Après les législatives, quelles tâches pour le NPA ?

Contribution de l’ARC au CPN du 2 et 3 juillet 2022

1. Pas de majorité pour Macron…

Avec 46,23% de participation au 2e tour, l’abstention est la première gagnante, questionnant la légitimité des députéEs éluEs. C’est un nouveau symbole de la déconnexion entre le monde politique et la population.

Le second enseignement est l’absence de majorité absolue, fait inédit dans la Ve République. Des poids lourds ont été sèchement battus (Blanquer, Castaner, Ferrand), ainsi que des ministres (Benin, Bourguignon, de Montchalin). L’appel de Macron à l’unité nationale est significatif de sa position instable. Il est contraint d’aller chercher des accords à droite, LR se retrouve dans une position de faiseurs de rois, monnayant leur soutien à certaines lois. Il faudra donc s’attendre à ce que celles-ci soient plus répressives, plus régressives encore.

2. La Nupes, une dynamique en demi-teinte

Avec 131 sièges, la NUPES fait plus que doubler son nombre des éluEs sans parvenir à leur objectif d’être majoritaires. Le poids du bloc de gauche est similaire à celui de 2017 mais cette année les suffrages se sont portés sur des candidatures uniques. Cette campagne a donc suscité une agitation dans les milieux militants mais sans s’étendre au-delà. LFI paye ainsi sa politique de refuser de construire un parti à la base, implanté localement et nationalement.

Si le rapport de force au sein de la “gauche de gouvernement” est en faveur de LFI – marginalisant le courant hollando-vallsiste de Delga – le programme réformiste de l’UP a été aseptisé pour obtenir le soutien du PS, qui sauve son groupe alors qu’on aurait pu espérer sa disparition. Cela s’explique par le fait que LFI a besoin du PS dans sa stratégie de conquête du pouvoir par les institutions. Mais ce faisant, LFI risque de se couper de son électorat, déconstruisant la démarcation qu’ils avaient tracée entre une gauche réformiste radicale et populaire et une gauche libérale bourgeoise.

La NUPES fait rentrer à l’Assemblée des représentantEs des luttes comme Rachel Keke, femme de chambre qui a fait plier Ibis et battu l’ancienne ministre Maracineanu. Mais c’est une des rares personnes racisées élues à cause des parachutages de dirigeantEs souvent blancHEs dans les circonscriptions les plus populaires. Ainsi, On s’en mêle qui avait pourtant mobilisé les quartiers en faveur de Mélenchon a été écarté.

3. Le RN en force à l’Assemblée Nationale, les digues sautent

L’évènement marquant, c’est la percée du RN qui passe de 8 à 89 députés et remporte des départements entiers (Aude, Haute-Marne, Pyrénées-Orientales, Haute-Saône) ou quasi (Aisne, Eure, Gard, Var, Vaucluse, etc.), impactant les possibilités de militer et de lutter sur place.

Ce n’est pas une surprise. Ensemble a plus attaqué Mélenchon et la NUPES que le RN, et les reports de voix d’Ensemble/LR sur la NUPES face au RN étaient faibles. C’est l’hypocrisie du “front républicain”. Dans le Lot-et-Garonne, si dans une circonscription la NUPES se retirait pour éviter une triangulaire favorable à l’extrême-droite, dans l’autre le candidat macroniste se maintenait, offrant la victoire au RN.

Depuis, Ensemble a tendu la main au RN, lui proposant “d’avancer ensemble” sur des lois. C’est le sens des débats autour de la présidence de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale où l’on a vu Fesneau, Woerth ou Larcher demander à ce que celle-ci revienne au RN. Une autre digue saute. Une partie de la bourgeoisie est prête à soutenir l’extrême-droite. Tout est prêt pour une arrivée au pouvoir du RN en 2027, voire avant.

En attendant, le RN se renforce. Il va encaisser 54 millions d’€. Avec 400 à 500 assistants, il va former des cadres capables de construire un appareil, des fédérations et peut devenir un parti de masse. Bénéficiant d’un groupe, il pourra chaque mois proposer des lois qui, même rejetées, permettront d’occuper l’espace médiatique. Son poids influencera LR et Ensemble, engendrant paniques morales et discours racistes et réactionnaires…

Le danger est là. Et, l’exemple américain nous montre qu’il n’y a pas de retour en arrière possible après l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite. La Cour Suprême est bloquée pour de nombreuses années, menaçant les droits des femmes (renversement de Roe vs Wade) et des minorités. Le gerrymandering et des restrictions limitent le vote des noirs et des classes populaires. Le GOP est sur la ligne suprémaciste blanche et réactionnaire de Trump. Et après la tentative de coup d’Etat du 6 janvier, même la transition pacifique du pouvoir n’est plus garantie.

4. Reconstruire les cadres antifascistes

La stratégie du RN vise un objectif d’implantation graduelle et de normalisation mais encourage la montée de groupes qui eux peuvent se permettre d’intervenir physiquement. La construction de cadres antifascistes doit devenir notre priorité dans les mois qui viennent :

Nous devrions organiser dès la rentrée une série de formations et de réunions publiques sur le danger de l’extrême-droite, si possible dans un cadre unitaire, et notamment dans les quartiers. Nous pourrions sortir une brochure sur l’origine du fascisme et sa possibilité actuelle en Europe et dans le monde. Elle servirait de support pour lancer ces discussions à la rentrée. La menace des fachos peut devenir une réalité récurrente dans les luttes. C’est l’un des premiers champs d’interventions de ces groupes et nous devrions renforcer la collaboration avec d’autres forces : SO communs, discussions à l’avance de plans d’action avec les organisations présentes pour chaque mobilisation.

L’urgence est aussi de reconstruire les liens entre les mouvements féministes, LGBTI, antiracistes, antivalidistes et le mouvement ouvrier. Dans nos orgas, nous devons pousser à la prise en compte de ces oppressions et permettre aux personnes les subissant de trouver leur place. Favoriser leur prise en compte, c’est par exemple le vote unanime d’UNISON, plus important syndicat britannique, en faveur des droits des personnes trans et contre la transphobie qui sature le Royaume-Uni depuis 10 ans. C’est l’illustration d’une solidarité de classe qui n’efface pas les revendications derrière un discours vague sur “l’unité de la classe face aux divisions”.

5. L’urgence du front unique

Le programme de casse sociale de Macron est clair et va être aggravé par son accord avec LR. Dans le même temps, l’inflation étrangle la population. Enfin, nombre d’entreprises ne survivent qu’avec les aides publiques et s’écrouleront dès que le robinet sera coupé, entraînant suppressions d’emplois et fermetures d’usines. L’enjeu environnemental est toujours aussi prégnant (évènements climatiques extrêmes, grands projets inutiles…).

Pour résister et gagner, nous devons construire le Front Unique. Pas un regroupement à la base de l’avant-garde large, mais l’unité de la base au sommet des organisations du mouvement ouvrier autour de revendications immédiates et unifiantes. Il ne s’agit pas de construire une coordination permanente sur un autre programme que le nôtre, il ne s’agit pas de s’y dissoudre. Le front unique n’est d’ailleurs pas seulement un outil pour mobiliser notre classe, mais il sert aussi à disputer l’hégémonie aux réformistes, en portant un discours révolutionnaire contre les illusions keynésiennes et institutionnelles.

6. Pas de front unique sans un parti révolutionnaire

Mais si nous voulons un parti capable de prendre des initiatives et de construire le front unique, capable aussi d’audaces tactiques, il nous faut un parti révolutionnaire, délimité stratégiquement et implanté. Une organisation perméable aux analyses antilibérales comme la GA, ne pouvait que se faire aspirer par le FdG. De la même manière, les groupes “plus rigoureux” sur la doctrine qui ont soutenu Mélenchon ont été inaudibles faute d’implantation. Pour construire des cadres unitaires sans nous faire aspirer, nous devons donc rejeter la stratégie du parti large. De la même façon, les formules floues comme “la reconstruction du mouvement ouvrier” ou de la “gauche de combat” ne permettent pas de clarifier les débats puisque chaque camarade en donne une définition différente.

S’il s’agit de construire une “nouvelle force politique”, nous sommes obligés de constater qu’à une échelle de masse, la “gauche de combat” est déjà aujourd’hui incarnée par la FI/UP qui serait seule légitime à structurer un parti large autour d’elle. Le débat se poserait alors d’une entrée du NPA en son sein pour y défendre ses idées révolutionnaires et profiter de la dynamique. Mais de toute manière, cette hypothèse tactique n’est pas d’actualité, la FI/UP ne se structurant pas en parti et n’ayant pas de démocratie interne, cette orientation tactique n’est donc pas la nôtre. La U, elle, se contente d’une formule floue sans préciser explicitement ce que serait cette “gauche de combat”. S’il s’agit de proclamer que le NPA est prêt à se dépasser ; alors que nous n’avons pas d’interlocuteurs et que tout porte à croire que cette “nouvelle force politique” ne serait que le NPA et quelques sympathisantEs ; cette formulation n’apporte rien et obscurcit même les enjeux du congrès à venir.

Cette politique est ainsi totalement erronée. L’espace pour la construction d’un “parti large” n’existe plus, quoi qu’on en pense par ailleurs. La seule option est donc la construction d’un parti révolutionnaire délimité, non sectaire, capable de dialoguer avec les réformistes en faisant le front unique pour les luttes et de s’unir parfois lors des élections (comme pour Bordeaux en Luttes ou une candidature comme Rachel Keke).

7. Quel congrès pour quel parti ?

Pour construire un parti utile à notre classe, l’urgence est de reprendre le travail d’implantation. Il doit se faire dans la jeunesse avec l’amélioration des liens entre le secteur jeunes et le reste du parti. Il doit se faire dans le monde du travail en reconstruisant aussi bien la CILT au niveau national qu’au niveau régional ou départemental, ainsi que les commissions de secteurs pour qu’elles irriguent l’ensemble du parti. Le militantisme à destination des lieux de travail doit aussi se faire en aidant les camarades à se faire embaucher, à militer syndicalement, en aidant les comités à intervenir, en organisant des Rencontres Nationales Public-Privé. L’implantation doit se faire dans les quartiers populaires en reconstruisant la commission Quartiers et en investissant les questions qui y sont liées comme le logement, les violences policières, le chômage et la précarité, etc. Mais s’implanter, c’est également prendre notre part dans la construction ou la reconstruction des collectifs militants écologistes, féministes, antiracistes, lgbti…

Un parti révolutionnaire, c’est aussi un parti inclusif et démocratique, qui donne sa place aux militantEs et leur permet de se former, de décider en ayant connaissance de tous les enjeux. Pour cela, il faudra peut-être reprendre la question des statuts, les affiner, les adapter à la réalité du part, en garantissant aux camarades la possibilité d’être en désaccord et de l’exprimer tout en échappant à l’écueil d’une multiplicité d’interventions de chacun des courants (officiels ou officieux) l’une à côté de l’autre. Un parti révolutionnaire et démocratique, c’est un parti qui contrôle sa direction et ses porte-paroles. Un parti révolutionnaire et démocratique, c’est un parti qui ne considère pas la question des méthodes secondaires et qui refuse aussi bien les coups de pression virilistes que les manœuvres.

Un parti révolutionnaire et démocratique, c’est également un parti qui respecte ses statuts et ses votes majoritaires: la rotation des mandats au CPN et au CE votée en 2013, la Rencontre Nationale des Comités chaque année, dont le principe aussi avait été adopté en 2013. Un parti révolutionnaire, démocratique, inclusif remet ainsi les comités au centre du jeu, car ce sont eux qui ont porté la campagne #Poutou2022, qui l’ont rendue possible et qui au quotidien appliquent la ligne nationale sur le terrain. Enfin, un parti révolutionnaire et démocratique, c’est un parti qui applique le centralisme démocratique, sans lequel nous ne faisons plus parti, et nous ne pouvons ni mener des tests communs, ni, une fois ceux-ci effectués, en tirer collectivement les bilans. Mais bien sûr, pour que le centralisme démocratique soit applicable, il faut d’abord que nous soyons dans un parti révolutionnaire et démocratique…

Nous voulons que le congrès qui vient puisse servir à reprendre l’élaboration programmatique, celle d’un programme de transition adaptée aux réalités de la période, sans être un catalogue définitif, capable d’intégrer les apports des nouvelles élaborations féministes, décoloniales, écologistes… Nous voulons que ce congrès permette de discuter de notre hypothèse stratégique pour en finir avec le capitalisme, partant des différentes expériences historiques. Ainsi nous pourrions sincèrement vérifier les accords et les désaccords sur le fond, au-delà des tactiques électorales ou d’intervention, pour sortir par le haut des difficultés du NPA.

Pour que ce soit possible, pour que notre congrès soit utile, il faudra un processus suffisamment long pour que l’ensemble des militantEs et des comités s’en emparent, élaborent, proposent, réagissent. C’est la seule façon pour qu’il y ait des recompositions, pour qu’il se produise une “tectonique des plaques”. Autrement, les logiques de blocs s’imposeront de nouveau, et ce seront les dirigeantEs de courants (officiels ou non, majoritaires ou d’opposition) qui mèneront la danse et redescendront verticalement leurs orientations pour une simple approbation par les comités en guise d’onction populaire.

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