même que le responsable des investigations du côté des services de renseignement étatsuniens reconnaît qu’ils n’ont toujours pas pu déterminer comment le virus est apparu, mais exclut catégoriquement les versions les plus conspirationnistes – selon lesquelles le virus serait une arme bactériologique aux mains de la Chine58 –, Trump lance sa charge le 30 avril59. A un journaliste qui lui demande : « Avez-vous vu jusqu’ici quelque chose qui vous donne un haut niveau de confiance dans le fait que l’institut de virologie de Wuhan est à l’origine du virus », Trump répond : « Oui, oui, tout à fait »60. Il ajoute : « je pense que l’OMS devrait avoir honte, parce qu’elle est comme l’agence de relations publiques de la Chine »61. Mais il refuse d’être plus précis lorsque le journaliste lui demande d’éclaircir ses propos : « Je ne peux pas vous le dire. Je n’ai pas le droit de vous dire ça ». Quelques jours plus tard, Pompeo déclare aussi qu’il dispose de « preuves énormes que le coronavirus prend ses origines dans le laboratoire de Wuhan »62. Mais l’équipe de Trump ne fait qu’utiliser ces rumeurs et ces mensonges pour aller plus loin dans l’affirmation de sa rivalité avec Pékin. Il s’agit, pour commencer, de dénoncer et de contester la présence du parti « communiste » chinois au pouvoir63. Tactiquement, ces mensonges relèvent de calculs plutôt habiles : non seulement Trump et sa clique détournent – au moins pour un certain temps – l’attention de l’opinion publique de leur propre incurie face à la pandémie, mais ils savent aussi que sur l’opposition à la Chine, ils disposent d’un soutien assez large dans la population, bien au-delà du seul parti républicain.
Escalade antichinoise
Le 11 mai, Trump se montre hargneux lors d’une conférence de presse. Interrogé par une journaliste américaine d’origine chinoise sur ses déclarations fièrement nationalistes, alors que beaucoup de gens meurent aux Etats-Unis, il répond : « demandez ça à la Chine ». La journaliste ne s’en laisse pas conter et lui demande pourquoi il lui dit ça à elle. Le président lui coupe la parole et, comme la personne qui devait poser la question suivante refuse d’empiéter sur sa collègue ainsi maltraitée, Trump met fin à sa conférence de presse et s’en va, ajoutant ainsi le grotesque à l’autoritarisme64.
Les mensonges de Trump peuvent fonctionner. A condition… qu’ils n’apparaissent pas comme tels. Ou bien que les attaques contre la Chine changent rapidement de terrain et portent sur d’autres domaines. C’est bien à cette opération que va se livrer la Maison Blanche, qui à partir du mois de mai, va jouer l’exacerbation des tensions avec Pékin. A noter d’ailleurs que, même si les preuves de la fausseté des accusations contre le laboratoire de Wuhan se sont accumulées, Trump et Pompeo ont continué un certain temps à accuser la Chine d’être à l’origine du virus. Il s’agit d’une politique agressive qui vise à détourner l’attention tout en cherchant à affirmer la « fermeté » de la Maison Blanche face au « péril chinois ». On trouve d’ailleurs une concomitance d’éléments prouvant – même si le gouvernement chinois est tout sauf irréprochable – que la présidence Trump porte une part déterminante des tensions avec la Chine65 : une augmentation de 10% du budget militaire depuis l’arrivée de Trump à la présidence ; une dépense militaire globale des Etats-Unis qui dépasse celle de la Russie, de la France, du Royaume-Uni et de la Chine réunis ; une provocation directe contre Pékin : le soutien inconditionnel accordé publiquement par Washington à Taïwan. Finalement, même s’il existe un consensus assez large aux Etats-Unis autour de la peur de la Chine66, révélé par des sondages, la nouvelle ligne agressive face à la Chine sert à la fois comme ciment à l’intérieur du parti républicain et pour recycler le vieux thème anticommuniste.
Notons ici que l’image de la Chine n’a cessé de se dégrader chez les Américain.e.s dans les deux dernières années. Une enquête du Pew Research Center (en avril 2020)67 révèle que 66% des Américain.e.s ont une image négative de la Chine (contre 26% d’avis contraires). C’est le plus mauvais résultat depuis les débuts de ce baromètre, en 2005. En 2017, les avis défavorables représentaient 47% (contre 44% de positifs). Cette mauvaise image est majoritaire chez les républicains (72%), mais aussi chez les démocrates (62%). Elle s’impose dans toutes les classes d’âge, y compris chez les jeunes.
L’escalade contre la Chine se poursuit dans les semaines suivantes. La thématique antichinoise est même reprise par Pompeo lors d’une visite à Jérusalem : le secrétaire d’Etat critique son pays hôte pour la présence d’entreprises chinoises dans des secteurs sensibles israéliens, et parce qu’une firme chinoise y est finaliste pour la création d’une entreprise de désalinisation68. L’escalade rhétorique entre les deux premières puissances économiques du globe va bon train car, bien sûr, Pékin ne reste pas sans réagir : pour le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Hi, les deux pays sont « au bord d’une nouvelle guerre froide » du fait des forces au pouvoir aux Etats-Unis, et Trump et Pompeo sont des « ennemis de l’humanité »69. L’escalade n’est pas que verbale : après que Trump a réduit à 90 jours les visas accordés aux journalistes chinois aux US, des journalistes américain.e.s (du New York Times, du Washington Post, du Wall Street Journal) sont expulsé.e.s de Chine; le budget militaire chinois a augmenté malgré les difficultés économiques ; un nouveau reproche de l’administration Trump est formulé et passe en boucle : les autorités chinoises sont accusées d’avoir tardé à alerter le monde sur l’épidémie et voulu en dissimuler l’ampleur. « L’incompétence de la Chine » provoque « une tuerie de masse mondiale »70, tweete Trump ; finalement, son administration parle de « réévaluation fondamentale »71 de ses rapports avec Pékin. Le 26 mai, Libération dénombrait cinq « dossiers chauds de la nouvelle guerre froide »72 entre Washington et Pékin : le bras de fer à propos de Hong-Kong ; la guerre commerciale qui est relancée ; la question de Taïwan ; la question de la mer de Chine méridionale. A cela, vient encore s’ajouter l’immonde traitement infligé aux Ouïghours par le régime de Pékin, et qui permet à Trump de s’afficher humaniste à bon compte ! Six dossiers délicats, cela fait déjà beaucoup…
Réaction des Etats-Unis face au coup de force contre Hong-Kong
Le coup de force autoritaire et répressif de Pékin à l’égard de Hong-Kong aggrave encore la situation, et pousse Trump à renforcer son cours d’affrontement avec la Chine : il acte la fin de la relation spéciale avec Hong Kong, notamment en révoquant des exemptions pour des licences d’exportation jusqu’alors en vigueur. Suivant les suggestions du sénateur républicain de l’Arkansas, Tom Cotton, l’entrée de « certains ressortissants de la Chine […] identifiés comme risques potentiels à la sécurité »73 est suspendue. Cotton estime que certain.e.s étudiant.e.s se livrent en fait à des activités d’espionnage. La moitié des 370.000 étudiant.e.s chinois.es présents aux Etats-Unis suivent des études scientifiques. Trump demande aussi à son administration d’examiner « les pratiques des entreprises chinoises cotées sur les marchés financiers des Etats-Unis, afin de protéger les investisseurs américains »74. Trump ajoute : « Les sociétés d’investissement ne devraient pas soumettre leurs clients aux risques cachés et inutiles présentés par des entreprises chinoises qui ne jouent pas selon les mêmes règles. Les Américains ont droit à un traitement équitable et transparent »75.
Manœuvres en mer de Chine méridionale
En juillet, les relations sino-américaines se tendent encore avec l’affaire de la mer de Chine méridionale, qui commence du 1er au 5 juillet, avec des manœuvres navales chinoises en mer de Chine du Sud autour des îles Paracel, provoquant la colère du Vietnam et des Philippines. En réaction, les Etats-Unis déploient deux porte-avions dans la région, le Ronald Reagan et le Nimitz ; la marine américaine procède à des centaines de décollages d’avions de chasse, de surveillance et d’hélicoptères ; un bombardier B-52 participe même à ces manœuvres76 ; et on note la simulation d’une «entrée forcée» en théâtre de guerre par 350 parachutistes américains sur l’île de Guam77. Pour Mike Pompeo, qui dit s’appuyer sur un jugement de 2016 de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye estimant que la Chine ne dispose d’aucune base légale pour revendiquer des « droits historiques » sur cette zone, les vues chinoises en mer de Chine méridionale sont « illégales »78. Les Etats-Unis mettent en avant une « région indo-pacifique libre et ouverte »79 pour endiguer l’influence chinoise dans la région. Face à cela, Pékin dit travailler à un code de conduite avec l’ASEAN, mais explique que tout est reporté à cause du Covid-19.
Trouver des coupables : l’OMS
L’attitude de Trump par rapport à l’OMS tient à la fois à son mépris du multilatéralisme et de ses institutions, et à son choix global d’affrontement avec la Chine.
Avril : Trump gèle la contribution des Etats-Unis et menace d’aller plus loin
C’est dans ce double cadre que Trump décide, le 14 avril, de s’attaquer à l’OMS, en gelant sa contribution (553 millions de dollars) à cet organisme. L’OMS est accusée par le président américain d’être laxiste vis-à-vis de l’Empire du Milieu en ce qui concerne la divulgation de ses chiffres de l’épidémie. Cela intervient, rappelons-le, dans le cadre de la lutte pour l’hégémonie économique internationale, et on sait bien que le dynamisme économique chinois incommode la direction trumpiste de l’impérialisme étatsunien. Et comme, de manière générale, l’exécutif yankee a fait le choix de chercher à affaiblir les institutions internationales dans lesquelles la Chine a gagné en influence, cela tombe bien ! Mais il faut aussi saisir les conséquences de l’orientation de Trump : en perdant une part importante de son financement, l’OMS devra s’en prendre à des programmes de vaccination, à la lutte contre le VIH, à l’éradication de la poliomyélite…
Il faut bien sûr réfléchir à ce qu’est l’OMS, en critiquer les dysfonctionnements, les zones d’ombre et les limites bureaucratiques. C’est ce que les lignes à suivre s’efforceront de faire brièvement, tout en tentant de faire ressortir aussi l’utilité de cette institution internationale. Mais il faut aussi saisir que la démarche de Trump est d’une tout autre nature.
Quelques réflexions sur l’OMS
Pour L’Humanité, l’OMS – dont le budget est financé par les Etats membres (environ 20% pour les Etats-Unis) – est « un outil de coopération globale indispensable »80. On pourrait plutôt dire qu’il faut nécessairement une coopération internationale en matière de santé publique, et que l’OMS joue, tant bien que mal, ce rôle aujourd’hui. On pourrait aussi l’exprimer autrement : tant que le monde est ce qu’il est, capitaliste, injuste et violent, l’OMS est encore un moindre mal pour limiter les catastrophes sanitaires. C’est aussi pourquoi, face à la hargne de Trump, les prises de position et analyses en défense de cette institution sont nombreuses, même si cette défense est assortie de critiques. Il est aussi nécessaire de rappeler quelles ont été les réactions de Trump face aux avertissements de l’OMS.
Dans le New York Times, Nicholas Kristof, journaliste et commentateur politique, reconnaît aussi que « l’OMS mérite bien certaines critiques »81. Selon lui, « Elle s’est montrée complaisante envers la Chine, a eu des déclarations intempestives au début de l’épidémie (en mettant en doute par exemple, le 14 janvier, une transmission interhumaine du virus), et serait bien avisée de permettre l’entrée de Taïwan en son sein ». Mais il ajoute aussitôt : « Pour autant, elle a bien mieux géré la crise du coronavirus jusqu’à présent que ne l’a fait le gouvernement Trump »82. Il entre dans le détail des décisions de l’agence internationale dans la crise sanitaire actuelle, et les relie à celles du président américain : « L’OMS a posté son premier tweet d’alerte sur le coronavirus le 4 janvier avant de sonner l’alarme par divers biais, jusqu’à déclarer l’épidémie “urgence sanitaire internationale”, fin janvier. Elle a mis au point un test de diagnostic efficace aujourd’hui utilisé dans des dizaines de pays, alors que les États-Unis restent incapables de dépister correctement leur population. Fin janvier puis en février, l’OMS a multiplié les avertissements, de plus en plus pressants. Trump les a ignorés, allant même jusqu’à assurer que tout était “totalement sous contrôle”, que le nombre de contaminations allait chuter et que la maladie allait “disparaître”, préférant minimiser l’épidémie pour mieux encourager les marchés boursiers »83. Plus précisément, on apprend que le 11 mars, quand l’OMS qualifiait le Covid-19 de « pandémie mondiale »84, Trump répétait : « Cela va disparaître, restez calme (…) Tout se déroule bien. Beaucoup de bonnes choses vont avoir lieu »85.
Pour N. Kristof, plus précisément, « la passivité du président américain, alors même que l’OMS et son entourage l’avaient prévenu des risques, a sapé nos chances de mieux équiper nos médecins et nos soignants en équipements individuels de protection. En assimilant le Covid-19 à la grippe, il a convaincu les Américains qu’ils pouvaient se rendre à de grands rassemblements comme le carnaval de La Nouvelle-Orléans ou le spring break en Floride : c’est l’une des raisons pour lesquelles le Covid-19 affiche aux États-Unis un taux de mortalité de 80 pour 1 million d’habitants, quand il n’est que de 4 en Corée du Sud et même inférieur à 1 à Taïwan »86. Il faut aussi réfléchir aux conséquences sanitaires d’un arrêt du financement de l’OMS par les Etats-Unis. N. Kristof se dit en colère, parce qu’il a vu « trop de femmes mourir en couches dans les pays pauvres, trop d’enfants mourir de diarrhées, trop de lépreux. Dépouiller l’OMS, c’est condamner plus de jeunes enfants à mourir de malnutrition, davantage de mères à succomber à un cancer de l’utérus, c’est laisser le coronavirus se propager, c’est entraver la lutte contre la pandémie et donc risquer d’alourdir un peu plus encore le bilan aux États-Unis. Tout cela parce qu’un président américain cherche un bouc émissaire à son incompétence »87. Sa conclusion est cinglante : en suspendant les subventions des Etats-Unis à l’OMS, c’est comme si Trump « privait une caserne de pompiers de ses camions en plein incendie (…) si Donald Trump tient à trouver des responsables, il n’a pas besoin de dénoncer l’OMS : qu’il se regarde dans une glace »88.
Paul Benkimoun, médecin et journaliste, note que « même chez les partisans du multilatéralisme, les critiques ont été nombreuses à l’égard du directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, et de son souci de ne pas froisser la Chine, d’où est partie l’épidémie due au SARSCoV2 »89. Il précise : « Certes, Pékin a réagi et coopéré bien plus vite que lors de l’apparition du SRAS en 2002. Cela méritait des encouragements, mais sans doute pas des louanges sans réserve »90. Pour lui, « la direction de l’OMS n’est pas irréprochable, mais a moins à rougir de sa gestion de cette crise sans précédent que ses prédécesseurs face à la pandémie de grippe A (H1N1) ou à l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. L’institution a piloté la réponse mondiale. Elle a mobilisé politiquement et financièrement, adopté une communication moderne, joué son rôle de conseiller scientifique et technique pour les pays, éditant une centaine de documents et élaborant des recommandations. Elle a aussi identifié et sécurisé des stocks de matériel médical et de protection individuelle, expédiés aux pays les plus vulnérables »91. Il fait remarquer que « ce n’est pas l’OMS mais ses Etats membres qui se sont déchirés à jouer le chacun pour soi, même quand ils appartenaient à l’Union européenne »92. Finalement, selon P. Benkimoun, « la plus grande limite de l’institution est le manque d’engagement des Etats membres dans un multilatéralisme plus profond, qui ferait d’elle une agence internationale forte et indépendante, mieux dotée et donc moins tributaire de contributions volontaires »93.
18-19 mai : Assemblée mondiale de la santé
Cette assemblée – virtuelle – se réunit après deux mois d’échecs répétés au Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire adopter une résolution visant à améliorer la coopération mondiale face au coronavirus94. Après d’incessantes tractations, une proposition de résolution, qui se veut de compromis, a été élaborée pendant trois semaines à l’initiative de l’Union européenne et est proposée aux 194 Etats-membres. Pour dépasser la confrontation entre les Etats-Unis et la Chine, la résolution demande au directeur général de l’OMS « d’initier au plus tôt possible, et en concertation avec les États membres, une évaluation progressive, impartiale, indépendante et complète pour passer en revue les expériences et les leçons tirées de la réponse internationale à la pandémie de Covid-19, telle qu’elle a été coordonnée par l’OMS »95. A priori, cette exigence de transparence semble donner satisfaction à Trump, qui accuse l’OMS de complaisance avec la Chine et d’avoir tardé à déclarer le caractère d’urgence de l’épidémie, notamment en ayant ignoré une alerte précoce de Taïwan (dont les Etats-Unis, contre l’opposition déterminée de Pékin, défendent l’intégration à l’ONU et donc à l’OMS). Mais le 18 mai, le secrétaire d’Etat américain à la santé, Alex Azar, met en accusation de l’OMS. Il lance : « Soyons francs quant à cette flambée épidémique. Cette organisation n’a pas réussi à obtenir les informations dont le monde avait besoin et cet échec a coûté de nombreuses vies humaines ». Azar exige une OMS « bien plus transparente »96, qui « rende davantage de comptes »97. Il accuse sans la nommer la Chine, qui, « dans une tentative apparente de dissimuler l’épidémie, a manqué à ses obligations de transparence et ceci a coûté très cher au monde entier »98. L’intention de Trump – un bras de fer avec l’OMS – est claire : Azar déclare : « l’OMS a échoué dans sa mission fondamentale de partage des informations et de transparence lorsque des Etats membres n’agissent pas en toute bonne foi »99.
Les Etats-Unis sont le seul pays à accuser pareillement l’OMS. Au contraire, la plupart des interventions – pas seulement celle de Xi Jinping – sont élogieuses pour l’OMS et/ou son directeur général, expriment des remerciements ou au moins un soutien des Etats vis-à-vis de cette institution. C’est le cas notamment d’Angela Merkel ou d’Emmanuel Macron (dans une vidéo enregistrée réclamant l’unité des nations dans la lutte contre le Covid-19). Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, critique les pays qui ont « ignoré les recommandations de l’OMS »100. Cela concerne notamment Trump et les Etats-Unis, même si ce n’est pas précisé. Finalement, la résolution est adoptée, exigeant une « évaluation indépendante »101 de l’action de l’OMS face à la pandémie, y compris par les Etats-Unis et la Chine. Mais Trump lance un ultimatum à l’agence internationale : il lui donne trente jours pour apporter des modifications substantielles à son fonctionnement qui iraient dans le sens de ce qu’exige Washington. En matière de contribution, il menace très sérieusement de passer du temporaire au permanent et de retirer totalement les Etats-Unis de l’OMS.
Mépris du multilatéralisme et patriotisme yankee
Observons aussi que pour Trump, les institutions multilatérales ne valent pas grand-chose mais coûtent très cher aux Etats-Unis. On trouve chez lui un refus systémique de financer les institutions multilatérales mises en place par les Etats-Unis après la 2e Guerre mondiale, ce qui revient à faire le choix de leur démantèlement plus ou moins rapide. Avec Trump, les retraits ou désengagements financiers ou moraux des cadres de décision multilatéraux se multiplient. Avant l’OMS, mentionnons ainsi l’accord de Paris sur le climat, l’accord sur le nucléaire iranien, le conseil des droits de l’homme, le pacte mondial sur les migrations, l’Unesco, l’UNRWA (agence d’aide aux réfugiés palestiniens), l’Onusida…102 Un autre exemple, concomitant à la prise de distance vis-à-vis de l’OMS, concerne le retrait unilatéral et sans préavis des Etats-Unis du traité Ciel ouvert103, qui depuis 2002 permettait une gestion collaborative des vols de reconnaissance entre les 34 Etats membres104. Pour Emmanuelle Maitre105, « le président Trump a voulu détruire l’héritage d’Obama ». Elle explique qu’en deux ans, Trump a torpillé ou affaibli au moins deux autres textes internationaux106 : le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (dit FNI), signé en 1987 par Reagan et Gorbatchev, qui prévoyait l’interdiction de certaines armes en réponse à la crise des euromissiles ; et le compromis de Vienne (JCPOA), qui plaçait le programme nucléaire iranien sous tutelle et annihilait tout risque de prolifération par Téhéran, mais qui est à l’agonie depuis que Washington l’a renié en mai 2018. A ce bilan s’ajoutent des discussions complètement à l’arrêt sur le renouvellement du traité américano-russe New Start, conclu en 2010 pour une durée de dix ans, dernier texte à limiter le nombre d’armes nucléaires des deux Etats.
Un petit détour sur la question de l’OTAN permet de mieux comprendre l’hostilité de Trump vis-à-vis de l’OMS. Au fond, c’est en partie la même logique étroitement comptable qui le pousse d’un côté à refuser de payer pour l’OMS et, de l’autre, à retirer des troupes américaines de l’OTAN du territoire allemand – il veut que les alliés européens des Etats-Unis, et en particulier l’Allemagne, payent plus pour le « service de défense » que lui rendent les Etats-Unis – et il a plusieurs fois critiqué l’OTAN – allant jusqu’à le déclarer « obsolète » avant de se rétracter107 – provoquant d’ailleurs des réactions d’incompréhension de hauts dignitaires de l’Armée étatsunienne. Trump rumine une sorte de rancœur paranoïde contre de « faux alliés » abusant de « l’hégémonie bienveillante » des Etats-Unis, et brûle d’envie de les punir.
Remarquons que sur la question des troupes de l’OTAN en Allemagne, le locataire de la Maison Blanche procède en deux temps. Dans un premier temps, il annonce qu’il a l’intention de réduire le nombre de soldats présents en Allemagne, ce qui crée de nouvelles tensions dans l’OTAN et dans les relations diplomatiques avec l’Allemagne. Il procède à la manière de… Donald Trump : ses collaborateurs et la diplomatie ne sont visiblement pas au courant de sa décision lorsqu’elle est annoncée. Mais Trump est résolu à punir l’Allemagne et Angela Merkel108 ! Deuxième temps, le 29 juillet : la décision est annoncée officiellement par le secrétaire d’Etat à la Défense, Mark Esper. Trump a décidé de retirer 11 900 soldats du territoire allemand sur les 36 000 qui y stationnent, 5 600 de ces soldats devant être repositionnés en Italie et en Belgique, tandis que les autres devraient retourner aux Etats-Unis. Il est d’ailleurs assez croustillant de constater que tandis que Mark Esper tentait de faire bonne figure et de justifier ces décisions par une prétendue réflexion stratégique, par la soi-disant volonté de « renforcer » l’Alliance atlantique109 et « d’améliorer la dissuasion vis-à-vis de la Russie »110, quasiment au même moment, Trump donnait la vraie raison de cette décision et contredisait son secrétaire d’Etat à la Défense : « Nous réduisons les effectifs parce qu’ils [l’Allemagne] ne paient pas leurs factures. C’est très simple : ce sont des délinquants »111. Il se plaint : « Nous dépensons beaucoup d’argent pour l’Allemagne » et il accuse Berlin de profiter des Etats-Unis à la fois « sur le commerce extérieur » et « pour l’armée »112. Il s’agit donc de punir Berlin d’avoir refusé d’accroître ses dépenses militaires, contrairement aux laborieuses explications de Mark Esper.
Au-delà de la forme très particulière de radinerie mentionnée plus haut, et de cette rancœur, Trump est persuadé que les Etats-Unis sont plutôt gagnants dans des accords bilatéraux et perdants dans des cadres multilatéraux. Cette prise de distance avec le multilatéralisme préexistait à la présidence Trump – Le Monde note un long processus d’éloignement des Républicains depuis les années 1990113 – mais l’occupant de la Maison Blanche va beaucoup plus loin que ses prédécesseurs en la matière. Cet ensemble de positionnements de Trump s’inscrit aussi dans une philosophie politique très nationaliste. Il déclarait devant l’ONU, en septembre 2019 : « L’avenir n’appartient pas aux mondialistes. L’avenir appartient aux patriotes »114.
Juin-juillet : mise à exécution des menaces contre l’OMS
Revenons à l’OMS et au « patriotisme sanitaire » de Trump. Le délai de trente jours qu’il a formulé en ultimatum va être fortement raccourci : suite au coup de force de Pékin à Hong-Kong, le président étatsunien choisit la guerre froide contre la Chine. Dans ce contexte, le 29 mai, Trump annonce une rupture complète avec l’OMS. Il déclare : «Nous avions détaillé les réformes qu’ils devaient faire et nous nous sommes adressés directement à eux, mais ils ont refusé d’agir »115, faisant mine d’oublier le délai accordé initialement. Il ajoute que les sommes allouées à l’OMS seront redéployées vers d’autres organisations, sans plus de précisions. Mais si le principe de rétorsions contre la Chine est consensuel aux Etats-Unis, ce n’est pas le cas pour l’OMS : les élu.e.s démocrates considèrent que la décision de Trump sur l’OMS va donner les coudées encore plus franches à Pékin ; la présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, déplore « un acte de stupidité extraordinaire »116 ; la légalité de cette décision est également contestée, s’agissant de fonds votés par le Congrès.
Après avoir menacé et annoncé sa décision, Trump met officiellement sa menace à exécution le 6 juillet, malgré les nombreuses prises de position internationales contre le retrait des Etats-Unis de l’OMS, alors que ce pays connaît une nouvelle flambée de coronavirus. Pour Trump, « si l’OMS avait fait son travail et envoyé des experts médicaux en Chine pour étudier objectivement la situation sur le terrain, l’épidémie aurait pu être contenue à sa source avec très peu de morts »117… La mauvaise foi, toujours au rendez-vous ! La sortie officielle des Etats-Unis de l’OMS est engagée, même si le délai légal de prise d’effet est d’un an. Le candidat démocrate à la présidentielle, Joe Biden, a promis que s’il est élu, il annulera la décision immédiatement. Cette décision inepte de Trump ne deviendra donc effective que s’il est réélu. Bien sûr, beaucoup de gens – au premier rang desquels, les chercheurs/ses – sont affligé.e.s par la décision de Trump.
Un article de L’Humanité permet d’y voir plus clair quant au cadre économique et sanitaire dans lequel cette décision a été prise118. On y apprend que dès le mois de mai, on pouvait deviner comment Trump voulait agir : en déversant des milliards sur l’industrie pharmaceutique, au détriment du bien commun mondial de la santé. En effet, Trump a acheté la quasi-intégralité de la production de remdésivir, un antiviral fabriqué par la multinationale américaine Gilead. Il a fait un chèque de 1,41 milliard d’euros à l’entreprise de biotechnologies Novavax dans le cadre d’un programme de développement d’un vaccin, pour une fabrication de 100 millions de doses à la fin 2020. Cela rend probable que les États-Unis s’emparent de tout le lot, même si ce laboratoire a perçu récemment plus de 340 millions d’euros du Cepi (coalition publique-privée internationale qui participe aux opérations de financement à l’échelle du monde). Le même article mentionne un rapport de Public Citizen119, où on lit qu’une quarantaine de proches de Trump travaillent pour des grandes entreprises qui d’une façon ou d’une autre, interviennent dans la lutte contre le Covid-19, et que tous profitent de la crise pour obtenir des financements publics pour leurs clients (des géants comme AbbVie, Johnson & Johnson ou Pfizer, à de plus petites entreprises biotechnologiques (Genentech, Arcturus, etc.). Pour Public Citizen, il faut « combattre le favoritisme et la corruption potentielle à court ou à plus long terme »120.
Un bilan sanitaire calamiteux
Au bout du compte, quels que soient les misérables faux fuyants imaginés par Trump pour tenter de se dédouaner, le bilan de sa gestion du Covid-19 est catastrophique. Le fait que le pays le plus riche et le plus puissant au monde soit toujours, à ce jour – et de loin – celui qui connaît le plus grand nombre de contaminations et de morts recensés du fait du virus devrait apparaître comme un sévère signal d’alarme pour son président. Mais non ! Celui-ci a poursuivi pendant des mois dans le déni et la recherche de boucs émissaires. Un seul chiffre, ici, qui est assez saisissant : au 13 mai, avec 84 000 morts, les Etats-Unis, qui représentent environ 4% de la population mondiale, comptaient pour 28% des victimes du monde entier121. Dans un cadre global de sous-estimation totale de la pandémie, d’indifférence aux souffrances de la population et de mépris des prescriptions de l’OMS et des conseils de sa propre task force, les lourdes fautes de gestion sanitaire qui incombent à Trump sont au moins au nombre de deux : premièrement, le « retard à l’allumage » de Trump et de son administration, qui a coûté beaucoup de vies ; deuxièmement, la pression permanente de Trump (et de son parti) pour éviter le confinement, puis pour « rouvrir » totalement l’économie.
Alors qu’au 3 mai, les Etats-Unis en étaient à 65 000 morts du Covid-19, une étude de trois chercheurs de l’Université de Columbia (dont l’épidémiologiste Jeffrey Shaman) a montré122 que…
Si le confinement avait eu lieu |
Soit le |
Il y aurait eu |
Soit |
1 semaine plus tôt |
8 mars 2020 |
36 000 vies sauvées |
45% de morts en moins |
2 semaines plus tôt |
1er mars 2020 |
11 253 morts « seulement » |
83% de morts en moins |
On voit dans ce tableau123 à quel point ce « retard à l’allumage » a coûté cher.
De plus, l’insistance « pro-business » de Trump à « rouvrir » l’économie et son combat acharné contre les autorités locales qui avaient confiné la population, ont largement contribué à propager le virus et à contaminer des régions qui n’avaient guère souffert au début de l’épidémie. Trump a exercé ces pressions alors même que les projections faites à la Maison Blanche montraient que cette politique coûterait des vies, et alors que le nombre de nouveaux cas diminuait dans 18 Etats (dont ceux parmi les plus touchés, New York, New Jersey, Massachusetts, Pennsylvanie) ; stagnait dans une majorité d’Etats (28 selon le New York Times de cette époque) ; et augmentait dans 7 Etats. A cette période aussi, la courbe globale des contaminations dans le pays ne redescendait pas mais avait une allure de plateau.
Il n’y a pas que dans la forte réticence de Trump à accepter le confinement, puis dans son insistante volonté de vite déconfiner – en ayant en vue la prospérité économique, un atout essentiel pour sa réélection, même au prix de nouvelles et massives contaminations – que l’on perçoit le cynisme présidentiel. On note également une dose massive de démagogie électoraliste dans l’attitude de Trump face à la pandémie : soutien aux « ultras » d’extrême-droite qui ont à plusieurs reprises manifesté armes à la main contre des maires et gouverneur.e.s qui maintenaient le confinement ; réouverture des lieux de cultes pour flatter sa base sociale évangéliste. A la fin mai, beaucoup d’observateurs/trices étaient encore d’avis que les chances de réélection de Trump se maintenaient, vu que c’était surtout les électeurs/rices démocrates qui étaient touché.e.s par le coronavirus (particulièrement les Noir.e.s, les habitant.e.s des grandes villes, la population des côtes), et non ceux de Trump (en particulier dans les zones rurales, des Blanc.he.s dans le centre du pays. C’est dans ce contexte que le journaliste Carl Bernstein parle d’une « guerre civile froide » aux Etats-Unis124.
Il faut toutefois remarquer que cette gestion de la pandémie est apparue de plus en plus pour ce qu’elle est : calamiteuse. Le dernier sondage – ci-dessous – le reflète clairement : depuis avril, les Américain.e.s sont plus nombreux.ses à désapprouver qu’à approuver la gestion du Covid-19 par le président, et l’écart se creuse. De plus, ces dernières semaines, le président s’est montré de plus en plus fébrile, faisant toujours moins consensus dans son parti. Récemment, il a même été contraint de changer de ton sur le coronavirus : le 21 juillet, Trump a reconnu que la crise sanitaire allait « sûrement, malheureusement, empirer avant de s’améliorer »125, ajoutant : « Je n’aime pas dire ça mais c’est comme ça »126. La veille, Trump avait appelé les Américain.e.s à porter des masques, dont il a défendu l’efficacité. Cela arrive après des semaines à railler cette précaution et alors que Trump, et des proches à lui, attaquaient comme « alarmiste » Anthony Fauci. Il semblerait que ce soit des courbes de sondages comme celle ci-dessous qui soit à l’origine de ce changement de ton.
Crise sanitaire et situation économique
La situation économique des Etats-Unis est une question clé, non seulement parce qu’elle conditionne l’emploi de dizaines de millions de personnes dans le pays, non seulement parce que ce pays est une locomotive de l’économie mondiale, mais aussi parce que Trump sait qu’il a absolument besoin d’une économie dynamique et d’un chômage réduit pour assurer sa réélection. Au-delà des intérêts des capitalistes aux Etats-Unis, c’est aussi dans ce contexte que se pose la question du confinement et du déconfinement. C’est aussi l’un des enjeux des plans de relance de l’économie.
Confinement et déconfinement aux Etats-Unis
Trump se targuait de présider au pays le mieux préparé au monde, mais c’est, au contraire, le chaos127 qui grandit aux Etats-Unis à mesure que l’épidémie y prend racine. En quelques semaines d’épidémie, dans les endroits les plus atteints du pays – à commencer par New York –, on constate à la fois une pénurie des équipements de protection et un développement vertigineux du chômage.
Les villes et les Etats prennent des mesures de confinement
L’insouciance prédomine à la Maison Blanche lors du tout début de l’épidémie. Le 31 janvier, le gouvernement Trump décide l’évacuation des citoyen.ne.s américain.e.s de la province de Hubei, foyer de l’épidémie en Chine, et leur mise en quarantaine pendant 14 jours. Les CDC poussent les autorités locales, les écoles, les entreprises à se préparer à mettre en œuvre le télétravail et à éviter les rassemblements de masse. Quelques précautions sont recommandées (se laver souvent les mains, utiliser du gel hydroalcoolique, rester chez soi en cas de maladie, etc.). Trump ne croit pas à la dangerosité du Covid-19 et compte sur son éradication par les températures printanières. Début mars, l’épidémie a commencé à flamber en Europe, tout particulièrement en Italie, et le 12 mars, Trump décide d’interdire l’accès aux Etats-Unis des Européens de l’espace Schengen. Ni le Royaume-Uni, ni l’Irlande ne sont d’abord impactés, mais ces pays le seront que le 16 mars. L’état d’urgence sanitaire national est déclaré le 13 mars, mais les premières mesures de confinement au plan des localités et des Etats interviennent quelques jours après. Un certain nombre de districts scolaires ferment d’abord leurs établissements dans des grandes villes comme Seattle, Washington D.C., ou Los Angeles. C’est le 16 mars qu’Andrew Cuomo, gouverneur de l’Etat de New York lance un vrai plan de confinement, fermant, au moins jusqu’au 20 avril, l’ensemble de ses établissements scolaires et universitaires, en plus des lieux publics. D’autres gouverneur.e.s lui emboîtent le pas les jours suivants, Gavin Newsom pour la Californie le 19 mars. Souvent, les mesures de restriction prises par les Etats sont graduelles, commençant par exemple par la fermeture des débits de boisson. Le 20 mars, la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis est fermée pour les voyages non essentiels. Le confinement se met en place, sous des formes contrastées, et en ordre dispersé.
Les gouverneur.e.s gèrent, mais très vite Trump fait pression
La mise à l’arrêt d’une grande partie de l’économie et l’envolée du chômage conduisent Trump à très vite s’exprimer en faveur du déconfinement et à faire pression en ce sens. Il multiplie les tweets et les discours à ce propos. Dès le 24 mars, il tonne : « nous ne pouvons laisser le remède être pire que le mal lui-même »128, et s’impatiente : « Il faut retourner au travail, beaucoup plus tôt que les gens ne le pensent »129. Il déclare encore : « J’adorerais rouvrir d’ici Pâques », c’est-à-dire le 12 avril130. Il ajoutera plus tard que cette échéance s’appliquait surtout à des parties moins peuplées des Etats-Unis, ou à des endroits où l’épidémie est considérée comme contenue, comme… le Texas ! Les exigences de Trump en faveur de la « réouverture » du pays se font plus pressantes semaine après semaine. Le 16 avril, il assure que « l’Amérique veut reprendre le travail et [que] les Américains veulent retourner au travail »131. Le problème pour lui, c’est que, malgré ses rodomontades, la décision de confiner ou déconfiner relève des gouverneur.e.s. Il ne peut donc que faire pression sur ces dernier.e.s, au besoin en les menaçant. Depuis le début de l’épidémie, les États ont été laissés seuls responsables (ou presque) de la gestion de la situation sanitaire, à la fois en raison de la structure fédérale des États-Unis et de la taille du pays, mais aussi vu la réticence de Trump à voir l’État central prendre en charge la réponse à la pandémie.
Le plan « Rouvrir l’Amérique » du 16 avril
Le plan Trump du 16 avril est baptisé « Rouvrir l’Amérique » et vise à un « un retour progressif à la normale »132.
Tant par son élaboration que par ses buts, c’est un plan clairement « pro-business », qui vise à la fois à limiter la chute des affaires et des profits et à limiter… les risques de non-réélection de Trump. Au niveau de son élaboration, le plan a été conçu par un conseil assez large constitué d’hommes d’affaires et de spécialistes des questions sanitaires. Il ne prévoit pas de calendrier, et laisse les Etats décider de sa mise en œuvre. Mais Trump annonce qu’il souhaite la levée des mesures de restriction pour le 1er mai. C’est un plan en trois phases, très flou, assez incohérent, et irresponsable dans certaines de ses préconisations. En particulier, la phase 1 ne laisse fermés que les bars, les écoles et les garderies, mais elle autorise la reprise du travail pour certain.e.s employé.e.s précédemment confiné.e.s, et permet la réouverture de lieux clos très favorables à la contamination tels que les lieux de culte – avec une pensée visiblement émue pour les évangélistes fanatiques qui soutiennent Trump – ou encore les cinémas, les restaurants, les salles de sports, les gymnases. Même si cette phase interdit les visites en maisons de retraite et en hôpitaux, il est recommandé de rester chez soi pour les personnes âgées et vulnérables, et le plan recommande toujours le télétravail, et limite les déplacements à l’indispensable. Dans la phase 2, on assisterait à la reprise des déplacements non essentiels, à la réouverture des écoles, à celle des bars avec des restrictions ; mais les personnes âgées et vulnérables devraient rester confinées et les visites hospitalières seraient encore interdites. La phase 3, par contre, verrait la levée des restrictions sur les lieux de travail et permettrait la reprise d’une vie sociale normale pour les personnes vulnérables, en évitant toutefois les contacts trop rapprochés. Outre la pression du patronat, et l’électoralisme forcené de Trump, on perçoit aussi l’illusion de ce dernier – et sans doute chez beaucoup de « décideurs » – que le virus va vite disparaître de la circulation.
Au-delà de ses défauts, cette feuille de route se veut « graduelle et à géométrie variable »133. A la mi-avril, les Etats-Unis connaissent une véritable « mosaïque »134 de situations très différenciées. Une partie du Midwest n’est pratiquement pas touchée par le coronavirus, par opposition à ce qui se passe dans l’Etat de New York, dans le New Jersey ou en Louisiane. Cependant, le Dr Anthony Fauci reste très prudent et n’exclut pas des résurgences ponctuelles de l’épidémie.
Manifs d’extrême-droite et pressions présidentielles
Vers la mi-avril, on note l’irruption de mouvements de protestation contre les mesures de confinement, à l’instigation de groupes de droite et d’extrême-droite : le 15 avril dans le Michigan et le Kentucky, le 16 en Virginie. Accueillies par Trump avec beaucoup de bienveillance, ces actions prennent de l’ampleur, devenant plus menaçantes les semaines suivantes.
Comme le confinement, le déconfinement se réalise en ordre dispersé. Il intervient de façon chaotique et conflictuelle, portant en cela la marque de Trump. Début mai, dix-huit États ont déjà amorcé un retour à la normale, bien que de nombreux/ses expert.e.s jugent cela prématuré135. Anthony Fauci recommande aux États qui n’ont pas la capacité de tester la population de « procéder très lentement »136. Il déclare : « On ne peut pas brûler les étapes et passer tout de suite à une reprise des activités. C’est ce qui m’inquiète. J’espère qu’ils ne le feront pas »137. On observe un début de regroupement de certains Etats avec leurs voisins pour coordonner leurs décisions : Californie, Oregon, Washington et Nevada d’un côté ; l’Etat de New York, Connecticut, Delaware, New Jersey, Pennsylvanie et Rhode Island de l’autre. Au plan des directives fédérales, la contradiction est flagrante : certaines encouragent toujours à limiter les rassemblements à moins de 10 personnes jusqu’au 15 mai ; mais d’autres, recommandant des mesures de distanciation sociale et le port du masque, n’ont pas été reconduites. Encore un choix aussi gratuit qu’irresponsable de la part de la présidence !
Face à ce déconfinement en ordre dispersé, Trump s’impatiente et voudrait que les choses aillent plus vite. Sa brutale absence d’empathie et sa préférence donnée à l’économie sont flagrantes lorsqu’il déclare le 5 mai : « Je ne dis pas que tout est parfait, certaines personnes seront-elles touchées? Oui. Certaines personnes seront-elles gravement touchées? Oui. Mais nous devons ouvrir notre pays et nous devons l’ouvrir bientôt »138. Toujours bravache, et hyper-confiant dans l’économie américaine, son esprit est sans doute saisi d’une brève convulsion humaniste lorsqu’il déclare : « Je pense que l’année prochaine va être une année incroyable, économiquement. Cela étant dit, si quelqu’un a perdu quelqu’un, vous ne pourrez jamais compenser cela en disant: eh bien, vous allez avoir une excellente année l’année prochaine »139… Il se félicite de l’état du marché boursier, alors que Wall Street a effacé une partie des pertes du mois de mars. Trump est ce jour-là en Arizona, où il visite une usine de masques… mais refuse d’en porter un.
Trump veut à tout prix plaire à sa base électorale. Celle-ci fait froid dans le dos : parmi les groupuscules qui affichent leur soutien à Trump, exigent la réouverture des commerces et veulent voir mis un point final au confinement, certains sont armés. Dans le Michigan, par exemple, le 1er mai est marqué par une manifestation140 avec certain.e.s participant.e.s en armes, contre le palais de la gouverneure démocrate Gretchen Whitmer après la décision de celle-ci de maintenir fermées certaines entreprises. Trump se saisit de l’occasion pour faire pression sur l’exécutif de cet Etat : « La Gouverneure du Michigan devrait donner quelque chose, et éteindre le feu »141. Son tweet soutient clairement ces manifestant.e.s : « Ce sont des gens très bien, mais ils sont en colère. Ils veulent retrouver leur vie, dans la sécurité »142. Dans le même État, on va aussi voir un groupe se poster devant un salon de coiffure afin de dissuader la police d’empêcher sa réouverture143… Trump donne un très mauvais exemple, il exacerbe les réactions menaçantes et dangereuses de ses supporters les plus virulent.e.s. En juin et juillet, on note beaucoup d’attaques contre des responsables de la santé publique. Plus de trente, à une échelle locale ou à celle de l’Etat, doivent démissionner après avoir reçu des menaces sur les réseaux sociaux, ou sous la pression de leur propre environnement de travail, éminemment politique quand leur démarche est scientifique144.
Le cynisme de Trump et sa volonté de plaire à son électorat ne concernent pas que l’économie. Non seulement il pousse à la reprise des activités de commerce, mais il insiste également pour que les lieux de cultes soient également rouverts, même si la possibilité d’assister à des messes « drive-in » s’est développée145.
Une priorité à la logique capitaliste… qui semble de plus en plus se retourner contre Trump
Concernant Trump, la presse parle de sa « priorité à l’économie », plutôt qu’au souci de la situation sanitaire. Il est plus juste de parler de « priorité à la logique du capital », non seulement contre la santé du plus grand nombre, mais aussi via des mesures économiques et sociales allant contre les intérêts immédiats de la majorité laborieuse de la population.
D’une part, l’insensibilité présidentielle pour la maladie et la mort de centaines de milliers de personnes, perceptible dès le début, se confirme nettement dans la phase de déconfinement. Les expert.e.s qui étaient en première ligne face au coronavirus (Deborah Birx, Anthony Fauci) s’effacent progressivement ; Mike Pence envisage même officiellement la dissolution de la task force qu’il dirige (tout en étant lui-même chaperonné par… Jared Kushner, le gendre de Trump) ; mais celui-ci, toujours très soucieux de ses intérêts électoraux, fait très vite volte-face, car il saisit que cette équipe sanitaire est populaire, perçue comme rassurante. Effectivement, les sondages montrent que la population fait plus confiance à ces expert.e.s ou aux gouverneur.e.s qu’au président pour gérer l’épidémie. Le nombre de morts importe peu à Trump, et lui-même le cache mal. Un exemple : alors qu’en mars, la population avait été frappée par l’annonce d’un bilan humain possible compris entre 100 000 et 240 000 morts, ce seuil est brusquement abaissé à 65 000 en avril. Mais le 3 mai, Trump révise encore ces prévisions : « J’avais l’habitude de dire 65 000 et maintenant je dis 80 000 ou 90 000. Ça monte, et ça monte rapidement »146. Trump aurait-il l’idée d’en déduire la nécessité d’une autre approche sanitaire ? Bien sûr que non, et cela ne le dérange pas !
D’autre part, le cynisme de Trump est tout aussi impressionnant lorsqu’il évoque la couverture santé de la population de son pays, à commencer par ses segments les plus défavorisés. En pleine pandémie, alors que de nombreuses personnes tombent malades sans pouvoir être prises en charge par une couverture maladie, Trump confirme sa volonté de s’en prendre à l’assurance-santé léguée par Obama. La Cour suprême en est à nouveau saisie. Pour Trump, « Obamacare est un désastre. (…) Ce fut une catastrophe sous le président Obama, et ce sont de très mauvais soins de santé »147. Le mensonge n’est jamais loin : « Ce que nous voulons faire, c’est y mettre fin et offrir de bons soins de santé. Et nous aurons d’excellents soins de santé, y compris »148 pour les personnes ayant des antécédents médicaux, affirme-t-il… alors qu’il ne dispose pas des voix au Congrès pour faire adopter une formule alternative. Les soins de santé liés au coronavirus sont théoriquement pris en charge par l’Etat fédéral pendant la durée de l’épidémie.
Mais le choix des priorités et les orientations de Trump par rapport au coronavirus et à ses implications semblent, en mai, se retourner de plus en plus contre lui, un phénomène qui s’amplifie en juin et juillet. Tout au long du mois de mai, le déconfinement se déroule en ordre dispersé. Certain.e.s gouverneur.e.s, en particulier républicain.e.s, déconfinent trop vite, facilitant ainsi la propagation du virus. Quelques exemples : pour le 15 mai, certains Etats avaient prévu de lever certaines restrictions d’activité ou de circulation (le Delaware, le Maryland, la Louisiane…). A cette date, l’Etat de New York, très touché, commence à alléger certaines contraintes dans certains comtés, mais la ville de New York reste confinée. Mais l’Ohio, très impacté par le Covid-19, voit son gouverneur républicain Mike De Wine permettre la réouverture de certains restaurants capables de servir en extérieur, et le retour à l’école fin mai (avec des effectifs réduits). La stratégie de déconfinement et sa mise en œuvre concrète sont de plus en plus critiquées de l’intérieur, notamment par Anthony Fauci. Par ailleurs, le président se débarrasse de Rick Bright, fonctionnaire et lanceur d’alerte accusant l’administration Trump d’avoir sous-estimé ses mises en garde (en matière de stocks de masques et de médicaments), ce qui avait conduit à des morts parfaitement évitables. Rick Bright tirait aussi le signal d’alarme quant à l’absence d’une stratégie de dépistage et de développement d’un vaccin149.
Déconfinement, chaos et… déni de réalité
Le déconfinement – motivé par des considérations très idéologiques, et largement précipité dans certains Etats – débouche donc sur une accélération de la contamination en juin et juillet et sur le déplacement de ses principaux foyers vers le sud et l’ouest du pays. Contrairement aux débuts de la pandémie, qui affectait essentiellement des Etats démocrates, cette délocalisation virale plombe à présent le Texas, la Floride, l’Arizona, qui sont des bastions républicains. Forcément, l’impact politique de la contamination n’est plus le même. Il est plus défavorable à Trump.
Fin juin et en juillet, le président se retrouve cerclé d’un certain nombre de personnes contaminées… mais il continue à ânonner les mêmes refrains corona-négationnistes, à tenir des propos aberrants et de moins en moins crédibles. Le 7 juillet, alors que, comme le dit l’épidémiologiste Jennifer Horney, « les hôpitaux sont pleins voire débordés, en plein mois de juillet » au Texas, en Floride ou en Arizona150, Trump affirme : « Nous sommes en bonne position […] Nous avons fait du bon travail. Je pense que d’ici deux, trois, quatre semaines, nous serons dans une excellente position »151. Avec ses initiatives intempestives au mépris des consignes sanitaires, Trump joue même le rôle d’un agent infectieux ! On apprend ainsi qu’après son meeting de lancement de campagne – raté – à Tulsa (Oklahoma), plusieurs membres de son équipe de campagne sont testés positifs au Covid-19152, et que les autorités sanitaires de cette ville ont recensé une flambée de coronavirus, un peu plus de deux semaines après ce meeting153.
Pour le 4 juillet, Trump choisit le site historique contesté et contestable du mont Rushmore. C’est à nouveau un mauvais choix, à plusieurs titres : outre l’insulte proférée à l’encontre de la population amérindienne – nous y reviendrons – le président fait fi de la sécurité et de la santé de ses concitoyen.ne.s, à commencer par celles et ceux devant assister à son discours : « les chaises étaient serrées de près, au mépris des consignes sanitaires »154. On apprend que la compagne de Donald Trump Jr. (donc la belle-fille du président), Kimberly Guilfoyle155 a été contaminée. « Avocate et ex-présentatrice de la chaîne Fox News, [elle] est une des principales responsables du financement de la campagne du président Trump en vue de sa réélection en novembre. Elle a été placée à l’isolement après avoir assisté au discours du président au mont Rushmore »156. Mais pour Trump, le coronavirus n’est pas si méchant… La « preuve » : le nombre de morts n’augmente pas en proportion des contaminations. « Dans 99 % des cas, le virus est sans danger »157, prétend-il. S’il y a explosion des cas, c’est que les Etats-Unis testent beaucoup plus : « 40 millions de personnes »158. Son obsession d’une réouverture complète de l’économie transparaît encore dans son discours du 4 juillet. Il annonce qu’il va « faire pression sur les gouverneurs »159 pour rouvrir « en beauté »160 les écoles publiques… au moyen de coupes budgétaires si nécessaire. Les enseignant.e.s, toutefois, réclament des garanties, en Floride notamment.
Les critiques se multiplient : certain.e.s accusent Trump de soutenir les extrémistes hostiles au confinement, qui ont obligé les gouverneur.e.s à précipiter l’assouplissement des restrictions. Le bilan sanitaire ne fait que s’aggraver, et cette question est de plus en plus difficile à esquiver. Pour J. Horney, « à l’échelle du pays, tous les gains obtenus alors contre le Covid ont été réduits à néant »161. Le bilan qu’elle tire, c’est aussi que « les Etats qui ont connu le plus de cas au début, comme New York ou le New Jersey et ont mis en place les mesures les plus strictes, voient une nette amélioration. Les autres, qui ont très rapidement rouvert leur économie alors qu’ils ne répondaient pas aux critères recommandés à l’échelle fédérale pour le faire, connaissent aujourd’hui une explosion de cas, comme au Texas, en Arizona ou en Floride »162
L’effondrement de l’économie et les plans de relance
Le terme d’effondrement, fréquemment utilisé par les économistes, n’est pas excessif. Cette sombre réalité, qui pèse déjà très lourd sur les épaules des plus vulnérables, est un véritable cauchemar pour Trump. Ce dernier sait que si les choses ne s’améliorent pas rapidement et radicalement, sa réélection sera très compromise… Impensable pour lui !
L’effondrement de la production
La chute de la production est très rapide et profonde.
Après une croissance du PIB de 3% en 2018 et de 2,2% en 2019, l’année 2020 est cataclysmique. Après un premier trimestre déjà en baisse de -1,3% (-5% en variation annuelle), le second est pire encore, avec -9,5% (-32,9% en variation annuelle)163. Avec ces deux trimestres consécutifs de contraction du PIB – et quelle contraction ! – l’économie étatsunienne est officiellement en récession. Pour le département du commerce, la chute du PIB « reflète la réponse apportée au Covid-19, avec des mesures de confinement imposées en mars et en avril, partiellement compensées par la réouverture d’une partie de l’activité dans certaines régions du pays en mai et juin »164. Le second trimestre a vu chuter, en rythme annualisé, les dépenses de consommation de 34,6%, les dépenses de services de 43,5% et les investissements privés de 49%165. Selon Le Monde du 30 juillet, Trump, qui misait sur la bonne santé économique pour se faire réélire, espérait une croissance de 3% en 2020. C’est très mal parti !
Le spectre de la Grande Dépression hante les commentaires. Pour comparer, il faut savoir que le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis avait chuté de 26,7% sur 3 ans et 7 mois entre 1929 et 1933, puis de 18,2% sur 13 mois de 1937 à 1938 (sources NBER)166. Sur les premières années suivant 1929, le PIB avait plongé de -8,5% en 1930, de -6,4% en 1931, de -12,9% en 1932 et de -1,2% en 1933167 (et en 2008, le PIB ne s’était contracté « que » de 8% pendant le dernier trimestre de cette année-là)168. La différence réside peut-être dans le délai de réaction des autorités, qui ont vite injecté des centaines milliards dans l’économie, contrairement à la période ayant suivi le krach d’octobre 1929.
L’apparition d’un chômage de masse
En régime capitaliste – qui plus est, dans un pays où les protections juridiques et sociales face à de telles catastrophes sont faibles – un tel plongeon de l’activité économique se traduit massivement sur l’emploi. Trois semaines après les premières mesures de confinement, les chiffres sont déjà terrifiants. En début d’année, on part d’un niveau de chômage très bas. Mais la bascule est rapide : les nouvelles inscriptions au chômage passent de 282 000 le 14 mars à 6,61 millions le 9 avril. C’est un record absolu depuis l’existence de ces statistiques dans les années 1970169. La catastrophe s’amplifie les semaines suivantes : le taux de chômage est de 14,7% en avril, avec une augmentation de 15,9 millions de chômeurs/ses en seulement un mois170. Encore faut-il observer que les chiffres sont sous-estimés, pour deux raisons au moins : les statistiques ne comptabilisent pas les salarié.e.s « en emploi mais pas au travail » (du fait du coronavirus) et les enquêtes sont moins fiables du fait de la difficulté à joindre de nombreux salariés. Tout ceci amène les Echos à estimer que le taux de chômage réel est de l’ordre de 20% et qu’en avril, ce sont plus de 20 millions d’emplois qui ont été détruits171.
Pour représenter la situation économique et la réalité du chômage, le New York Times a sorti deux « unes » assez hallucinantes – voir ci-dessous – à environ un mois et demi d’intervalle. La première, le 27 mars, affiche (en jaune) la hausse atterrante de la courbe du chômage à la bonne échelle. La seconde, le samedi 9 mai, est impressionnante à plusieurs titres, comme on le voit de façon plus détaillée dans le grossissement présenté plus bas. En premier lieu, par la référence historique au chômage pendant la Grande Dépression. En second lieu, par l’allure du graphique (en haut) représentant les oscillations mensuelles dans le nombre des emplois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec la hauteur de la plongée vers le bas en 2020, hors de toute proportion avec ce qui avait été subi dans les récessions précédentes ; on voit d’ailleurs que le trait en question tient sur presque toute la hauteur de la « une » du journal, alors qu’il a été coupé sur le gros plan ci-dessous. En troisième lieu, la courbe rouge (en bas à gauche) représente le taux de chômage national et la hausse absolument verticale menant aux 14,7% d’avril 2020. Cette étude reviendra sur la ventilation du chômage d’avril par groupe ethnique, mais notons que les femmes sont plus touchées que les hommes (16,2% contre 13,5%), et que les jeunes de 20 à 24 ans paient un tribut énorme au chômage avec un taux de 25,7%.
Alors qu’il y avait environ 7 millions de chômeurs/ses inscrit.e.s début mars, ce sont environ 30 millions qui sont inscrit.e.s au 30 avril. Si l’on ajoute 10 millions qui n’ont pas pu s’inscrire et 20 millions qui n’ont pas droit aux allocations (et ne sont donc pas dénombré.e.s), on arrive à un total de 50 à 60 millions de personnes qui se retrouvent d’un seul coup sans travail. A ce nombre approximatif, il convient d’ajouter 11 millions de travailleurs/ses à temps partiel contraint (contre 4 millions avant la crise). Au total, des dizaines de millions de personnes sont précipitées dans la misère172. La première semaine de mai, les Etats-Unis enregistrent encore l’inscription de plus de trois millions de chômeurs/ses supplémentaires173. Moins de deux mois après le début du confinement aux Etats-Unis, ce sont officiellement 36,5 millions d’Américain.e.s qui ont fait une demande d’allocation chômage. Et encore ! Il s’agit de chiffres partiels qui ne prennent pas en compte les bénéficiaires des aides d’urgence et des programmes des Etats174.
Tandis que les perspectives sont officiellement calamiteuses, avec la Fed qui attend un pic de chômage de 25% de la population active à la fin mai, et pas de retour rapide à la normale (avec des taux estimés à 11,4% à fin 2020 et 10,1% à fin 2021)175, c’est une surprise de voir le taux de chômage baisser de 14,7% en avril à 13,3% en mai. Malgré le virus, l’économie américaine a créé 2,7 millions d’emplois en mai176, alors que les économistes prévoyaient plutôt 8 millions d’emplois en moins177. Ce résultat est bien sûr lié au déconfinement d’une partie des Etats (mais à quel prix, et avec quelles suites ?). L’amélioration sur le front de l’emploi se poursuit en juin, mais avec des nuances. En juin, 4,8 millions d’emplois ont été créés, et le taux de chômage est redescendu à 11%178. Il y a donc du mieux par rapport à avril, mais il faut relativiser : selon Le Monde, les Etats-Unis sont seulement « au tiers du parcours »179 : avec 142 millions d’emplois en juin, l’économie a recréé 8,8 millions de jobs depuis le plus bas en avril, mais elle se trouve toujours 15 millions d’emplois en deçà de février, et le taux de chômage, qui avait atteint les plus bas chiffres historiques de la fin des années 1960, a triplé depuis février. Il faut aussi noter que l’enquête, réalisée à mi-juin, ne prend pas en compte les emplois sans doute perdus peu après, alors que de nombreux Etats frappés par l’épidémie du Covid19, tels le Texas, la Californie, l’Arizona et la Floride, ont dû refermer leur économie trop vite déconfinée180.
Bien que les chiffres du chômage pour le mois de juillet ne soient pas disponibles au moment où ce texte est écrit, il y a de bonnes raisons de penser que l’embellie relative des mois de mai et de juin ne s’est pas poursuivie en juillet. Des résultats partiels montrent que les nouvelles inscriptions au chômage ont à nouveau augmenté : environ 1,3 million du 5 au 11 juillet et 1,4 million du 12 au 18181. Il semble fort, cette fois-ci, que c’est le déconfinement précipité et la hausse consécutive des contaminations qui conduit à nouvelle baisse de l’activité et à une hausse du chômage.
Il vaut la peine de noter les déclarations de l’hôte de la Maison Blanche tout au long de cette période de flambée du chômage. Après l’explosion du chômage en avril, le calendrier de la reprise espéré par Trump connaît un fort glissement : il parle maintenant de 2021182. Au-delà, on trouve ici une bonne partie de l’arsenal démagogique déjà rencontré. Il y a d’abord le mensonge, après les chiffres calamiteux d’avril. Trump déclare : « Ces emplois seront tous rétablis, et ils le seront rapidement »183. C’est faux. Il est certain qu’une partie de ces emplois ne reverront jamais le jour. Une partie seulement réapparaîtra, plus ou moins importante, selon la durée de la récession notamment. Pour l’économiste Jason Furman, beaucoup dépendra de la rapidité de la reprise, et si la récession dure trop, beaucoup de PME disparaîtront, et les contrats de travail avec elles184. Certains secteurs ont d’ores et déjà essuyé de terribles pertes de revenus, qu’ils ne retrouveront jamais. Environ un mois plus tard, c’est la fanfaronnerie chauvine qui est de mise, après les chiffres de mai, meilleurs que prévu. Trump se gonfle les biceps, et prédit : « On va avoir la plus forte économie dans le monde »185. Les chiffres du chômage de juin – une nouvelle bonne surprise – font démarrer Wall Street en hausse de 1,5%. Cette fois-ci la présomption le dispute à l’obscénité et à l’indécence lorsque Trump se précipite sur l’occasion pour tirer la couverture à lui et fêter l’évènement avec une conférence de presse qu’il veut triomphaliste. Il se vante de ce que la Bourse a augmenté de moitié depuis son élection, et presque doublé pour le Nasdaq186.
Des secteurs et des entreprises inégalement touchés
Comme à l’accoutumée dans les crises capitalistes, certains secteurs sont heurtés de plein fouet, presque anéantis, tandis que d’autres, et un certain nombre d’entreprises et de capitalistes, réalisent de bonnes opérations.
A partir de la seconde moitié de mars et en avril, des pans entiers de l’économie sont paralysés. Les premières faillites ont lieu, dans la mode et l’habillement, comme Neiman Marcus et J. Crew. Parmi les secteurs les plus frappés, des centaines de milliers d’emplois sont supprimés dans le bâtiment et dans l’industrie, qui perd 1,3 millions de jobs, dont 30% pour l’automobile187. Pas étonnant vu qu’en mars, les ventes de voitures ont reculé de 35%, au niveau de 8 ans auparavant188. C’est une hécatombe dans la restauration, le tourisme et les loisirs (qui ensemble perdent 7,7 millions d’emplois)189, et dans de nombreux secteurs du commerce non essentiel, comme l’habillement. Le secteur du commerce de détail recule donc de 2,1 millions d’emplois, malgré les embauches chez Amazon et Walmart190. On observe d’ailleurs une forte demande de main d’œuvre dans les domaines de la logistique et de la livraison191. Les collectivités locales emploient un.e salarié.e sur dix aux Etats-Unis et sont particulièrement bousculées : d’un côté, leurs ressources s’effondrent (vu l’effondrement de l’économie) et de l’autre, leurs dépenses explosent (pour assurer des missions de soutien)192. Ces collectivités ont déjà supprimé environ un million de postes dans le secteur éducatif. Plus énorme encore : en pleine pandémie, le secteur de la santé a supprimé environ 1,4 million d’emplois ! En avril, les secteurs de la fabrication du matériel informatique et de la grande distribution ne licencient pas et font figures d’exceptions193. Début mai, des suppressions d’emploi massives sont annoncées dans l’industrie : 13 000 (25% des effectifs) dans la branche aviation de General Electric, 16 000 emplois (10% des effectifs) chez Boeing… auxquels il convient d’ajouter les effets indirects…194
Un secteur mérite une attention particulière : celui des abattoirs et des usines de découpage de viande. L’impact de l’épidémie sur ce secteur est particulier, et l’on retrouve dans d’autres pays certains des problèmes rencontrés aux Etats-Unis. On a assez vite découvert que les abattoirs et les lieux de découpage de viande étaient des usines à Covid-19, vu le travail à la chaîne pendant des heures, la promiscuité à la cantine et les vestiaires etc., phénomène aggravé par un trop petit nombre de masques. Aux Etats-Unis, ce secteur emploie beaucoup d’étranger.e.s peu à l’aise avec l’anglais, qui sont mal payé.e.s et vont travailler malades pour ne pas perdre leurs primes195. Un article du journal Le Monde traite plus particulièrement de deux exemples. D’une part, l’entreprise Smithfield, à Sioux Falls (Dakota du Sud), employant 3 700 personnes, qui traite 5% des porcs aux Etats-Unis, qui a été fermée le 12 avril, après que 238 personnes ont été testées positives, et qui a rouvert le 5 mai. D’autre part, l’entreprise Tyson, à Waterloo (Iowa), qui traite 20 000 porcs, 4% de la production des États-Unis : elle a été fermée le 22 avril, avec 1 031 personnes testées positives (plus du tiers des effectifs, avec trois décès) ; elle emploie des immigré.e.s de Bosnie, du Congo, du Mexique, de Birmanie… Tyson n’avait pris que des demi-mesures début mars (comme conseiller aux salarié.e.s fiévreux/ses de rester à la maison…) ; elle a rouvert le 7 mai à 50% de sa capacité196. A la fin du mois d’avril, 20 abattoirs géants étaient ainsi à l’arrêt aux Etats-Unis, induisant à la fois une baisse de 35% de la production de bœuf et de porc et de 7% de celle de poulet, un excès de production chez les producteurs/rices et une pénurie pour les consommateurs/rices197. Trump passe un décret de réouverture des abattoirs le 28 avril et décide que le département de l’agriculture achètera, pour les banques alimentaires, pour 100 millions de dollars de viande, et la même somme pour les produits laitiers et pour les fruits et légumes frais198. Mais la contamination dans ce secteur est massive. Au 13 mai, sur les 800 abattoirs et usines de découpe de viande du pays, 12 000 ouvrier.e.s ont développé la maladie, et on compte une cinquantaine de décès199. Et la contamination se poursuit : l’usine Smithfield de Sioux Falls en est à au moins 850 ouvrier.e.s infecté.e.s200. Dans l’usine de viande JBS de Greeley (Colorado), on compte sept mort.e.s, dont un travailleur de… 78 ans201.
Alors que beaucoup de PME coulent, certains mastodontes profitent de la situation : Microsoft, Apple, Facebook, Google, Amazon touchent le jackpot. Amazon voit son chiffre d’affaires enfler de 26% au premier trimestre202. Quant à Microsoft, avec l’essor du télétravail, elle est promise à un bel avenir. La poursuite de la hausse des cours boursiers – dopés par la Fed et ses achats de dettes d’entreprises qui auraient dû faire faillite, on va le voir – permet à Tesla, la firme d’Elon Musk, leader de la voiture électrique, de dépasser Toyota en capitalisation boursière203. Au-delà de secteurs ou d’entreprises spécifiques, certains capitalistes savent se servir copieusement malgré l’effondrement de l’économie : ainsi le PDG de Goldman Sachs a fait voter par ses actionnaires une hausse de 20% de sa rémunération, qui atteint 27,5 millions de dollars annuels204. Jeff Bezos (patron d’Amazon) profite de la situation : il dispose maintenant d’une fortune estimée par Forbes à 166 milliards de dollars, loin devant Bill Gates (110 milliards) et Bernard Arnault (107 milliards de dollars)205.
Injecter des milliards… Pour quoi ? Pour qui ?
Face à l’effondrement de l’économie induit par le confinement, la Fed (banque centrale) réagit vite. Elle réduit ses taux d’intérêt à des niveaux proches de zéro206. Mais cela ne peut pas suffire, et il faut injecter des sommes colossales dans l’économie. Le 27 mars, le Congrès vote un plan de soutien et de relance (dénommé CARES) de plus de 2 000 milliards de dollars (environ 10% du PIB)207. Ce plan comprend 260 milliards pour l’élargissement de l’indemnisation du chômage, à raison de 600 dollars par semaine208. Une autre mesure, pour un montant global de 300 milliards, correspond à un chèque forfaitaire de 1 000 dollars à tou.te.s les États-unien.ne.s gagnant moins de 75 000 dollars par an, et de 1 200 dollars pour celles et ceux touchant moins de 99 000 dollars209. L’autre partie du plan concerne, sous diverses formes, les entreprises. Cela inclut des reports d’impôts, un fonds de soutien de 350 milliards de dollars pour des prêts à 1% aux PME, pouvant couvrir jusqu’à 250% de la masse salariale totale. Mais ce fonds, limité, fonctionne sur la base du « premier arrivé, premier servi » et donc beaucoup d’entreprises resteront à l’écart de la mesure. S’ajoute à cela un soutien ciblé à certaines grandes entreprises. Pour Trump, les secteurs aérien et aéronautique sont prioritaires et reçoivent 49 milliards de dollars: 32 milliards pour les compagnies aériennes, en échange du maintien de l’emploi jusqu’au 30 septembre, et 17 milliards de subventions pour Boeing et ses fournisseurs. Enfin, la pièce maîtresse du plan est un fonds de 454 milliards de dollars de prêts aux entreprises visant à obtenir un « effet de levier » dix fois plus puissant, soit plus de 4 000 milliards de dollars, sans que les conditions de sa gestion ne soient encore précisées, si ce n’est que c’est la Fed qui s’en chargera210.
Notons que la démarche est marquée par des injustices et des incohérences. Les difficultés des ménages, à commencer par les plus défavorisés (perte de la couverture santé avec celle de l’emploi – qui concerne quelque 25 millions de personnes, dont seulement 12 millions reprises par le Medicaid211–, endettement, difficultés à payer les loyers) ne sont guère prises en compte. Cela alors qu’un.e citoyen.ne des Etats-Unis sur huit ne mange pas à sa faim212. D’un autre côté, c’est le magazine Forbes (lui-même) s’interroge : pourquoi 43 000 contribuables qui gagnent plus d’un million de dollars annuels, vont-ils et elles recevoir chacun.e 1,7 million en moyenne, du fait d’une mesure qui figure dans le CARES ?213
Dans l’ensemble de ces dispositifs, la Fed a un rôle clé. En rachetant des dettes et en sauvant les « anges déchus » de Wall Street214, elle limite les risques de faillites en cascade. Il s’agit de milliers de sociétés et de municipalités auxquelles la banque centrale évite la banqueroute. L’exemple de Carnival, compagnie de tourisme de 150 000 salarié.e.s, dont les 27 paquebots de croisière sont à l’arrêt, est très documenté dans la presse. Carnival empruntait à un taux de 1%, puis sa situation a conduit les prêteurs à lui proposer des taux de… 15%215. Le rôle de la Fed dans ce contexte a été de garantir ses emprunts, ce qui a permis à Carnival d’emprunter à des taux à nouveau plus bas. C’est le même type de garantie qui a servi avec des entreprises d’habillement comme Gap, de restauration comme Yum Brands (qui nous intoxique avec les produits KFC, Taco Bell, Pizza Hut…), de cinéma comme AMC, ou avec les casinos MGM216. Pour les grandes compagnies aériennes – dont le nombre de passager.e.s a été divisé par vingt – c’est de 25 milliards de dollars dont il s’agit217.
Des centaines de milliards injectés… mais peut-être pas assez
Donald Trump s’est emporté à plusieurs reprises contre Jerome Powell, président de la Fed. Trump voudrait des taux d’intérêts négatifs ; Powell refuse, et maintient ceux qui ont été décidés, entre 0 et 0,25%. Il recommande, par contre, de ne pas lésiner sur les dépenses publiques en ce moment 218. C’est un virage idéologique : la Fed abandonne l’exigence de la rigueur budgétaire219. C’est aussi que la pression monte sur Trump : subventions et allocations exceptionnelles étaient initialement prévues pour durer le temps d’une crise sanitaire dont la durée a été sous-estimée, et pour permettre un redémarrage économique rapide. De plus en plus clairement, la durée des mesures ponctuelles se révèle trop courte.
C’est sans doute ce qui conduit à la discussion d’un nouveau plan d’aide à la Chambre des représentants, un plan de 3 000 milliards de dollars proposé par Nancy Pelosi, leader démocrate de cette assemblée, en plus du plan CARES déjà adopté. Le nouveau plan apporterait 1 000 milliards de dollars aux Etats et collectivités territoriales qui luttent contre la pandémie, une aide nettement renforcée aux ménages (6 000$ par individu, 12 000$ par couple), un fonds 200 milliards de dollars pour les travailleurs/ses à risque (santé, etc.) et 75 milliards pour le dépistage. Trump déclare rapidement qu’il s’y opposera, et avant même qu’il soit débattu au Sénat (républicain), il semble très improbable que ce plan soit accepté à la chambre haute220.
L’urgence d’un tel second plan, plus vaste encore que le premier, apparaît moindre au sein de la « classe politique », avec les chiffres du chômage qui sont publiés pour les mois de mai et de juin. Il est toutefois utile de noter que cette amélioration, avec l’effet du déconfinement, est différenciée selon les secteurs. Dans la restauration et le tourisme, massivement impactés, on voit réapparaitre 2,1 millions d’emplois en juin, mais il manque encore 30% des postes de travail qui existaient avant l’arrivée du coronavirus221. L’industrie manufacturière a recréé 500 000 emplois en juin, récupérant la moitié des emplois perdus222. Mais le pire est sans doute à venir pour les compagnies aériennes, qui estiment avoir 20 000 salarié.e.s en trop223. Pour le monde du travail et les classes défavorisées, les incertitudes pour l’avenir ont un caractère angoissant : l’assurance-chômage fédérale exceptionnelle, de 2 400 dollars par personne et par mois (soit deux fois le salaire minimum fédéral), arrive à échéance fin juillet et l’administration Trump ne veut pas la prolonger, estimant qu’elle incite à ne pas retourner au travail224. Un autre enjeu de cette période estivale est aussi la question du sauvetage des collectivités locales et des Etats, qui prennent de plein fouet la crise, avec une chute des recettes fiscales et une hausse des dépenses sociales. Leur sauvetage est délicat, les Etats républicains ne voulant pas payer pour les États démocrates, plus urbanisés et jusqu’à présent plus frappés par l’épidémie de Covid-19225. Mais, on l’a vu, la poussée de la pandémie dans des bastions républicains comme le Texas ou la Floride change la donne. Sur cette question, comme sur d’autres, en particulier celle de la couverture maladie, les enjeux politiques liés à la présidentielle de novembre deviennent plus visibles, et favorisent de moins en moins Donald Trump.
1 Le choix fait a été de ne pas accorder de place ici à des chefs d’Etat hauts en couleurs, parfois fortement toxiques localement, mais sans beaucoup de poids dans le monde actuel, et cela vaut aussi bien pour des « coronasceptiques » (par exemple le président biélorusse, Loukachenko, qui prodigue, face au Covid-19, le conseil suivant: « Buvez de la vodka, allez au sauna et travaillez dur » [https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-en-bielorussie-le-president-prone-vodka-hockey-et-tracteur-face-au-covid-19-6796334]), que pour d’autres qui vont en sens inverse (le président philippin Duterte, notamment, qui donne l’ordre de tuer les récalcitrants au confinement [https://www.france24.com/fr/20200402-coronavirus-le-pr%C3%A9sident-philippin-menace-de-faire-abattre-les-contrevenants-%C3%A0-l-ordre-de-confinement]).
2 L’Anticapitaliste (14 mai 2020) : « Trump prêt à sacrifier des dizaines de milliers de personnes ».
3 Site Europe 1, 27 mars, 8h23 : « Coronavirus : les Etats-Unis ont désormais le plus grand nombre de cas recensés dans le monde ».
4 Idem.
5 Le Monde (10 avril 2020).
6 Le Figaro (13 avril).
7 Le Monde (18 avril 2020).
8 Le Monde (9 mai 2020).
9 L’Anticapitaliste (14 mai 2020).
10 Lutte de classe (1er juin 2020).
11 L’Humanité (27 mai 2020).
12 Le Monde (5 juillet 2020).
13 https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2020-07-29/plus-de-150-000-morts-de-la-covid-19-aux-etats-unis.php.
14 Le Monde (10 juillet 2020).
15 Libération du 10 juillet 2020 : « Aux Etats-Unis, nous sous-évaluons décès et contaminations ».
16 Le Monde (10 juillet 2020)
17 Voir notamment https://alt-rev-com.fr/2020/05/11/les-grands-de-la-planete-le-coronavirus-et-nous-episode-1-jair-bolsonaro-un-corona-negationniste-obstine-et-criminel/.
18 BBC News Brasil – https://www.bbc.com/portuguese/brasil-52361730
19 Coronavirus/USA: Trump sicher: Kein Land „besser vorbereitet“. https://www.merkur.de/politik/trump-coronavirus-wetter-praesident-covid-19-sars-twitter-panne-news-zr-13566819.html.
20 The Atlantic (7 avril 2020). David Frum: “This is Trump’s Fault”. Ma traduction.
21 Idem.
23 https://jeanyvesnau.com/2020/04/26/donald-trump-les-uv-et-leau-de-javel-faut-il-choisir-entre-le-loufoque-et-le-sarcastique/
24 Idem.
25 Idem.
26 « Virologe in Chief » : c’est ainsi que le surnomme ironiquement la Suddeutsche Zeitung le 21 mars 2020 : https://www.sueddeutsche.de/politik/trump-coronavirus-usa-chloroquin-1.4853266
27 In Manière de Voir n° 170, p. 97.
29 Idem.
30 Idem.
31 Idem.
33 A ce sujet, on peut d’ailleurs lire dans Manière de Voir N°170 d’avril-mai 2020, p. 14 à 16, un article de Serge Halimi intitulé « Avant la Chine, le Japon… », qui reprend un texte d’octobre 1991 où l’on (re)découvre comment il y a près de 20 ans, c’était le dynamisme économique japonais qui conduisait les dirigeants de l’impérialisme étatsunien à mettre en œuvre avec une certaine efficacité une campagne de dénigrement contre l’Empire du Soleil Levant.
36 Idem. Ma traduction
37 Idem.
39 Idem.
42 Ma traduction. Cf. The Atlantic (7 avril 2020), article de David Frum, intitulé “This is Trump’s Fault”. Trump a exactement déclaré « I don’t take responsibility at all ». L’auteur de l’article ironise en ajoutant : « Ces mots finiront probablement comme épitaphe pour cette présidence, c’est la seule phrase qui la résume entièrement ».
44 https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200317.OBS26169/coronavirus-trump-parle-un-d-un-virus-chinois-et-provoque-la-colere-de-pekin.html.
46 Idem.
47 In Manière de Voir n°170, p. 89.
48 Idem.
49 Idem, p. 95.
50 Pour le Professeur Luc Montagnier, qui n’est plus ce qu’il a été, et qui a déjà mis sa notoriété de prix Nobel au service de thèses fumeuses et de combats douteux, le coronavirus a été fabriqué à Wuhan avec de l’ADN du virus du Sida. https://www.ladepeche.fr/2020/04/17/pour-le-professeur-luc-montagnier-le-coronavirus-a-ete-fabrique-a-wuhan-avec-de-ladn-du-virus-du-sida,8851361.php.
51 https://www.midilibre.fr/2020/04/17/pour-le-pr-montagnier-le-coronavirus-est-un-virus-sorti-dun-labo-chinois-avec-de-ladn-de-vih,8851000.php.
52 Idem.
53 Cf l’article du New York Times. “Trump Officials Are Said to Press Spies to Link Virus and Wuhan Labs”. https://www.nytimes.com/2020/04/30/us/politics/trump-administration-intelligence-coronavirus-china.html.
54 Libération (26 mai 2020) : « Etats-Unis et Chine : deux empires de mal en pire ».
55 Notamment ici : https://www.journaldemontreal.com/2020/05/24/la-directrice-du-laboratoire-de-wuhan-nie-toute-responsabilite-1.
56 Notamment : https://www.nature.com/articles/s41586-020-2554-8.
57 Le Figaro (18 avril 2020).
60 Idem.
61 Idem.
62 https://www.france24.com/en/20200503-pompeo-says-enormous-evidence-coronavirus-originated-in-wuhan-lab.
63 Comme l’écrit le Guardian : https://www.theguardian.com/world/2020/may/04/china-communist-party-coronavirus-us-trump.
64 https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/demandez-a-la-chine-trump-s-emporte-contre-une-journaliste-d-origine-chinoise_AN-202005120068.html.
65 Cf : l’Humanité (12 mai 2020) : « Trump joue l’exacerbation des tensions avec Pékin ».
66 Cf : L’Humanité (12 mai 2020) : Le « péril chinois », nouveau ciment du parti républicain.
67 Cité par le Monde (2 juin 2020).
68 Le Monde (15 mai 2020).
69 Libération (26 mai 2020) : « Etats-Unis et Chine : deux empires de mal en pire ».
70 Idem.
71 Idem.
72 Libération (26 mai 2020): « Les cinq dossiers chauds de la nouvelle guerre froide ».
73 Le Monde (2 juin 2020) : « Donald Trump fait le choix de la guerre froide avec Pékin ».
74 Idem.
75 Idem.
76 Cf. Le Monde (7 juillet 2020) : « Pékin et Washington se toisent en mer de Chine méridionale ».
77 L’Humanité (15 juillet 2020) : « Trump mène campagne en mer de Chine ».
78 Idem.
79 Idem.
80 L’Humanité (16 avril 2020) : « Un outil de coopération globale indispensable ».
81 In Courrier International (23 avril 2020), article du New York Times : « L’OMS, un bouc émissaire pour Trump ».
82 Idem.
83 Idem.
84 L’Humanité (16 avril 2020) : « Un outil de coopération globale indispensable ».
85 Idem.
86 Courrier International (23 avril 2020), article du New York Times : « L’OMS, un bouc émissaire pour Trump ».
87 Idem.
88 Idem.
89 Le Monde (24 mai 2020) : « Face à la pandémie, l’OMS démontre son rôle crucial… et ses limites ».
90 Idem.
91 Idem.
92 Idem.
93 Idem.
94 Cf. JDD (17 mai 2020) : « A l’OMS, Xi et Trump au pied du mur ».
95 Idem.
96 Le Télégramme (19 mai 2020) : « L’OMS, étrillée par les Etats-Unis, mais largement défendue ».
97 Idem.
98 Le Monde (20 mai 2020) : « Trump lance une charge contre l’OMS dont il menace de se retirer ».
99 Idem.
100 Idem.
102 Le Monde (24 mai 2020) : « Soft power », fin de partie ?
103Le Monde (24 mai 2020) : « Les alliés des Etats-Unis déplorent un nouveau geste unilatéral ».
104 Voir aussi Libération (17 juin 2020) : « Donald Trump déserte les traités internationaux ».
105 Chargée de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, interviewée par Libération (17 juin 2020).
106 Libération (17 juin 2020) : « Donald Trump déserte les traités internationaux ».
107 Cf. L’Humanité (16 avril 2020) : « Pourquoi Donald Trump torpille l’OMS ».
108 Le Monde (19 juin 2020) : « Trump agite la menace d’un redéploiement en Europe ».
109 Le Monde (31 juillet 2020) : « Washington retire 12 000 soldats d’Allemagne ».
110 Idem.
111 Idem.
112 Idem.
113 Le Monde (24 mai 2020) : « Soft power », fin de partie ?
114 L’Humanité (16 avril 2020) : « Pourquoi Donald Trump torpille l’OMS ».
115 Le Monde (2 juin 2020) : « Donald Trump fait le choix de la guerre froide avec Pékin ».
116 Idem.
117 Mediapart (8 juillet 2020) : « En pleine pandémie, Trump sort les Etats-Unis de l’OMS ».
118 L’Humanité (9 juillet 2020) : « Trump flingue l’OMS et arrose Big Pharma ».
119 Think tank progressiste et à but non lucratif basé à Washington, qui agit dans le domaine de la défense des consommateurs. Il s’affiche comme désireux de défendre la santé, la sécurité et la démocratie.
120 L’Humanité (9 juillet 2020) : « Trump flingue l’OMS et arrose Big Pharma ».
121 Lutte de classe (juin 2020) : « Les Etats-Unis, de la crise sanitaire à l’effondrement économique ».
122 L’Humanité (22 mai 2020) : « Le retard à l’allumage de Trump qui a coûté des vies ».
123 Tableau confectionné par l’auteur, à partir des données figurant dans L’Humanité (22 mai 2020).
124 L’Humanité (27 mai 2020) : « 100 000 morts, et Trump, et Trump, et Trump ».
125 Le Monde (23 juillet 2020) : « Donald Trump contraint à changer de ton sur le Covid-19 ».
126 Idem.
127 Informations Ouvrières (9 avril 2020) : « Etats-Unis : c’est juste le chaos ! ».
128 https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/audio/le-decryptage-nous-ne-pouvons-laisser-le-remede-etre-pire-que-le-mal-lui-meme-donald-trump-2403-508651.html
129 https://www.lesoleil.com/actualite/monde/covid-19-trump-impatient-de-lever-les-restrictions-aux-etats-unis-2e5794107ad0369157582202ff6390c0
130 Idem.
131 Le Figaro (18 avril 2020) : « Le chef de la Maison Blanche veut ‘rouvrir’ l’Amérique mais laisse la main aux Etats ».
132 Idem.
133 Le Monde (18 avril 2020) : « Trump recommande un redémarrage des Etats-Unis ».
134 Selon le mot de Trump lui-même. Idem.
135Le Figaro (4 mai 2020) : « L’Amérique se déconfine en ordre dispersé ».
136 Idem.
137 Idem.
138 Le Monde (9 mai 2020) : « Donald Trump déterminé à rouvrir au plus vite les Etats-Unis ».
139 Idem.
141 https://edition.cnn.com/2020/05/01/politics/donald-trump-michigan-gretchen-whitmer-protests/index.html
142 Idem.
143 Les Echos (18 mai 2020) : « Donald Trump pris au piège d’un déconfinement brouillon ».
144 Libération (10 juillet 2020) : « Aux Etats-Unis, nous sous-évaluons décès et contaminations ».
145 Cela ressort d’un reportage dans une petite station balnéaire du Delaware – Le Monde (26 mai 2020) : « Aux États-Unis, réouverture prudente à Bethany Beach ».
146 Le Monde (9 mai 2020) : « Donald Trump déterminé à rouvrir au plus vite les Etats-Unis ».
147 Idem.
148 Idem.
149 Cf. Les Echos (18 mai 2020) : « Donald Trump pris au piège d’un déconfinement brouillon ».
150 Libération (10 juillet 2020) : « Aux Etats-Unis, nous sous-évaluons décès et contaminations ».
151 Idem.
153 Libération (10 juillet 2020) : « Aux Etats-Unis, nous sous-évaluons décès et contaminations ».
154 Le Monde (10 juillet 2020) : « Les Etats-Unis, débordés mais dans le déni ».
155 Idem.
156 Le Parisien (5 juillet 2020) : « Ça ne s’arrange pas aux Etats-Unis ».
157 Le Monde (10 juillet 2020) : « Les Etats-Unis, débordés mais dans le déni ».
158 Idem. Le gouverneur de l’Etat de New York, Andrew Cuomo, répliquera qu’avec une telle logique, « il suffirait d’arrêter les mammographies pour faire disparaître le cancer du sein ».
159 Idem.
160 Idem.
161 Libération (10 juillet 2020) : « Aux Etats-Unis, nous sous-évaluons décès et contaminations ».
162 Idem.
164 https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/30/les-etats-unis-sont-officiellement-entres-en-recession_6047732_3210.html
165 Idem.
166 https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-cri se-de-2020-est-elle-vraiment-comparable-a-celle-de-1929-1366700
168 https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-crise-de-2020-est-elle-vraiment-comparable-a-celle-de-1929-1366700
169 Mediapart (10 avril 2020) : Romaric Godin – « Une économie déjà en lambeaux »
170 Le Monde (11 mai 2020) : « Le chômage à son plus haut niveau depuis les années 1930 »
171 Les Echos (11 mai 2020) : « Le taux de chômage s’envole à 14,7%, un niveau historique aux Etats-Unis ».
172 Calculs approximatifs réalisés par Lutte de Classe (juin 2020) : « Les Etats-Unis, de la crise sanitaire à l’effondrement économique ».
173 Les Echos (18 mai 2020) : « Donald Trump pris au piège d’un déconfinement brouillon ».
174 Les Echos (15 mai 2020) : « Le chômage de masse s’installe dans le paysage économique américain ».
175 Idem.
176 Il a d’abord été annoncé 2,5 millions, puis après correction, 2,7 millions. Cf. Le Monde (4 juillet 2020) : « Les Etats-Unis créent 4,8 millions d’emplois en juin ».
177 Les Echos (5 juin 2020) : « Le reflux surprise du chômage offre un répit à Donald Trump ».
178 Le Monde (4 juillet 2020) : « Les Etats-Unis créent 4,8 millions d’emplois en juin ».
179 Idem.
180 Idem.
181 https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/23/aux-etats-unis-l-importante-augmentation-des-contaminations-fait-repartir-le-chomage-a-la-hausse_6047091_3210.html
182 Les Echos (15 mai 2020) : « Le pari envolé d’une crise courte met la Maison-Blanche à l’épreuve ».
183 Lutte de classe (juin 2020) : « Les Etats-Unis, de la crise sanitaire à l’effondrement économique ».
184 Le Monde : « Pour les Etats-Unis, le coût de la dette est nul ».
185 Les Echos (5 juin 2020) : « Le reflux surprise du chômage offre un répit à Donald Trump ».
186 Le Monde (4 juillet 2020) : « Les Etats-Unis créent 4,8 millions d’emplois en juin ».
187 Le Monde (11 mai 2020) : « Le chômage à son plus haut niveau depuis les années 1930 ».
188 Mediapart (10 avril 2020) : Romaric Godin – « Une économie déjà en lambeaux ».
189 Idem.
190 Idem.
191 Les Echos : « Le taux de chômage s’envole à 14,7%, un niveau historique aux Etats-Unis ».
192 Lutte de classe (juin 2020) : « Les Etats-Unis, de la crise sanitaire à l’effondrement économique ».
193 Idem.
194 Les Echos (15 mai 2020) : « Le chômage de masse s’installe dans le paysage économique américain ».
195 Le Monde (23 mai 2020) : « Aux Etats-Unis, toute la filière viande est affectée par la crise ». L’article en question, qui s’appuie en partie sur un papier du New York Times, évoque le cas d’une salariée décédée du Covid-19 pour cette raison.
196 Idem.
197 Idem.
198 Idem.
199 Lutte de classe (juin 2020) : « Les Etats-Unis, de la crise sanitaire à l’effondrement économique ».
200 Idem.
201 Idem.
202 Idem.
203 Le Monde (4 juillet 2020) : « Les Etats-Unis créent 4,8 millions d’emplois en juin ».
204 Lutte de classe (juin 2020) : « Les Etats-Unis, de la crise sanitaire à l’effondrement économique ».
205 Le Monde (4 juillet 2020) : « Les Etats-Unis créent 4,8 millions d’emplois en juin ».
206 https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/16/la-fed-reduit-ses-taux-a-zero-inonde-le-marche-de-liquidites-et-de-dollars_6033184_3234.html.
207 Détaillé ici : https://home.treasury.gov/policy-issues/cares.
208 Mediapart (10 avril 2020) : Romaric Godin – « Une économie déjà en lambeaux ».
209 Idem.
210 Idem.
211 Les Echos (11 mai 2020) : « Le taux de chômage s’envole à 14,7%, un niveau historique aux Etats-Unis ».
212 Mediapart (10 avril 2020) : Romaric Godin – « Une économie déjà en lambeaux ».
213 Forbes (14 avril 2020): “Why Are Rich Americans Getting $1.7 Million Stimulus Checks?”
214 Le Monde (11 mai 2020) : « Comment la FED sauve les ‘anges déchus’ de Wall Street ».
215 Lutte de classe (juin 2020) : « Les Etats-Unis, de la crise sanitaire à l’effondrement économique ».
216 Idem.
217 Idem.
218 Les Echos (14 mai 2020) : « Pour la Fed, la reprise de l’économie américaine sera lente ».
219 Les Echos (15 mai 2020) : « Le pari envolé d’une crise courte met la Maison-Blanche à l’épreuve ».
220 Les Echos (18 mai 2020) : « Un nouveau plan d’aide envisagé à Washington ».
221 Le Monde (4 juillet 2020) : « Les Etats-Unis créent 4,8 millions d’emplois en juin ».
222 Idem.
223 Idem.
224 Idem.
225 Idem.