Réveillon sur le piquet de grève pour les femmes de chambre d’Ibis Batignolles

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SOURCE : Révolution permanente

Après 17 mois de grève, les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles ont saisi les prud’hommes de Paris. Le bras de fer entre les grévistes et les directions d’ACCOR et de STN continue sur les bancs juridiques. Ce 24 décembre, les grévistes organisent un Réveillon des Solidarités devant le Novotel des Halles.

Après 17 mois de grève, les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles ont saisi les prud’hommes de Paris le 16 décembre dernier. Le bras de fer entre les grévistes et les directions d’ACCOR et de STN continue sur les bancs juridiques, pour un procès qualifié de « procès de la sous-traitance » par leur avocat Slim Ben Achour. Ce 24 décembre, les grévistes organisaient un Réveillon des Solidarités devant le Novotel des Halles.

L’enjeu majeur du procès pour les 20 grévistes sera leur internalisation au sein d’ACCOR – le 6ème groupe hôtelier mondial et détenteur du groupe IBIS. Actuellement, elles sont employées par l’entreprise STN, qui est connue pour abuser des licenciements et des mutations arbitraires de manière dissimulée, notamment grâce à la corruption des syndicats. Selon Ouest-France, « Chacune des demandeuses réclame en outre plus de 200 000 € pour différents motifs, dont la somme de 100 000 € pour “préjudice moral lié à la discrimination”  ». Et pour cause : les travailleuses et travailleurs de ce secteur sont surexploité.es, travaillant dans des conditions le plus souvent déplorables au profit du capital. La liste est longue : cadences insoutenables, travail dissimulé (effectuer un temps complet en étant payé en temps partiel) voire gratuit et déresponsabilisation des directions quant aux revendications des employé.es. Ces situations concernent en grande majorité des femmes issues de l’immigration.

L’orchestration de cette surexploitation se fait notamment sur l’appui de l’instauration d’une division des travailleurs et travailleuses entre eux, comme le pointe Tiziri Kandi, salariée de la CGT–HPE (Hôtel de Prestige et Économique). Lors d’une interview avec le magazine Contretemps, elle revient sur les caractéristiques des emplois en sous-traitance : « on prive les salarié-e-s de la sous-traitance des acquis des salarié-e-s de l’hôtel, iels […] ne peuvent bénéficier des accords d’entreprises qui contiennent certains avantages (13ème mois, prime d’intéressement, etc.) au prétexte qu’iels ne sont pas directement salarié-e-s des hôtels donneurs d’ordres. […] Un autre enjeu pour les hôtels qui sous-traitent est celui de la destruction et de l’éclatement de la communauté de travail. En sous-traitant, on crée une multitude de statuts, et on divise donc les salarié-e-s qui travaillent pourtant dans un même endroit. Il peut parfois y avoir dans un même établissement 3 ou 4 sociétés de sous-traitance qui interviennent, et cette division est souvent intégrée par les salarié-e-s elles/eux-mêmes ! Cette division bloque malheureusement la possibilité de mobilisations communes ». Les employé.es de la sous-traitance n’ont pas accès aux mêmes lieux (cafétérias, etc.) que les employé.es d’IBIS. Selon leur avocat, Slim Ben Achour, iels n’ont même pas le droit à une bouteille d’eau.

Cette mobilisation est donc historique tant par sa durée que par les problématiques qu’elle soulève. Les société de sous-traitance du secteur tertiaire emploient majoritairement des femmes issues de l’immigration et en situation de précarité. La direction profite donc de cette situation pour faire du profit à bas coût. Lors de la conférence de presse du procès, le 16 décembre dernier, Claude Lévy, responsable de la CGT-HPE, le rappelait : à l’Ibis Batignolles « toutes les femmes de chambre sont d’origine africaine ». Et Rachel Keke, porte parole des grévistes, expliquait clairement : « ils profitent qu’on n’ait pas la peau blanche pour faire ce qu’ils veulent de nous. » Tandis que Sylvie Kimissa, elle aussi porte-parole des grévistes, ajoutait : « On ne peut pas leur laisser se dire que comme on est des africains on pourrait vivre avec 500 euros par mois ».

Malgré l’importante précarité de ce secteur, des luttes s’organisent depuis une trentaine d’années et deviennent de plus en plus importantes et organisées. En 2002-2003 les femmes de chambre d’Arcade se sont mises en grève, suivies dix ans après par 16 grévistes de la société de propreté DECA France, auparavant sous-traitant.es des hôtels Première Classe et Campanile du Pont de Suresnes (appartenant au Louvre Hotels Group, deuxième groupe hôtelier européen). La mobilisation avait à l’époque conduit à l’internalisation de chacune d’elle.


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