Contribution au débat de la Plateforme A pour le CPN du NPA A B du weekend du 21 janvier 2023
Le 31 janvier, prochaine date de mobilisation interprofessionnelle lancée par les directions syndicales, fait couler beaucoup d’encre. Cette date semble trop tardive pour de nombreux.ses militant.e.s car elle ne permettrait pas de battre le fer tant qu’il est chaud. A cet égard, nous souscrivons pleinement à la critique formulée sur les réseaux sociaux par Philippe Poutou, notre porte-parole[1]. La mobilisation du 19 janvier a en effet été extrêmement puissante et le nombre de manifestant.e.s n’a jamais été aussi important depuis dix ans[2].
Mais la date du 31 janvier n’est pas un scandale en soit uniquement car elle est reculée dans le temps. Le problème majeur de cette journée est qu’elle s’inscrit dans la tradition mortifère des journées de mobilisation isolées et sans perspectives. Cette date ne s’inscrit pas dans une stratégie globale et planifiée à l’avance, un plan de bataille qui aurait pour objectif de prévenir le gouvernement que s’ils ne cèdent pas, le mouvement s’amplifiera pour partir en grève reconductible interprofessionnelle. Un plan de bataille qui permettrait de croire en la victoire en esquissant un scénario crédible de montée en puissance du mouvement.
Par exemple, la date du 31 serait un formidable point d’appui dans la construction du rapport de force, si elle était une étape planifiée parmi d’autres. Elle pourrait par exemple être construite sur deux jours de grève, pour commencer à préparer la reconductible (le 31 et le 1er), et être suivie trois jours après d’un appel à la grève reconductible dans des secteurs stratégiques comme les raffineries, les transports ou l’éducation, et une semaine après d’une nouvelle journée nationale d’ampleur qui serait un point de départ pour une grève interprofessionelle reconductible. Ce plan serait reculé dans le temps mais permettrait de préparer efficacement la grève et de faire monter la pression. Rappelons que la force initiale du mouvement des gilets jaunes est d’avoir préparé le 17 novembre 2018 très longtemps à l’avance et l’ampleur de la première journée de grève de la ratp le 5 décembre 2019 a été permis en étant aussi préparé longtemps à l’avance et en annonçant que ce ne serait pas une simple journée d’action isolée mais le début d’une grève reconductible.
Il n’y a malheureusement pas de plan de bataille miracle, chacun a ses avantages et ses inconvénients. Et bien sûr une grève générale ne se décrète pas. Mais le pire est de ne pas avoir de plan du tout, et d’appeler à des journées de mobilisation dispersées, sans perspective : cela ne peut qu’amener à la démobilisation ! Les raffineurs ont par exemple proposé un plan de bataille[3] (soutenu par RP[4]) : un jour de grève, puis deux jours d’affilée, puis trois jusqu’à la reconductible. Il est difficile de dire si cela est la meilleure tactique, mais au moins il s’agit d’un plan de bataille avec un objectif clair et annoncé à l’avance. Sud éducation a de son côté appelé à la grève reconductible à partir du 31 dans l’éducation[5]. En attendant de voir d’autres propositions apparaître dans des secteurs importants et stratégiques du mouvement ouvrier, il faut s’appuyer sur ces propositions tout en restant attentif à tout ce qui pourrait émerger. Les différents partis politiques et surtout les militant·e·s syndicaux/les doivent interpeller leurs directions syndicales pour leur proposer de faire émerger un tel plan au niveau national. Il faut par exemple s’opposer de toute force aux déclarations de la secrétaire générale du Snes-FSU qui déclare que “la grève reconductible ne se décrète pas” mais que son syndicat ne “l’interdit pas”[6]. S’il est vrai qu’une grève ne se décrète pas mais se construit, les appels des syndicats influencent évidemment sa construction et sa réussite comme on vient de le voir avec l’appel à la journée du 19 janvier. Les syndicats doivent construire, encourager et appeler explicitement à une date de grève reconductible et non pas juste ne pas l’interdire. L’important étant moins le détail tactique du calendrier que le fait d’avoir des perspectives prévues à l’avance, quitte à ce qu’elles changent en fonction de l’évolution de la situation. Un calendrier qui monte en puissance et aboutisse, sur une grève interprofessionnelle et reconductible, une grève générale ! Si ce n’est pas maintenant, quand ?
Il y a aussi plein de secteurs où des grèves d’une heure suffisent à paralyser l’industrie où l’économie. On pourrait très bien imaginer un scénario qui appelle à bloquer l’économie du pays partout où l’on veut comme on peut pendant une ou deux semaines, avec des rendez-vous inter pro sur certaines journées entières. Mais force est de constater que ces débats stratégiques n’ont pas lieu dans les confédérations, qui n’ont que l’intersyndicale à la bouche, et ne cherchent pas à sortir de la logique des journées d’action. Leur irresponsabilité est consternante.
Pour finir, réaffirmons trois axes fondamentaux classiques mis en avant par les militants révolutionnaires dans ce type de mouvement qui pourraient permettre de gagner contre ce gouvernement: massification, auto-organisation, plan de bataille.
C’est la massification du mouvement qui permettra in fine le rapport de force qui fera céder le gouvernement. Ces trois axes qui permettent d’entrevoir la victoire se renforcent mutuellement:
-Un plan de bataille permet de rendre crédible la victoire et contribue à renforcer le mouvement. Il est plus facile de se mettre en grève si on pense que l’on peut gagner et si il ne s’agit pas uniquement d’une protestation de principe qui nous fait juste perdre une journée de salaire.
-L’auto-organisation, à l’échelle locale et via des comités de grève et de mobilisation, permet d’élargir le mouvement aux collègues non syndiqué.e.s. Il s’agit d’un aspect démocratique fondamental pour que le mouvement soit dirigé par les grévistes eux-mêmes. Mais il s’agit aussi d’un outil très efficace pour convaincre et massifier. Un tour de services est d’autant plus efficace qu’il est réalisé par un.e collègue non syndiqué.e issu.e d’un comité de grève local et non par le délégué syndical local habitué à faire des grèves minoritaires et identifié comme tel.
-Cette auto-organisation permet aussi de faire émerger des propositions de plans de batailles (comme celle des raffineurs) par des secteurs stratégiques et légitimes et de pallier ainsi au manque de proposition à l’échelle nationale par l’intersyndicale. Cela peut être un point d’appui pour déborder des journées d’actions bien encadrées et sans surprises des directions syndicales.
-Dans un second temps, l’auto-organisation à échelle nationale, via des coordinations issues des comités de grèves locaux, permettrait elle de coordonner et diriger le mouvement démocratiquement en proposant une stratégie commune pour gagner.
[1] https://www.facebook.com/philippe.poutou/posts/pfbid0mb5BSRxNd4Zuzh8XxSvkWw2dM4mQYggd9MLkv8CVsJ3Dug86kX74Y7CTBY1NRj1sl
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_rassemblements_les_plus_importants_en_France
[3] https://fnic-cgt.fr/publication/communique-de-presse-sengager-dans-la-lutte
[4] https://www.revolutionpermanente.fr/Greve-reconductible-les-raffineurs-proposent-un-plan-de-bataille-l-intersyndicale-doit-suivre
[5] https://www.sudeducation.org/communiques/motion-dactualite-du-cf-de-janvier-2023/
[6] https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/retraites-la-greve-reconductible-ne-se-decrete-pas-elle-s-organise-avec-les-collegues-affirme-le-snes-fsu-qui-ne-se-l-interdit-pas_5614304.html