L’Union Populaire a proposé de rencontrer le NPA pour discuter d’un accord national sur les candidatures aux élections législatives. L’ARC s’est positionnée au dernier CPN en faveur d’une telle rencontre, il était normal de répondre à une invitation et de fixer un mandat pour cette rencontre. Des négociations sont désormais entamées pour un éventuel accord. Nous souhaitons qu’un accord puisse être trouvé mais pas à n’importe quelles conditions. Ce texte a vocation à expliquer notre démarche et nos perspectives. Notre position finale sur l’accord sera déterminée à l’issue des négociations lorsque les termes de cet accord seront connus.
Des présidentielles aux législatives
La question électorale a toujours suscité des discussions au sein des révolutionnaires. Les orientations à mettre en œuvre (alliance ou non, avec qui…) lors de celles-ci ont provoqué bien des divisions au sein de notre parti notamment avec le départ de la GA (Gauche Anticapitaliste, ex tendance du NPA qui à rejoins le Front de gauche) en 2012. S’il est vrai que les diverses orientations portées peuvent, comme dans l’exemple précédent, recouper des conceptions de fond sur la nature du parti, la stratégie révolutionnaire, il faut aussi rappeler que ce sont avant tout des débats tactiques, sur des échéances limitées dans le temps et dont le bilan doit se poser en termes de progrès réalisés pour la conscience et l’organisation de la classe, et de renforcement (ou non) du parti sur le plan quantitatif et qualitatif…
Les élections présidentielles nécessitent de se ranger en ordre derrière un·e candidat·e et de défendre un programme précis. Elles invisibilisent ainsi les campagnes de soutien critique et rendent très compliquées voir impossible un accord derrière un candidat réformiste. C’est pourquoi nous souhaitions défendre largement des perspectives révolutionnaires et un programme anticapitaliste en profitant du temps de parole médiatique que permet une présidentielle. Si elle est clairement délimitée et qu’elle se dote d’un programme solide, une telle candidature permet de construire notre parti tout en préparant aux luttes à venir et à la perspective de la prise du pouvoir par les travailleur-ses.
En revanche, un accord aux législatives dans les 577 circonscriptions pourrait permettre une répartition à la proportionnelle de diverses sensibilités. Le NPA et l’Union Populaire pourraient ainsi faire une campagne commune sur un socle programmatique minimum au niveau national en unissant leurs forces et sans se faire concurrence et le NPA pourrait dans le même temps continuer de défendre son programme spécifique localement et nationalement.
Vers un “pôle populaire” qui dépasse l’Union Populaire ?
La dynamique de l’Union Populaire peut surtout être utile pour développer une campagne audible dans les quartiers et les classes populaires. Cela permettrait également de tisser des liens avec les militantes et militants qui ont soutenu la campagne de l’Union Populaire et de renouer ainsi avec les nombreux sympathisant·e·s du NPA qui ont “voté utile”. A noter que la pression est forte et il s’agit pour une part de militants et militantes qui sont pour certain·e·s très actif·ve·s socialement et/ou syndicalement. On pense à Rachel Keke d’Ibis qui est investie dans l’Essonne ou encore Farida Chikh (infirmière ayant subi des violences policières lors d’une manif à Paris). Il y a aussi plusieurs collectifs de quartiers qui vont faire la campagne dont notamment ‘On s’en mêle’ dirigé par Omar Slaouti et qui regroupe énormément de militant·e·s de quartiers (MIB, Marche des solidarités etc …). Se rattacher à ces groupes et à cette dynamique est une occasion de faire une campagne législative en intervenant directement auprès de militants qui expriment des aspirations de notre classe.
Rentrer dans une telle campagne permettrait donc de répondre aux aspirations à l’unité qui s’étaient largement exprimées pendant la présidentielle, et de dialoguer avec les différents collectifs de quartier qui mèneront également cette campagne, sans se dissoudre politiquement derrière les réformistes.
C’est aussi la possibilité de faire élire des travailleurs-ses révolutionnaires à l’assemblée, qui seraient des points d’appuis essentiels pour diffuser les idées révolutionnaires à une échelle large, faire la démonstration du véritable caractère du parlementarisme bourgeois, et donner de la visibilité aux luttes de notre classe, là où les député·e·s réformistes cherchent souvent à les canaliser dans la voie institutionnelle.
Face à Macron et Le Pen, un “pôle populaire” aux législatives comme cadre de front unique rassemblant le NPA, la FI, le PCF mais aussi de nombreuses associations de quartier, des collectifs antiracistes, peut-être des collectifs féministes et des syndicalistes pourrait ainsi être porteur d’espoir pour notre classe. Un pôle utile pour reconstruire des organisations fragilisées dans un contexte de recul du mouvement ouvrier pourtant concomitant à un renouveau des luttes ces dernières années. Un pôle qui pourrait diffuser l’espoir qu’une victoire est possible. Mais un pôle qui risquerait de diffuser des illusions électoralistes. Nous ne sommes pas aveugles aux risques que peut représenter un tel pôle.
Dès lors, notre tâche au sein de ce dernier doit donc être de poser la question du pouvoir sans pour autant semer l’illusion qu’un programme défendu par ce “pôle populaire” puisse être mis en œuvre sans mobilisations et sans le développement d’un rapport de force des classes populaires face aux capitalistes. Nous ne pouvons pas, par peur de semer des illusions, refuser de discuter plus largement nos idées qu’auprès des compagnons de route de longue date du NPA.
« Stratégie de l’Union Populaire » et révolution
La « stratégie de l’Union Populaire » est de faire bloc derrière son programme pour faire élire une majorité à l’assemblée qui nommerait Mélenchon Premier ministre. Ce qui nous intéresse dans cette « stratégie » ce n’est pas les illusions électoralistes qu’elle véhicule. Un gouvernement de l’Union Populaire serait évidemment plus favorable aux classes populaires que le projet de Macron ou Le Pen. Nous savons pertinemment que les réformistes ne seront pas en mesure de mener leur politique car cela impliquerait une période de confrontation avec le capital. Mais le point le plus intéressant pour nous, serait la mise en confrontation entre les promesses des réformistes et leur mise en place réelle.
Nous n’avons pas d’illusions sur la stratégie électoraliste qui consiste à entretenir l’idée qu’avec un Mélenchon Premier ministre, nos problèmes seraient réglés, car il n’est pas possible de se passer de mobilisations. Mélenchon promettait sur France 2 pendant la campagne de nous faire économiser des km de manifs ! Par ailleurs, le cadre de la 5e République rend peu probable une cohabitation aux élections législatives qui suivent immédiatement la présidentielle. Mais même avec une majorité de l’Union Populaire à l’assemblée nationale, leur programme réformiste se heurtera à la résistance des institutions, des capitalistes et de l’UE. Ils seront devant un choix : affronter le système sans respecter les règles (ce qui nécessitera un rapport de force et des mobilisations) ou alors respecter les règles du système, se soumettre aux exigences du capital et abandonner une grande partie de leur programme. En effet, le programme de l’Union Populaire est fondé sur une politique de relance keynésienne qui, par son incapacité à restaurer la profitabilité du capital, se heurtera à une panne de l’investissement capitaliste. La seule perspective crédible est pour nous la socialisation de l’économie et de l’ensemble du système bancaire par un gouvernement des travailleur-euses.
C’est pourquoi, si nous obtenions des députés à l’assemblée nationale, nous serions solidaires sur les éléments du programme minimal de la campagne mais nous garderions notre liberté de parole publique, donc de critiques. Dans la perspective d’une victoire, nous serions dans la majorité issue d’une campagne commune mais uniquement tant qu’aucun recul face au capital ne nous semblerait changer la nature de cette majorité. En revanche, nous ne participerons pas à un gouvernement issue d’une telle majorité, car il ne serait pas prêt à rompre immédiatement avec le respect de la constitution, le respect de la propriété privée, les règles de l’Union Européenne, ce n’est évidemment à l’heure actuelle pas la logique qui sous tend le programme de l’Union Populaire.
Mais précisément parce que nous n’avons aucune illusion réformiste, nous pensons qu’il est important de le faire comprendre à notre classe. Or, utiliser la tribune que constituera ce pôle, tout en ayant la légitimité de le critiquer car nous en ferons partie, nous semble être une tactique intéressante pour être audible. Cela implique que nous défendions publiquement notre stratégie révolutionnaire et que nous assumions nos divergences avec la FI. L’un des buts des fronts uniques consiste à montrer largement les limites de la stratégie réformiste et c’est ce que nous souhaitons également faire avec cette démarche.
Des lignes rouges à ne pas franchir
Si nous espérons qu’un tel accord puisse se conclure, il ne doit donc pas se faire à n’importe quel prix. Des lignes rouges ne doivent pas être franchies :
- En aucun cas le PS (ou un de ses équivalents) ne doit être associé à un tel accord.
- Cet accord reste électoral et n’implique pas que notre parti participe à la reconstruction d’une quelconque gauche plurielle.
- Le NPA doit garder sa totale indépendance politique et organisationnelle pendant et après la campagne.
- Nos éventuel·le·s député·e·s seraient aussi libres à l’assemblée et ne voteraient pas systématiquement avec les député.e.s de la France Insoumise.
- La campagne électorale devra partir d’un socle minimal de mesures défendues en commun, qu’il reste à négocier, mais nous défendrons aussi de façon autonome et indépendante notre programme lorsque nous en aurons l’occasion.
- Le NPA continuera ainsi de défendre son programme et ses spécificités, en particulier dans les circonscriptions qui nous seraient attribuées.
- Dans les circonscriptions attribuées à d’autres forces politiques, le libre choix devra être laissé aux camarades locaux de faire ou non la campagne.
- La répartition doit se faire à la proportionnelle des forces respectives des sensibilités faisant partie de l’accord.
Bien sûr, cet accord électoral ne doit en rien nous empêcher de préparer d’ores et déjà un “troisième tour social”. Les luttes n’attendront pas les législatives !
Quelle politique pour le NPA ?
Face à cette proposition de l’Union Populaire, le NPA est divisé. Nous souhaitons nous adresser aux camarades qui ont l’impression qu’accepter de discuter avec l’Union Populaire en vue d’un éventuel accord aux législatives serait une trahison de notre stratégie révolutionnaire et de notre autonomie en tant que parti de la classe ouvrière. Cela fait plusieurs années qu’avec l’ARC, nous défendons une conception du front unique qui souhaite éviter deux écueils.
Le premier consiste à accepter tous les fronts uniques comme médiation du parti révolutionnaire, de les considérer comme un moyen de reconstruire le mouvement ouvrier, et par là qui implique de nous y dissoudre. Le deuxième consiste à refuser par principe les fronts uniques avec les réformistes et à créer en réalité des fronts uniques de l’avant-garde, délimités politiquement, et qui sont en fait moins des fronts uniques que des cadres du NPA et de sa périphérie. Entre ces deux conceptions, nous avons toujours défendu que ce qui compte ce n’est pas avec qui nous faisons des fronts uniques, mais comment nous les faisons et ce que nous y défendons.
Le front unique a toujours deux buts : unir la classe et démasquer les limites du réformisme à une large échelle. Si nous marchons sur ces deux jambes, en conservant notre autonomie politique, en défendant à drapeaux déployés notre orientation, notre stratégie et notre programme révolutionnaire, alors nous pouvons virtuellement faire toute sorte de front unique (bien sûr, au sein de notre classe). Il nous semble que les lignes rouges que nous avons définies donnent de telles garanties.
Bien sûr, cela dépendra essentiellement de la politique mise en œuvre par le NPA et sa direction. À l’ARC, nous avons choisi de prendre nos responsabilités et de participer à la dynamique précisément pour défendre notre conception du front unique. Cela peut être un pari audacieux, mais nous estimons qu’il y a deux façons par lesquelles notre parti se meurt : en refusant d’assumer jusqu’au bout son espace politique, qui est révolutionnaire, mais symétriquement, aussi en se murant dans un repli sectaire de principe qui certes conserve l’héritage, mais empêche tout renouvellement. La politique implique d’avoir de l’audace ! Alors, peut être que cet accord échouera ou ne nous conviendra pas, mais au moins nous n’aurons pas été aveugles à la dynamique réelle que représente aujourd’hui l’Union Populaire, qui est bien plus large que la FI, et nous aurons essayé d’y intervenir. Bref, nous aurons fait de la politique.