La scission et le marasme ? Une Conférence Nationale qui présage mal de la campagne présidentielle et de l’avenir du NPA

Une Conférence Nationale (CN) peu démocratique

Le NPA traverse une crise aiguë avec depuis un an l’annonce par la direction du parti de sa volonté d’une scission avec une ou plusieurs tendances minoritaires, et avec plus récemment le départ du CCR qui, qu’on le veuille ou non, affaiblit de fait l’organisation. Depuis, la perspective d’un congrès qui puisse être l’occasion d’une clarification a constamment été repoussée. Dans ce contexte, on aurait pu espérer une Conférence Nationale qui soit aussi un moment de reconstruction et de réorientation du NPA, passant par des débats les plus larges possibles de toutes les composantes du parti. Cela semblait d’autant plus nécessaire que ces derniers mois ont vu se multiplier les déclarations de comités s’opposant à la politique de la direction du parti, et qu’une plateforme locale s’est constituée pour cette CN. Malheureusement, il n’en a rien été. Les représentantEs mandatéEs par leurs comités locaux ont à peine pu prendre la parole dans un contexte de polarisation exacerbée autour des tendances constituées – et nous comptons ici aussi bien les tendances de la U que celles de l’opposition. Les motions, que ce soit celle de l’ARC concernant la nécessité d’élaborer sérieusement un programme pour ces présidentielles (qui a tout de même récolté 130 voix, soit 10 % du parti au moment des votes de la CN, autant que la pf4), ou celle du comité de Dijon, ont eu droit à deux minutes de présentation chacune à la toute fin des votes, quand tout avait déjà été joué, et n’ont pu à aucun moment irrigué les réflexions collectives. Résultat : cette CN n’a permis que de rejouer les débats habituels du CPN, avec des spectateursTRICES en plus, totalement dépossédéEs des débats.

Une CN qui, loin de rassembler le parti, le fracture un peu plus

En outre, sachant que la campagne commence avec du retard, que cette année nous devrons compter avec la concurrence du PCF et du CCR pour les signatures, et que l’état du parti n’est pas franchement au beau fixe, avec entre autres de grosses divergences sur la politique à mener aux dernières élections régionales, le lancement sérieux d’une campagne commune aurait impliqué de mettre tout le parti sur les rails afin d’aller chercher les signatures et d’impulser un signal fort à l’ensemble de l’organisation. À ce titre, l’objectif aurait dû être, comme beaucoup de comités locaux le défendaient dans les AG électives, de permettre une recomposition entre la pf2 1 et la pf5, les deux plateformes qui défendaient une candidature en propre du NPA aux présidentielles et qui ont récolté le plus de voix (avec une légère majorité de la pf2).

Mais les militants de la pf2 ont préféré s’appuyer sur cette légère majorité pour passer en force sur la question du profil : la candidature de Phillipe Poutou n’était pas discutable pour elleux, alors qu’elle était largement contestée dans le parti – y compris parmi des votantEs et potentielLEs votantEs de la pf2 ! En effet, cette candidature court le risque d’être peu crédible face à la France Insoumise car il sera difficile pour lui de résister aux pressions à l’unité qui s’exerceront durant la campagne puisqu’il a mené une campagne électorale avec la FI aux régionales derrière un programme ouvertement réformiste.

La direction de la pf2 a préféré faire une alliance avec la pf4 (comme au sein du “regroupement des 3 et 4 octobre”), allant par là contre la volonté exprimée par une partie de sa base. Faisant croire jusqu’au bout qu’un compromis était trouvable autour de la déclaration finale de sortie de la CN et de l’équipe de porte-paroles de la campagne, elle a finalement préféré aller au rapport de force avec la pf5 en refusant sa demande d’avoir trois portes-paroles dans le groupe de porte-parolat qui accompagnerait la campagne, la poussant à s’abstenir sur la déclaration finale. Cela laisse mal présager de l’avenir : après avoir poussé le CCR à quitter le NPA, il est à prévoir que la U se fera juge du droit de rester dans l’organisation ou non en fonction de la soumission des tendances d’opposition à sa politique au moment de la campagne des présidentielles. De l’autre côté, il est fort à parier que, si la direction actuelle ne change pas de ligne politique et n’essaie pas d’impulser une campagne présidentielle inclusive de tous les courants de l’organisation, un ensemble de tendances, mais aussi de comités, dégoutés de la façon dont la CN s’est déroulée, ne feront tout simplement pas la campagne. La CN risque donc de précipiter un peu plus le NPA dans la crise. À la dernière UDT, nous défendions le mot d’ordre : ni scission, ni marasme. Il semble bien qu’à continuer ainsi ce qui nous guette soit la scission et le marasme.

La préoccupation sur le programme écartée d’un revers de main

Les assemblées électives locales ont clairement fait apparaître une aspiration à renforcer le NPA sur le plan du programme à l’occasion des présidentielles. La motion sur le programme que nous avions déposée a été votée de manière transversale, bien au-delà des convaincuEs de l’ARC. Présente également dans la plateforme 1 et la plateforme 3, la préoccupation de dépasser le “programme d’urgence” habituel du NPA pour donner à voir concrètement à quoi pourrait ressembler un “pouvoir des travailleurs-ses” et quelles mesures de transition post-capitaliste de grande ampleur il devrait prendre pour changer de mode de production n’a pas été prise en compte. Pour que cette préoccupation transversale aux plateformes puisse être prise en compte, nous avons proposé au vote la mise en place d’une commission programme qui travaille à préparer le programme du NPA pour la présidentielle. Les camarades de la plateforme 2 l’ont écartée d’un revers de main, car pour eux, la discussion sur le programme était réglée par les éléments programmatiques déjà présents dans la déclaration finale de la CN.

Si nous saluons la présence dans la déclaration finale de formules en positif parfois nouvelles  pour le NPA, parfois non mais allant selon nous dans le bon sens, comme le “gouvernement du monde du travail”, la “planification”, la mise en place d’un “monopole public bancaire” fondé sur l’expropriation des banques privées et la “socialisation des tâches reproductives”, nous craignons néanmoins que tout cela soit toujours défendu de manière désarticulée, c’est-à-dire sans cohérence globale. Le journal Marianne a interprété un passage de la déclaration issue de la CN comme une défense du projet de “revenu universel” que Phillipe Poutou critiquait à juste titre en 2017. Écrire dans la déclaration en question que nous défendons “la garantie de vivre dignement avec un revenu tout au long de la vie” sans expliquer sur quelle base nous fondons et finançons cette garantie peut en effet avoir pour conséquence de semer la confusion. Il faudrait par exemple être capables d’expliquer en quoi la planification permet-elle d’ “interdire” les licenciements, eux-mêmes liés aux caractère concurrentiel de la production capitaliste; ce qu’on entend par travail reproductif, en quoi sa réorganisation dans une société socialiste permettrait de lutter contre l’exploitation et l’oppression des femmes et des minorités de genre, ou encore comment le “monopole public bancaire” que nous défendons habituellement permet d’annuler l’ensemble de la dette publique. C’est cette mise en cohérence du programme qui permettrait au parti de se démarquer du programme réformiste keynésien de la FI, au-delà de la simple critique du “nationalisme” et du “présidentialisme” de Mélenchon.

Pas d’alternative ?

Plus que jamais notre slogan « Faire entendre nos voix, prendre nos affaires en main ! » doit résonner dans le contexte de notre propre parti. Il n’est pas possible que nous soyons ainsi dépossédéEs d’enjeux politiques aussi centraux, encore plus dans le cadre d’une CN, qui est pensée comme un espace devant faire entendre la voix des militantEs. Tous les comités qui sont insatisfaits de cette CN devraient publier des communiqués le faisant savoir, et une AG de ces comités devrait avoir lieu au moment d’une prochaine rencontre nationale du NPA, par exemple à l’UDT. C’est pourquoi la direction du parti doit permettre à la base des comités de s’exprimer en appliquant la motion, adoptée à l’initiative de l’AG de Dijon – qui exige qu’une réunion des comités ait lieu. Nous rejoignons complètement le bilan du comité NPA 74, qui pointe la responsabilité de la direction dans la crise actuelle de l’organisation : « Nous avons le sentiment que les tensions qui se manifestent dans les organes centraux, si elles révèlent des divergences politiques réelles, prennent des dimensions qui dépassent la base et qui relèvent au moins autant d’une crise de direction que d’une crise du parti ».

La bataille politique continue, la direction du NPA doit impérativement mettre en place une direction de campagne démocratique, inclusive de tous les courants du NPA, et accepter l’équipe de porte parole proposée par la pf5 à la CN. Nous devons tout faire dans les semaines qui viennent pour développer et défendre un programme révolutionnaire désirable et crédible face à Mélenchon pour armer notre candidat Philippe Poutou en vue de la présidentielle et mener ainsi une campagne ouvrière, féministe et LGBTI, antiraciste, écologiste, communiste et révolutionnaire qui puisse rassembler le parti.

 

1. Si on attribue les plateformes à des courants, on peut résumer comme ceci : Plateforme 1 = DR / Plateforme 2 = U avec candidat / Plateforme 3 = Tendance Claire / Plateforme 4 = U sans candidat / Plateforme 5 = AetR, Etincelle, ARC, SoB / Plateforme 6 = CCR

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