🎬 L’université, entreprise des savoirs ?

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SOURCE : France culture

Avec Philippe Forest, professeur en littérature française à l’Université de Nantes, et Olivia Chambard, docteure en science sociales de l’EHESS, chercheuse affiliée au CNAM et enseignante à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Des étudiants utilisent des ordinateurs lors d'un cours à l'université
Des étudiants utilisent des ordinateurs lors d’un cours à l’université Crédits : Zero Creatives – Getty

Quel avenir pour l’université ? Une université connectée au Web et bien déconnectée de l’enseignement pour le professeur et écrivain Philippe Forest. Une université infusant l’esprit d’entreprise d’une société néolibérale pour Olivia Chambard. Diagnostic et tour d’horizon des enjeux éthiques et politiques de la transmission des savoirs dans nos facultés à l’heure du “distanciel”.

Tous deux constatent que la situation sanitaire légitime et renforce des dynamiques du tout numérique à l’Université : quels en sont les effets sur l’enseignement, la formation de l’esprit critique essentielle à l’université ? Réponse politique à l’enjeu de la démocratisation de l’université, le numérique introduit un rapport nouveau au savoir soumis aux lois d’internet, ce que souligne Philippe Forest dans son manifeste “L’Université en première ligne. A l’heure de la dictature numérique” (Coll. Tracts, Gallimard, sept. 2020)

Si le numérique est une solution à bas coût, elle ne peut occulter la crise que traverse l’enseignement supérieur en manque de moyens. La prochaine Loi de programmation de la recherche risque d’en renforcer les logiques.

Autre réponse à cette démocratisation, la formation à un “esprit d’entreprise” s’institutionnalise depuis une dizaine d’année dans l’université. Face chômage de masse, le modèle de l’étudiant entrepreneur permettrait de tirer vers le haut une classe d’âge en mal de débouchés professionnels. Olivia Chambard y a consacré une thèse de sociologie Business Model – L’université, nouveau laboratoire de l’idéologie entrepreneuriale” (La Découverte, 2020) démontrant les enjeux idéologiques derrière le rêve de start up nation : loin d’assurer une méritocratie du business, ces formations ancrent d’abord un habitus économique comme voie privilégiée de réalisation de soi.

L’entrepreneuriat peut avoir une place. Ce qui me pose question c’est l’idée de sensibiliser à un esprit d’entreprendre sensé développer un esprit d’initiative, la confiance en soi, mais pourquoi l’entrepreneuriat serait le seul moyen de faire ça. Un ingénieur, un artiste peuvent l’être aussi. Ce que je montre dans mon enquête c’est qu’il y a autre chose derrière, c’est la diffusion des valeurs de l’entreprise, du capitalisme, de façon normative avec des savoirs-être qui renvoient à la façon de se comporter dans l’entreprise, plutôt en contradiction avec la formation à l’esprit critique (…) c’est l’idée que la rentabilité économique est le plus important. C’est un resserrement des possibles. (Olivia Chambard)


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